Je veux les mots de passe pour la cuisine !

Il lui avait fallu longtemps, à Wendy, pour découvrir où était l'entrée des cuisines, et ensuite pour trouver comment on y entrait. Elle avait posé plein de questions à plein de monde, espionné les allées et venues des gens dans le sous-sol, soudoyé deux-trois personnes avec des chocogrenouilles, et puis elle avait fini par tomber sur un mystérieux inconnu qui lui avait dit comment y aller. Ni une ni deux, la petite sorcière était partie voir et miracle ! Derrière un gros tableau un peu moche avec des fruits (il fallait gratouiller la poire pour qu'il se déplace), il y avait les cuisines, remplies d'elfes de maisons et de fourneaux et de nourriture et de tables et de couteaux et d'ustensiles divers et variés tout à fait à leur place dans une cuisine. C'était parfait. La petite fille n'osa pas y entrer tout de suite, un peu intimidée par la taille de la salle, et se dit qu'elle y retournerait avec quelqu'un, histoire de revenir les mains remplies de gâteaux pour Juliet. Elle aime les gâteaux, Juliet.

Alors elle avait donné rendez-vous à Océan. Ca lui plairait sûrement ! Elles allaient voir une partie secrète du château, rencontrer plein d'elfes de maison, et manger plein de gâteaux. Ca s'annonçait plutôt bien, comme après-midi. Wendy lui avait donné rendez-vous devant le tableau, pour à peu près maintenant ; la petite sorcière l'attendait, cachée dans un coin - elle avait un secret, et ne voulait pas qu'une autre élève indiscrète l'espionne et le découvre - et passait le temps en comptant les fruits du gros tableau. Est-ce qu'elle l'avait oubliée ? Est-ce qu'elle était venue, et ne la voyant pas, était repartie ? Non, Wendy l'aurait vue, elle. Est-ce que … elle arrivait ! Wendy attendit qu'elle soit suffisamment proche du tableau pour sortir de l'ombre, et s'approcher à son tour.

"Océan ! Coucou !" La petite sorcière la salua.

"Regarde ! On entre comme ça !" Et, gratouillant la poire du gros tableau de fruits, la jeune fille ouvrit la porte vers le monde magique des cuisines.

(HJ : ne t'en fais pas ! ^^ )



"Je me cachais parce que c'est un secret, l'entrée aux cuisines, et je veux pas que tout le monde le sache. Juste toi et moi ! Comme ça, les elfes de maison seront pas envahis d'élèves et tout."

Enfin, Wendy le dirait sûrement aussi à sa meilleure amie Juliet. Qui le dirait sûrement aussi à quelques-uns de ses amis - et Juliet, elle était amie avec tout le monde. En fait, le secret de la petite Poufsouffle ne serait bientôt plus un secret. Pauvres elfes.

Wendy et Ocean étaient entrées dans la cuisine. C'était assez impressionnant, c'était grand, ça grouillait de monde, c'était magique ! Elles n'avaient jamais rien vu de pareil. Wendy décida qu'elle aimait cet endroit.

Ocean regardait les elfes. Elle n'était pas sûre d'elle-même : était-ce des elfes de maison ? Wendy, elle, elle savait. Elle était grande, en troisième année déjà, elle avait eu des cours sur les créatures magiques, et elle était studieuse, elle s'en souvenait bien.

"C'est des elfes, oui ! Je crois qu'à Poudlard, ils sont bien traités. Regarde, ils ont l'air contents ! Y'a personne pour les gronder, ils sont tranquilles, ils font la cuisine et tout. Mais peut-être qu'ailleurs, on les traite mal. C'est dommage, c'est pratique d'avoir un elfe de maison, ils sont très serviables et font plein de choses pour toi. Il faut en prendre soin."

Wendy, qui venait d'une famille de sorciers, n'était pas très émue par le sort des elfes. C'était un peu normal, pour elle, les choses étaient comme ça, elle n'y avait jamais vraiment réfléchi. Les elfes de Poudlard n'étaient pas maltraités alors elle n'y faisait pas attention. Océane se faisait peut-être du souci pour eux, mais Wendy, ça lui passait un peu au-dessus de la tête.

La petite sorcière s'avança dans la salle. Les elfes semblaient ne pas prêter attention au duo, et continuaient de courir et de s'affairer à la préparation des repas. Wendy en apostropha un.

"Hé bonjour toi ! Tu sais faire des gâteaux ? On peut avoir des gâteaux ? On aimerait bien en avoir !"

