Des rumeurs bizarres couraient dans les couloirs, ces derniers jours. À propos d'autre chose qui courait dans les couloirs, en fait. Ou plutôt, de quelqu'un. Quelqu'un qui avait couru dans le couloir marécageux en tenue d'Adam. Quelqu'un qu'Holly connaissait bien. Elle soupira en se postant devant le terrain de Quidditch, les mains sur les hanches. Heureusement pour la réputation des Morgan, aucune équipe n'avait réservé les lieux pour s'entraîner, de sorte que la retenue qu'elle s'apprêtait à superviser resterait... dans la famille. Elle consulta sa montre pour s'assurer qu'elle était en avance et attendit patiemment l'arrivée du fautif. Un peu avant la demie, elle le vit au loin et lui fit un petit signe de la main pour le saluer, avec un bref sourire. Rester professionnel, d'accord, mais il y avait des limites.

« Bon mon p'tit Richou, on va faire ça vite et bien parce qu'on doit aller à l'anniversaire de ta cousine après, et y'a encore le gâteau à acheter. »

Oui alors, officiellement la retenue durait de seize heures trente à dix-huit heures trente, mais 'fallait pas déconner, toutes les pâtisseries seraient fermées à cette heure-là. Et pas question d'arriver en retard aux Trois Balais. Holly ouvrit la porte qui menait aux vestiaires et aux bureaux des capitaines d'équipe et de l'arbitre. Mais plus important : à la réserve. Y étaient entreposés tous les vieux balais utilisés pour les cours de Vol, ou pour dépanner une équipe qui s'entraînait. Généralement, le joueur qui en écopait pleurait, parce qu'il n'y avait là que de vieux modèles - du Brossdur des années cinquante à l’Éclair de Feu de 1993. Elle laissa passer son neveu et ferma derrière eux, tout en commençant les explications :

« Y'a les balais à nettoyer et la réserve à ranger... tu vas commencer par sortir tous les balais, ensuite tu les nettoies, tu passes un coup de serpillière dans la réserve, tu n'as pas le droit à ta baguette alors bon... Quand tout est nickel tu remets les balais et tu reviens me voir, que je te donne la suite. »

L'utilisation d'un balai pour nettoyer était bien évidemment prohibée, pauvres petites choses à franges. L'aînée des Morgan considéra les lieux quelques instants. Les casiers auraient dû être dépoussiérés aussi, mais la plupart étaient pleins de fourbis dont Holly ne voulait pas connaître le contenu, et puis c'était aux joueurs de nettoyer leurs affaires, ça leur apprenait la discipline. Par contre les balles de Quidditch, gardées sous clef dans le bureau de l'arbitre, auraient bien besoin d'un petit coup de chiffon. Quelques pancartes "Ne pas voler les balais" et "Du balai, Ronove" ne seraient pas superflues non plus, au vu des récents événements. Elle laisserait Richard s'en charger, il avait sûrement plus d'imagination qu'elle pour dissuader les petites malins de traîner dans le coin. En bref, ce n'étaient pas les activités qui manquaient. Holly espéra que Richard aurait le temps de finir avant dix-huit heures. Elle l'aiderait un peu au besoin, elle préférait ça plutôt que le faire revenir une fois de trop et passer la moitié de la retenue à bavarder parce qu'il n'y avait plus rien d'autre à faire. Non que bavarder avec son neveu la dérangeât, n'est-ce pas. Le premier qui crie au privilège fait des pompes. *Z'avez rien à dire, fallait être nés Morgan, bande de moules.*

« Je serai dans le bureau de l'arbitre si tu as des questions. »

Son bureau, quoi. Même si Holly ne l'occupait pas souvent... elle avait trop la bougeotte pour rester assise à trier la paperasse, sans compter que personne n'y venait jamais, la salle des professeurs étaient bien plus animée - et plus agréable - pour corriger des copies par exemple. Le reste du temps, elle arpentait le château de long en large, sans s'arrêter. Elle se sentait donc un peu bête à l'idée de s'asseoir dans un grand fauteuil pour mettre les pieds sous la table, pendant que son neveu effectuerait sa retenue. À ce train-là, autant participer aussi hein, elle s'ennuierait moins !

