Quelque chose de salin. D'humide aussi. Quelque chose qui me laisse un arrière goût de désespoir dans la gorge. Un reniflement, des pas lourds et traînant. Je me sens mou. Fatigué. Horriblement affligé par... par tout. Par toi. Par moi. Par la pluie et la vie. Le soleil et les scarabées. La couleur poisseuse de ma cravate, celle un peu trop lumineuse du château. Par ma sale note en Arithmancie. Par les cours. Même les musards n'arrivent pas à me remonter le moral.

Mais que vais-je devenir ?
Sans musard, la vie n'est rien.
Sans la vie, les musards ne sont rien.
Je sais pas trop ce que je raconte, mais j'ai l'impression que c'est quand même vachement profond.

Je suis sorti de l'infirmerie y a à peine 10 minutes. A cause d'un petit bobo que je me suis fait en allant jouer à un, deux, trois soleil avec Lysandre, sous le saule cogneur. Sur le coup, ça m'avait paru être une bonne idée. Et faut croire que non. Pourtant, Lys, Serdaigle, n'avait jugé que ça pouvait être dangereux... Gneuh... Si je peux même plus m'amuser, à quoi bon ? Je soupir, entrant dans ma salle commune, tête basse et yeux humides. Je sais pas. Depuis que Absynthe m'a soigné, j'ai envie de rien. Ou simplement de me terrer dans un coin, comme le bon blaireau que je suis. Prendre racine. M'auto-momifier ou devenir une statue qu'on regardera avec peine et compassion.

Je pars me vautrer dans le canapé, une jambe en hauteur et je fixe le plafond en écrasant ma paume contre mes yeux. J'entends soudainement quelqu'un gémir. Comme un loup répondant à sa meute, je gémis moi aussi en guise de réponse. Si ça c'est pas de la compréhension blaireaudienne... Je me redresse quand même, sans savoir ou je parviens à trouver la force de me mettre sur mes jambes tremblotantes.

« Pourquoiiii.  J’…  j’aurais voulu de ces sandwiches, moi aussi ! »

Je renifle et trouve rapidement la source de cette voix brisée qui me prend au cœur. C'est Timo, recroquevillé dans un coin sombre. Je traîne les pieds jusqu'à lui, passant une main sous mon nez pour en essuyer le liquide transparent et gluant (et éviter ainsi qu'il ne dégouline dans ma bouche... quoique c'est un peu trop tard... Oooh c'était ça le goût salé ! … bouh... ) Sa plainte me bouleverse, parce que c'est nul et cruel de pas avoir eu les sandwiches qu'on convoite. Si je ratais une part de pudding, j'irai me pendre au saule cogneur avec l'aide de Viridus. Ou de Loordes.

- « Ils vont te laisser mourir de faaaim... »
Normalement j'aurais dû le réconforter, lui offrir un truc en échange. Mais là, je l'enfonce. Je n'ai pas une seule once de positive attitude dans la tête.

Je pause le plat de ma main sur le sommet de son crane avant de me laisser glisser par terre, face à Timo. « Pourquoi ils sont si méchants ? Pourquoi ils sont tous si méchants ? Ils vont .... me renvoyer de l'école. » Je lève un regard larmoyant vers lui. Je suis triste. D'avoir eu une mauvaise note à mon devoir d'Arithmancie. C'est intolérable et indigne de Poudlard. Je sais qu'ils vont me renvoyer pour cette faute impardonnable.

Pauvre Timo. Et pauvre de moi aussi. Quelle vie misérable. Rejeté, abattu, viré de l'école et bientôt laissé pour mort suite à une longue agonie. Mourir de faim, c'est vraiment nul. Raté son année aussi. Finir dernier de la classe sous les moqueries des autres, voir son rêve s'envoler et se briser, ça aussi, c'est nul. C'est même moche. Je ne veux pas y penser. Mais, je suis exactement en train de faire l'inverse... je veux me transformer en flaque jaune et me répandre à travers tout le châteauuu...

Le regard qu'il m'adresse fait sûrement écho au mien. Il est plein de larme. Et ça me donne encore plus envie de pleurer. Je remonte mes genoux en fixant le sol alors que mon compagnon éclate de nouveau en sanglot. Et c'est plus fort que moi, j'enfouis mon visage entre mes mains et laisse aussi mes larmes coulées. La vie est injuste. Cruelle. Méchante. Je voulais qu'elle soit belle et jolie. Quelle me donne envie de sourire. Mais, il y a trop de choses néfastes dans ce bas monde et dans cette école pour qu'on puisse vraiment être heureux. Bouuuh...