L'elfe fit oui de la tête, et Wendy se retourna vers Ocean, toute contente.

"On peut avoir tout ce qu'on veut, ici ! Tu veux quoi ? Tu peux demander n'importe quoi !"

Les cuisines, c'était vraiment magique comme endroit !

Wendy sourit gentiment à son amie. Ocean allait garder le secret - elle n'en parlerait qu'à Sandy, enfin, peut-être, et la petite Poufsouffle comprenait. Wendy aussi avait une amie à qui elle confiait tout : Juliet savait les moindres détails de sa vie, parce que Wendy passait son temps à tout lui raconter, le soir dans les dortoirs, avant d'aller dormir.

"Je ne connais pas Sandy ;" remarqua cependant Wendy. En fait, elle le connaissait un peu, elle savait qu'il était grand et qu'il était à Gryffondor. Mais elle voulait faire parler son amie Gryffondor. "Il est qui pour toi ? Tu l'as rencontré comment ? Tu l'aimes beaucoup ?" Les amitiés d'Ocean, c'était un sujet de conversation très intéressant. Wendy voulait tout savoir sur ce Sandy.

Et les cuisines, c'était parfait comme endroit pour parler de ça ! Les deux fillettes avaient passé un peu de temps à découvrir les lieux, avant de se mettre aux choses sérieuses : Ocean voulait un gâteau. "C'est d'accord pour le gâteau au chocolat !" acquiesça Wendy, avant de se tourner vers l'elfe de maison. "Un gâteau au chocolat, mon brave ! Hop !" ordonna-t-elle.

"On peut s'asseoir quelque part si tu veux, en attendant qu'il arrive ?" fit la petite Poufsouffle en se retournant vers son amie. Il y avait la place. Wendy avait hâte de s'installer et d'écouter son amie parler de Sandy.

Wendy s'assit sur un banc à côté de son amie Ocean, les coudes sur la table et la tête posée sur ses mains, et l'écouta parler de Sandy. Elle avait un grand sourire sur le visage.

« Et vous avez fait beaucoup de choses ensemble ? Il est grand, non ? Comment ça se fait qu'il passe du temps avec toi, je veux dire, généralement, les dernières années ne me parlent pas, à moi. »

Ocean lui renvoya la balle – elle, elle voulait savoir comment la Poufsouffle avait rencontré son amie Juliet. Wendy eut un petit rire, mais se mit à répondre avec ardeur. Elle aimait beaucoup parler de Juliet. Ell était plus qu'une amie pour elle.

« On s'est rencontrées toutes petites en fait ! On vient de la même ville, Liverpool, et elle faisait de la balançoire. On devait avoir six ans. Enfin, elle a décidé de sauter de la balançoire et elle a lévité dans les airs pendant un bon moment ! Moi j'ai tout vu, et j'étais trop contente de me trouver une amie sorcière. On est restées inséparables depuis. On est allées à l'école ensemble, puis à Poudlard ensemble, et on est dans la même maison, et dans les dortoirs on a des lits l'un a côté de l'autre. Juliet elle est trop bien. »

Le gâteau ne tarda pas à arriver, coupant les petites filles dans leur conversation. Wendy se mit à trancher des parts généreuses, et prit l'une d'entre elles dans ses mains. Elle mordit à pleine dents dedans et mangea un peu avant de répondre à la Gryffondor :

« Je pense qu'on peut ! C'est notre gâteau, et c'est des elfes ici, ils vont pas nous dire non. On peut en manger autant qu'on veut, et remporter le reste avec nous après. Il est super bon. J'en donnerais bien à Juliet. »

Et Wendy continua de parler de sa meilleure amie.

« Juliet c'est presque comme ma famille. Je n'ai pas de frères et sœurs, et j'étais un peu toute seule à la maison, avant de la rencontrer. Elle, elle a de la famille, mais ils sont grands, et ils n'aiment pas jouer avec elle – et puis ils ne s'intéressent pas aux mêmes choses. Alors on est contentes de pouvoir passer plein de temps ensemble ! Toi tu as un frère ici je crois ? Il est gentil avec toi ? »

Wendy écouta Ocean parler de son ami Sandy avec un sourire. C'était chouette qu'elle ait des amis chez les grands, comme ça. Un grand frère de substitution pour veiller sur elle pendant sa première année à Poudlard. Et elle comprenait très bien sa tristesse de le voir partir l'an prochain : Wendy aussi allait voir Alix, Alix qu'elle admirait tant, Alix qu'elle admirait de loin, partir très bientôt. Au moins Ocean allait-elle pouvoir correspondre avec Sandy, parce qu'ils étaient amis. Ils pouvaient garder contact, s'ils en avaient envie. La petite Poufsouffle espérait un peu qu'ils le fassent. C'était toujours dommage de perdre quelqu'un qu'on aimait.