Richard hésitait. Oui, il hésitait. Il était perdu à l'intérieur de sa tête, oscillant entre la honte d'avoir couru tout aussi nu qu'au jour de sa naissance dans le couloir marécageux à la vu de tous et la satisfaction d'avoir exposé son corps tout simplement superbe à la vue de tout ceux présent à ce moment là. Un dilemme plutôt embêtant. Devait-il s'en vanter ou bien oublier rapidement toute cette histoire ? Astrid serait certainement pour que tout le monde oublie. De toute façon Richard avait la désagréable impression qu'Astrid serait pour que tout le monde l'oublie tout court et cela le chagrinait énormément. Il voulait retrouver la complicité qu'il avait autrefois avec sa cousine qu'il allait revoir dans quelques heures pour son anniversaire.

Cependant il n'y était pas encore, pour le moment il devait avoir une retenue avec sa tante Holly, une femme qu'il affectionnait tout particulièrement et à qui il était pressé d'annoncer la nouvelle de sa nomination dans l'équipe de Quidditch. Comme avec tous les aînés de sa famille, Richard voulait la voir fière de lui, ou au moins la voir s'intéresser à lui. D'ailleurs sa méthode marchait parfaitement puisqu'il allait passé beaucoup de temps avec elle pendant sa retenue. Comme quoi, des bons résultats n'étaient pas forcément nécessaires pour que sa famille le remarque, il suffisait pour ça de courir nu dans un couloir. En grimaçant intérieurement, il se demanda si son père avait eu vent de cette histoire. Sans doute. Du moment qu'il ne recevait pas de beuglante...

En arrivant sur le terrain de Quidditch, il vit sa tante lui faire un signe de main au loin et il lui répondit par un grand sourire et un autre signe de main chaleureux. Elle n'avait pas l'air de trop lui en vouloir, ça allait. Une fois à son niveau, elle commença son speach en l'appelant « Richou », un surnom que peut de gens aurait osé employer en lui parlant. Surtout que ça n'allait pas du tout à l'image qu'il se donnait à l'école.

-Ça me va Tatie, j'ai pas envie de m'éterniser ici, en plus elle m'en voudrait si on arrivait en retard à cause de moi.

Elle semblait déjà lui en vouloir d'exister de toute façon. Avec un haussement d'épaule mental, il attrapa quelques balais avec suffisamment de respect pour ne pas paraître irrévérencieux, mais avec en étant tout de même assez désinvolte pour faire comprendre qu'il ne faisait pas grand cas de balais aussi bas de gamme. Il s'interrompit lorsque Holly lui annonça qu'elle ne restait pas avec lui pour discuter et lui fit un regard de chien battu plutôt inhabituel.

-Ah, d'accord. Tu as prévu de lui offrir quoi à Astrid au fait ? demanda-t-il rapidement avant qu'elle ne s'en aille. Il aurait voulu qu'elle reste, il ne pouvait pas passer beaucoup de temps avec elle dans l'établissement, il ne fallait pas qu'on croit qu'il était avantagé.

Il se remit cependant au travail en attendant la réponse, il devait faire ça vite fait et bien fait pour ne pas faire attendre sa cousine qui semblait avoir déjà tant de griefs contre lui. Tous les balais étaient sortis, plus qu'à les nettoyer. Ça allait être une colle plutôt tranquille en fait. Ce n'était pas le job le plus agréable du monde ni le plus intéressant, mais il préférait se rendre utile de cette façon plutôt que de copier bêtement des lignes.

-Au fait, tu es au courant ? J'ai été accepté dans l'équipe de Serpentard, je joue en Attrapeur. annonça-t-il d'un air fier de lui.

Holly révisa mentalement la liste de choses qu'elle ne devait pas oublier avant d'aller aux Trois Balais. Un cadeau pour Astrid, c'était fait. Le gâteau, ils le prendraient sur le chemin. Envoyer un message à Noah pour lui rappeler qu'il n'avait pas intérêt à oublier, fait aussi. Elle avait pensé à la Beuglante mais c'était peut-être trop violent, et si Astrid était dans le coin ? Elle ne voulait pas que sa nièce croit qu'elle forçait son cousin à venir à son anniversaire. Quoi d'autre ? Tous les préparatifs semblaient bon, ne pas arriver en retard était la dernière des priorités. Elle opina du chef aux propos de son neveu, la ponctualité était une chose importante. Une des valeurs qu'elle tentait d'inculquer à ses enfants, parfois tant bien que mal - on verrait si Noah serait dans les temps - et elle était ravie de voir que Richard approuvait. Enfin, ce n'était pas comme si elle doutait de l'éducation que lui donnaient ses parents ! Edwen avait toujours été maladroit mais en grandissant il était devenu comme ses frères : un Morgan des plus droits. Holly était fière des valeurs que représentaient sa famille, même s'il fallait parfois du temps pour que les défauts de certains s'estompent au profit de leurs vraies qualités.