Mon corps tremblote, mes épaules sont secouées et je sens une main se poser dessus. Reniflant, le visage inondés de larmes et le nez dégoulinant sensuellement (erm...) je le regarde à travers l'eau salée de mes prunelles. Ma lèvre tremble pendant que je l'écoute. Et plus je l'écoute, plus mon visage se tire en une moue de chagrin. Il a l'air si sérieux que ça me bouleverse encore plus. Mais, qu'avons nous fait pour mériter cette injustice ? Ses problèmes me rappelles les miens, et triturant mes doigts, je lance dans ma tirade 100% dépressif-cey-moi-le-pire.

- « Mais tu comprends paaas. Je.. je voulais tant réussir mon ann-année et être prof. » Mon nez me pique à nouveau et ma bouche remonte tant dis que je me retiens de ne pas fondre en larme. Et je lutte contre mes sanglots « Ils vont me mettre deh-hors. Et-et plus ja-jamais je pourrais reve-reveniiiir ! » Reniflement brusque. « Toi, tu mourr-as dans Poudlard... moi je ser-serai sous un pont ! » Dans un carton avec un peu de chance... huuuu.. C'est merveilleux de voir comment deux blaireaux se réconfortent mutuellement. Mais, c'est trop. J'enroule mes bras autour de mes genoux, y niche ma tête dans le creux formé. Et je me bascule d'avant en arrière, le corps tressautant par ma crise de larmes.

Un éléphant qui se balançait sur une toile, toile, toile, toileeeeuh d'araignéééé... Beuh. J'aime pas cette chanson. C'est impossible pour un gros pachyderme de se balancer sur un truc aussi fin et léger et peu probable qu'une toile à la con. Les chansons moldu sont vraiment bizarres.
Ça me fait frissonner. Mon dos heurte doucement et régulièrement un truc derrière moi. Je sais pas ce que c'est, une table, un coussin, un canapé, fauteuil, éléphant... De toute façon je m'en fous. Cette chose ne m'aidera pas à me sentir mieux. Même un psy pourrait pas m'aider. Le monde est si moche.

J'entends Timo bouger et j'arrête de me basculer pour relever la tête vers lui. Il comprend pas ma détresse. Mais, je comprends pas la sienne non plus. Qu'est-ce qu'on est beaux, tout les deux là, à pleurer comme des gamins devant la misère environnante. Je le fixes de mes grands yeux humides et passe ma langue sur ma lèvre supérieure en reniflant.

- « Ta baguette t'aime plus. Mais, moi. C'est Poudlard entier qui ne veut pas de moi.  Et puis, je suis sur que le pont finira par s'écrouler sur moi. Je vais mourir ensevelit et enterré.... enterré vivaaaant ! »

Je prends conscience de ce que je dis et j'attrape mon visage entre mes mains, la mine affolée, les yeux écarquillés. Comme un enfant qui se réveil après son pire cauchemar. Il se colle subitement contre moi, et je sursaute en gémissant avant de regarder le plancher avec une telle intensité que je comprends pas pourquoi il n'a pas fondu sous la pression. Puis Timo me tire mon pantalon et je tourne doucement la tête vers lui. « Qu'est-ce qu'il y a ? » Encore un reniflement et un passage de langue sur la lèvre. Je le fixe en lui donnant toute mon attention.

- « C'est horrible de dire çaaa ! Je veux pas que tu dises ça. Jette ta baguette. Viens avec moi sous le pont. Viens mourir avec moi, Timo. »

Plus je parle, plus j'ai l'air hypnotisé par mes propres paroles. Ça me semble être une bonne idée... Il s'étale sous mes yeux et je me redresse un peu pour le secouer. « Timooooo ! » Gémissements plaintifs. « Pourquoi... pourquoi on exiiiiste ? »

Et ça, c'est profond comme question. Je le sens. C'est désespérant aussi.  

Aaah... Le voilà qui se frotte contre mon joli pantalon. T ES CONTRE MOI TOI AUSSI TIMO ? Que Merlin me protège de tous ce qui peut m'être nuisible. Les duels. Entre autre. Parce que j’enchaîne les défaites. Je crois que je suis maudis. Je pourrais me dire que ma baguette ne veut pas que je fasse du mal aux autres ; et que c'est pour ça que mes sorts ne fonctionnent jamais, que je ne touche jamais mon adversaire. Parce que je suis trop bon. Gentil. Altruiste. Mais naaaaan. Je suis maudis j'ai dis. Point barre. Je feule alors qu'il termine de se morver (gentiment) sur mes fringues (au point où on en est, je lui filerait ma chemise et mon caleçon. Il pourra dire à tout le monde que mes slips sont blancs avec des canards jaunes et violets.) Je ne suis plus à ça près.