Mais parler de Juliet lui remonta tout aussitôt le moral. Juliet avait un effet magique sur Wendy. Parler de Juliet lui donnait toujours le sourire, parler de Juliet éclairait son visage, parler de Juliet chassait tous ses soucis, petits et grands, et la rendait heureuse. La jeune fille était vraiment très heureuse de l'avoir rencontrée. Et le gâteau au chocolat ne faisait qu'ajouter à son bonheur.

« Juliet est merveilleuse ! » acquiesça Wendy de tout son coeur. « Et je ne connais pas Sloan. Je ne connais pas beaucoup de Serdaigles, en fait, enfin pas personnellement. Je n'ai jamais eu l'occasion de leur parler. Elle est gentille Sloan ? »

Ocean lui parla ensuite de sa famille, avec un air un peu triste sur le visage. Elle avait un frère, qui ne l'aimait pas beaucoup et qui n'était pas gentil avec elle. Louis. Wendy le connaissait, ce Louis, elle l'avait rencontré – il était un peu brutal dans ses manières et il ne savait pas consoler les gens, mais il était gentil, un peu, quand on était d'accord avec lui. Il avait l'air d'être en colère tout le temps. Et ce que lui avait dit Ocean éclairait un peu la petite Poufsouffle sur la dernière rencontre qu'elle avait eue avec le jeune Serpentard. Louis était en colère contre tout le monde magique parce qu'il était très triste d'avoir perdu son frère.

Ca ne devait pas être facile pour Ocean non plus. Mais Ocean avait l'air beaucoup plus heureuse, elle n'avait pas de problèmes graves avec les professeurs, elle ne se battait pas avec les gens, et elle avait même Sandy, qui ne devait pas remplacer son grand frère, mais qui devait être là quand elle n'allait pas bien quand même. Elle devait être vraiment triste de le voir partir l'année prochaine. Elle devait être triste de voir Louis s'énerver contre elle. Elle avait perdu un frère et elle ne pouvait pas être proche et complice avec l'autre.

Wendy ne savait pas trop quoi dire à son amie. Elle n'avait pas de famille, elle, juste un papa qui restait dans la cuisine, tout seul avec ses photos, absent. Elle avait eu beaucoup de chance de rencontrer Juliet, et d'être répartie dans l'espèce de famille nombreuse qu'était la maison Poufsouffle, et d'avoir des amis à Poudlard. Ocean avait l'air triste.

« Je ... » hésita-t-elle. « Je connais Louis, je l'ai rencontré. Ton frère il est mort dans un accident magique ? Je crois que Louis est triste, lui aussi, et qu'il en veut à la magie à cause de ce qui est arrivé. Mais je suis sûre qu'il t'aime. Je suis désolée. »

C'était un peu maladroit. Wendy ne savait pas trop comment faire pour trouver les mots qu'il fallait – elle aurait aimé avoir une formule magique pour ça aussi – mais elle était sincère, et elle était prête à écouter son amie. Elle savait bien qu'elle ne pourrait pas tout arranger en un jour, mais elle ne voulait pas qu'Ocean soit triste.

Ocean avait l'air triste. Elle baissait les yeux, expliquant à son amie qu'elle ne partageait pas les vues de son frère sur la magie, qui ne faisait pas que du mal et qui pouvait faire de grandes choses aussi. Wendy était d'accord, en un sens. La magie pouvait faire beaucoup de choses. La magie, c'était un immense pouvoir, un immense potentiel en attente d'être réalisé, et il fallait faire attention parce que les conséquences pouvaient êtres très graves. Et tout le monde manipulait la magie comme si c'était quelque chose sans importance, qu'on pouvait gaspiller à l'envi pour satisfaire n'importe quel caprice. Accio amène-moi mes chaussures, Wingardium Leviosa porte mon sac. C'était ridicule. Mais la petite Poufsouffle ne dit rien de toutes ces pensées. Ce n'était pas le moment. Océan était triste.