Elle jaugea un moment son neveu en silence, alors qu'il semblait déçu par sa dernière réplique. Elle attendit qu'il ait fini de poser sa question avant de répondre, et sans aborder le sujet qui la dérangeait vraiment :

« Un tablier de botanique dédicacé. »

C'était une surprise mais elle faisait confiance à Richard pour garder le secret. Et puis il ne manquait que quelques heures avant la fête, Astrid n'allait pas débarquer entre-temps. Elle adoucit légèrement son expression pour enchaîner, en guise d'explication :

« J'ai cru comprendre qu'elle n'avait pas de bons résultats dans cette matière, j'espère que ça la motivera... » ainsi que son professeur, qui allait lui donner des cours de rattrapage... mais c'était une autre histoire. « Et toi, tu t'en sors sans avoir à faire des heures supplémentaires ? »

Elle l'avait rarement croisé ces derniers temps, et même si elle avait de ses nouvelles par le biais de Daryl ou des lettres qu'elle échangeait avec leur père, Holly aimait bien avoir les gens en face-à-face. Vu ce qu'elle avait entendu de lui récemment, elle n'était pas spécialement enchantée à l'idée d'ouïr d'autres de ses déboires, mais Richard restait son neveu, et comme tous ses neveux, elle l'adorait. Mais chut. La sensibilité c'est pour les tapettes. Elle fronça d'ailleurs les sourcils quand il enchaîna avec la nouvelle de sa nomination au poste d'attrapeur. Elle aurait dû le féliciter. Au lieu de ça... Elle pinça les lèvres.

« J'ai entendu ça, oui. » Elle croisa les bras. « Figures-toi que j'allais te féliciter quand j'ai entendu parler de cette histoire... Courir tout nu dans le couloir ? Sérieusement ? »

Elle était très fière de lui. Mais entendre dire que Richard Morgan avait été nommé attrapeur et avait couru tout nu dans le couloir marécageux dans la même journée avait calmé sa joie. Elle ne savait même pas pourquoi il avait fait cette idiotie cela dit, et elle s'en fichait, elle n'avait pas envie de savoir tous les détails de sa vie privée. Richard était un grand garçon, il faisait ce qu'il voulait - c'était même l'élève de sa famille qu'elle surveillait le moins, contrairement aux plus jeunes - mais quand il s'agissait de se ridiculiser... de ridiculiser le nom des Morgan... Holly grinçait des dents. Elle aurait préféré ne pas aborder ce sujet, mais maintenant que c'était fait, autant aller au fond des choses. L'ancienne joueuse des Harpies n'était pas du genre à tourner autour du pot.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé, Richard ? »

Richou serait pour plus tard, quand elle le féliciterait vraiment. Là, elle allait juste l'engueuler pour la forme. Professionnalisme ? Tu parles. Honneur familial, oui !

Richard sourit lorsqu'elle lui annonça son cadeau en prenant un balais au hasard pour commencer à le nettoyer. Il y en avait pas mal, ça n'allait pas être rapide, cependant il voulait absolument être à l'heure pour Astrid alors il allait se dépêcher. D'un autre côté il se demandait ce qu'Astrid allait faire d'un tablier de botanique. C'était pas vraiment sa tasse de thé cette matière, mais peut-être que ça l'encouragerait à travailler plus pour faire plaisir à Holly. Ou peut-être que ça lui servirait de tablier pour quand elle ferait la cuisine avec le nouveau livre qu'il allait lui offrir. Oui, c'était également assez probable.

La question suivante le perturba légèrement. Depuis quand aurait-il besoin d'heures supplémentaires pour y arriver ? Il était le meilleur de toute sa classe. Enfin il le serait s'il le voulait voulait. En attendant, il l'était, mais de façon un peu plus abstraite.

-Oui, j'ai eu des résultats très satisfaisants à mes BUSE et je n'ai pas particulièrement peur pour mes ASPIC. Il posa le balais qu'il venait de nettoyer et en  prit un autre. Surtout en botanique. C'est une matière importante pour moi, elle est trop liée aux potions pour que je ne m'en préoccupe pas.