- « Ooooh ! Tu crois... qu'on deviendra des anges ? » Ooooh ouiii. Des anges. Des êtres bons que tout le monde aiment. Haaa ce serait bien... et puis j'ai le look parfait, blond, yeux bleus, la robe blanche m'ira carrément au teint. Je rêvasse, la tête basculée en arrière, bouche ouverte en dodelinant légèrement. Timo jette sa baguette. Pas moi. Je sais pas où elle est et j'aurais pas la force de la lancer aussi loin que lui.

Je me met à le secouer mais, il bouges pas. Il reste mou. Tout mou. Comme le ventre de ma grande tante. Mais, elle me tuerait si elle apprenait que j'ai dit ça. Et une mort causée par ma grande tante serait pire que tout. « Eeeeh ! T'es mort ? Meurt pas avant moiiii ! » Nooon. Ça serait trop méchant de sa part. Surtout qu'il a dit qu'il voulait mourir avec moi. Je chouine devant son corps. Je sais pas trop prier. Je sais pas comment on enterre les gens. Il me faut de l'aiiide. Hoo. Non, y a personne dans la salle commune...

Mais Timo ouvre soudainement les yeux. Je glapis en frappant des mains alors que je l'écoute, tête penchée. Et plus il parle, plus je prend une mine horrifié. Parce que je suis horrifié.

« Han ! Nan ! C'est...c'est... » Les larmes me montent aux yeux. « ...c'est méchant. » C'est un couinement à peine audible. Ma lèvre tremble et les perles salées glissent sur mes joues. « Pourquoi les gens méchants existent ?... » Nous, on est des gentils … on veut pas faire de mal aux autres. Alors pourquoi on nous en fait ?

Il se redresse et je sursaute,. Mon corps tremble brutalement quand il me prend par les épaules. Je clignes des yeux, chassant les dernières larmes avant de bafouiller. « Mais...je sais pas qui c'est. C'est ton amoureux ? Ooooh Timoooo ! » C'est trop triste. Il va laisser l'amour de sa vie sur terre. Et l'amour de sa vie sera bien seul sans lui. Je m'essuie le visage avec mon bras, reniflant encore. « Il pourrait mourir avec nous ? » Comme ça, Timo et son amour ne seront pas séparés.

Timo fait des bruits bizarres. Et pour lui répondre, je fais exactement les même bruits avec un son un peu plus aigu. C'est comme une conversation en code ; personne ne comprend à par les deux concernés. Personne ne comprend notre douleur et ce ressentiment d'être à la fois inutile, mou et …. désespéré. Personne. NOBODY. Qu'on nous laisse mourir, noyé dans notre propre chagrin ou étouffé avec notre morve, parce qu'on aura pas assez renifler.

Timo tremble et je tremble aussi. Le voilà qui inonde ma chemise mais, c'est pas grave : j'irai inonder la sienne après. Quand il se redresse les yeux tout pleins de larmes, les miennes afflues de nouveaux et je comprends qu'il tient beaucoup à l'amour de sa vie qu'il laissera derrière lui. Oooh... Huuuu. Un boursoufle. C'est mignon les bouboux... c'est poilu et doux. Un peu... un comme... « Je voulais un laaaapiiin ! » Ouiii... Si Timo a un boubou, je vois pas pourquoi moi je pourrais pas avoir un lapin... « C'est pas juuste. » Je plisse le nez, les lèvres montantes et les yeux brillants. Il me regarde, semble se calmer alors que moi pas du tout. Je boude. Et je pleure. Et c'est très glamour et sensuel.

Et puis ses yeux sérieux percent les miens. Parce que son boubou va sauver notre race d'être inférieur et torturé. Mais, est-ce possible ? Réalisable ? Je bat des paupières en reniflant. « Tu crois qu'il peut ? » Et puis soudain, déclic. «  Oooooh !! Mais, ça veut dire... qu'on sera des Dieux ? Des... Divinités ? Des gentils maltraités par les méchants ? » Oooh. Les gens mal-aimés iront nous prier. On aura le droit à des fleurs et des sacrifices. Je suis émerveillé par la suite de ses propos. « Charlie est méchant. Et l’Érudit aussi. Et... et... tout le monde en fait... » Je m'assombris parce que je comprends ce que ça implique. « Je veux pas que l’Érudit soit tué. Timo, tu dois dire à... à  CottonCandy de pas faire de mal à lui... » Mais, il peut s'en prendre à n'importe qui d'autre. Je m'en fiche. Il cache sa tête et je le saisis par les épaules, plantant mes yeux brumé dans les siens. « Soyons de bons Dieux. »

Tuons les vrais méchants et soignons les gentils transformés en méchants.