Un peu maladroitement, Wendy se rapprocha de son amie, et elle lui caressa les cheveux, gentiment, un seul geste qu'elle arrêta vite, avant de tenter de la rassurer de nouveau. Elle ne savait pas trop comment s'y prendre.

« Je suis sûre que Louis, il t'aime. S'il continue à te parler et à tenter de te convaincre que la magie, c'est dangereux, c'est qu'il s'inquiète pour toi. Sinon, il t'aurait juste abandonnée avec le reste des sorciers, je crois. Et puis c'est ton frère, il t'aime. »

Wendy n'avait jamais eu de frère qui s'était inquiété pour elle – ce qui s'en rapprochait le plus, c'était Juliet (et Wendy n'aimait pas qu'on dise qu'elle et Juliet étaient « comme des soeurs ») et Juliet avait tendance à ne jamais se rendre compte qu'il y avait un problème, sauf si on le lui expliquait clairement. Avec Juliet, tout le monde était heureux, et tout allait toujours bien. C'était très reposant d'être avec elle. Mais, du coup, Wendy ne savait pas comment rassurer quelqu'un, parce qu'elle n'avait jamais vraiment eu à le faire. C'était toujours Wendy qui se faisait rassurer par la seule présence de sa meilleure amie.

« C'est dommage que vous vous disputiez tout le temps à propos de la magie. Vous ne faites jamais rien d'autre ensemble ? Vous faisiez des choses ensemble avant ? »

Peut-être que Wendy parlait un peu égoïstement. Si elle avait eu un frère, elle, elle aurait aimé passer du temps avec lui, à jouer ensemble quand ils étaient enfants et à continuer de se voir et de discuter maintenant qu'ils étaient plus grands. Ce n'était pas à elle de dire à Ocean ce qu'elle devait faire avec Louis.

« Enfin, je suis sûre qu'il t'aime. »

C'était une conclusion un peu pathétique. Wendy n'était pas une grande oratrice. Elle ne savait pas mentir, et elle disait ce qu'elle pensait de manière générale. Mais là, elle ne savait pas trop quoi penser de tout ça. Elle espérait juste avoir réussi à consoler Ocean un petit peu. C'était ça le plus important.

Wendy écoutait les réponses avec un petit sourire désolé. Elle avait tout faux. Elle n'avait rien compris, et tout ce qu'elle avait dit n'avait fait que de la peine à son amie. Ocean qui la regardait avec un sourire en lui disant que tout finirait par s'arranger. Ocean était optimiste, et souriante, et forte. Wendy l'admirait beaucoup.

« Je pense que lui envoyer une lettre c'est une bonne idée. Il a l'air susceptible, alors donne-la lui sans passer par quoi que ce soit de magique ou de sorcier, je pense. Il vaut mieux éviter les hiboux et les papiers qui volent. Mais c'est une très bonne idée. »

Wendy essayait toujours. Elle avait envie d'aider son amie. Elle avait envie de bien faire. Et elle ne pouvait que l'encourager à essayer de reprendre contact avec son frère. Louis n'était peut-être pas très gentil, mais c'était important pour une famille de se voir. Quand quelqu'un de la famille disparaissait, ça faisait toujours très mal à ceux qui restaient – et Wendy était bien placée pour le savoir. Louis se faisait distant, mais il était encore là. Tout n'était pas perdu, et la petite Poufsouffle espérait qu'il finisse par revenir et redevenir proche de sa sœur.

Wendy aurait bien aimé avoir une sœur.

Les deux amies mangèrent leur gâteau en silence pendant un petit moment, puis elles recommencèrent à parler. Elles n'avaient plus rien d'important à se dire, en fait, mais elles étaient heureuse de se voir et de passer du temps ensemble. Et puis elles finirent par ne plus rien avoir à se dire du tout, et elles avaient mangé assez de gâteau et n'avaient plus faim. C'était le temps de rentrer dans leurs dortoirs respectifs.

Elles se dirent au revoir.

« Bon courage pour les escaliers ! » fit Wendy. Elle avait de la chance d'avoir sa salle commune juste à côté des cuisines. Elle ne savait pas comment elle aurait fait pour remonter jusqu'en haut des tours du château avec l'estomac lesté comme ça.

Et avec un dernier au revoir, les deux petites filles partirent, emportant chacune la moitié du gâteau restant. La vie à Poudlard était chouette. Wendy comprenait pourquoi Ocean avait l'air heureuse comme ça. Elle espérait qu'elle le soit encore plus au fil du temps.