Ce qu'il me dit me transperce et atteint la zone à moitié détruite de mon cerveau ; celle qui contrôle encore les muscles de mon visage. Son regard est si intense, j'ai l'impression qu'il me fait ses adieux. Je chouine mais, je hoche la tête. Un lapin... pour les gouverner tous... Je cesse de pleurer pour imaginer la chose. Le lapin de la victoire ; le lapin de la vie, de la justice.... Monsieur Lapin...

- « Ooooh... » Je renifle bruyamment. Oui, il me fait un lapin. Pour me protéger. Protéger les jambons euh... les gens bons. Et gentils. Et l'Érudit aussi. Et rester le boubou de Timo... Mais, je tire la grimace. « Avoir des enfants, ça fait mal... » Je murmure pour moi-même. Je ne veux pas mon lapin ait mal. Ni le boubou de Timo. Timo qui tire ma manche et que je regarde en tremblant. « C'est triste ce que tu dis... personne ne devrait mourir seul ! » Je le secoue avec la rage du désespoir. Mais, je serais là, pour mourir avec lui, sous un pont, dans une camionnette, sous une église ou même dans un champs de pâquerettes.

J'arrête de le secouer quand je l'entends marmonner, et je papillonne des yeux.

- « Ou-oui... Mais, c'est dur. De passer un message. Parce que... » Je sens mes yeux s’inonder à nouveau. «... parce que personne nous écouteraaaa.... huuuu... » Je plonge ma tête contre son épaule et tremblote, inondant son vêtement d'eau salée et de liquide visqueux. C'est vrai, personne n'écoutera notre dernier souhait... et personne ne comprendra. Les gens sont si méchants. Si obnubilé par leur personne que deux pauvre blaireaux ne peuvent simplement pas les intéresser...

Je m'agite et bat des bras, faisait de grand cercles vers le sol en griffant le parquet au passage.

Timo est gentil. Ses gestes sont gentils. Pleins de compassion... à moins que ça ne soit de la pitié ? Oh peut importe. J'aime bien me blottir dans ses bras, renifler contre sa chemise et gémir en même temps. Je crois qu'il essaye de m’apaiser. Et c'est gentil de sa part... mais, ce qu'il dit réduit à néant tout ses efforts. Je m'agite en entendant la vérité sortie de sa bouche. Pire, elle provoque en moi une foule d'idées encore moins jolies.

- « Oui, je suis préfet.... et... » Mes yeux s'agrandissent mais ne voient que le vide. Je chuchote. « … C'est pour ça qu'ils seront content de me virer... ils veulent mon poste... » Je m'agite de plus en plus, griffant le parquet, la tête s'enfonçant dans l'épaule de Timo. Et puis soudain, il m'attrape les bras et je ne peux plus rapper le sol. Glapissant de désespoir, je redresse la tête quand il me soupir en plein visage.  

Nous ? Des fantômes ? Je sais paaas. Ca fait peur les fantômes. Je ne veux pas devenir quelqu'un qui fait peur. Mais, ses paroles font leur chemin et je médite dessus en me redressant, essuyant le bas de mon nez.

- « Faire croire à notre mort... Mais... c'est... on peut faire ça ? On est pas des Serpentard... » Nous, on est des blaireaux. Gentils et loyaux. On est pas fourbes et... verts. Je cligne des yeux alors qu'il essaye de se relever avant de tomber à genoux. Je l'attrape encore par les épaules, le visage sérieux. « Siiii !! Siiii ! Tu as raison Timo ! Faisons croire à notre mort ! Ils seront tristes sans nous ! Et quand on reviendra, ils seront contents ! » Mais, plus je parle, moins j'y crois. Mon enthousiasme disparaît. « N'est-ce pas qu'ils seront tristes ?... Ils seront pas contents heen ? ... On est... quand même un peu important ? .... » Ma voix tremble et je le supplie du regard. Qu'il me rassure. On pourra ensuite parler de la façon dont on mourra.