Les potions étaient la matière préférée de Richard. Savoir qu'un élixir, un simple mélange, une sorte de soupe au choux pouvait tant influencer la physionomie ou l'attitude des gens le fascinait. Certaines potions agissaient jusque sur les sentiments, comme les filtres d'amour, ou même sur la chance elle-même ! Agiter une baguette était simple, mais trouver le parfait équilibre pour maintenir une potion sur la bonne voie de réalisation, c'était un tout autre défi. En plus son enseignante de potion était vraiment trop sexy pour que ça soit humain. Avec toutes ces raison, on ne se demandait donc pas pourquoi il avait les meilleures notes dans cette matière.

La question qui suivit fut plus délicate. Évidement qu'elle avait entendu parlé de son exploit dans le couloir marécageux. Qui n'en avait pas entendu parler ? D'un certain côté, c'était le but de l'opération, que tout le monde le sache, mais donner les explications à sa tante... Là il avait vraiment carrément honte à présent. Quand il l'avait fait, il s'était sentit supérieur à tout le monde dans l'établissement juste pour avoir eu le culot de faire une telle chose, mais le ton qu'elle avait prit pour lui demander ce qu'il s'était passé lui firent baisser les yeux avant de déposer son deuxième balais tout propre et d'en prendre un autre. Ils n'étaient pas si sales que ça finalement.

-Il y a une fille à Serdaigle qui m'a provoqué en duel. Elle m'a dit que si jamais je perdais, je devrais courir en caleçon dans le couloir marécageux. Richard se tut, il n'avait pas vraiment besoin d'avouer qui avait gagné le duel, si ? Sinon elle n'aurait pas eu besoin de lui poser cette question.

Avec un peu de recul, Richard se demandait s'il aurait préféré qu'elle apprenne qu'il avait couru en caleçon dans le couloir marécageux ou bien qu'elle ai eu vent d'une histoire l'impliquant avec la serdaigle fautive dans un strip tease chaud comme la braise, grillé par le préfet fayot et son imbécile de manie d'arriver toujours dans les meilleurs moments. Sans doute était-il préférable d'avoir couru. Il précisa tout de même, car il savait qu'elle ne se contenterait pas d'imaginer la suite et voudrait le faire avouer son échec.

-Et j'ai perdu. Si je le faisais pas, on allait me traiter de lâche jusqu'à la fin de ma vie. Je préfère encore qu'on me traite d'idiot.

Holly était satisfaite de constater que Richard était un bon élève. On prenait souvent les Morgan pour des bourrins sans cervelle ; à tort. N'était-elle pas elle-même une ancienne Serdaigle ? Bien sûr, elle avait laissé de côté ses études pour se concentrer sur le sport, et peut-être n'était-elle pas la personne la plus maline au monde, mais cervelles et muscles étaient compatibles, et Richard semblait prêt à en devenir la preuve. S'il maintenait de bons résultats en classe tout en montrant quel bon joueur qu'il était, alors il prouverait à tous que briller sur les deux terrains était possible, ce qu'Holly n'avait jamais réussi.
Elle serait très fière de lui.
Elle l'était déjà, du reste.
Moins quand elle entendait parler de ses déboires. Eh oui, on ne pouvait pas être parfait partout, forcément, et s'il y avait bien un domaine où les professeurs trouvaient quelque chose à reprocher à Richard, c'était son comportement. Holly savait très bien lequel il avait avec la gent féminine, il y avait des rumeurs, mais elle n'y prêtait pas attention car cela ne la concernait pas et, soyons honnêtes, elle n'avait pas envie de s'occuper des affaires de ce grand garçon qu'était Richard. Son propre fils n'avait que quinze ans et déjà elle s'inquiétait de sa vie amoureuse, c'était bien assez pour son petit cœur maternel atrophié de virilité. Elle passait donc outre les comportements parfois discutables du Serpentard tant que cela ne regardait que lui. Mais là.
Là.

« Tu es un garçon très intelligent, Richard. Je regrette que tu ne l'aies pas été suffisamment sur ce coup-là. »

Elle prit une brève inspiration et se pinça le nez. Le moment n'était pas venu de s'énerver mais... elle ne pouvait pas laisser passer ça. Une fille de Serdaigle l'avait provoqué en duel. En lui soumettant d'avance la menace qui pesait sur sa petite tête blonde si jamais il échouait. Forcément. Elle n'était pas dans cette maison pour rien, elle aussi, elle était intelligente. Richard avait accepté en tout état de cause.
Normalement, Holly aurait été la première à lui dire que défendre son nom valait tous les sacrifices, parce qu'on ne se moque pas impunément d'un Morgan, Serdaigle ou pas. Pour qui se prenait-elle ? Mais courir en caleçon dans le couloir... Holly relâcha son nez et ses deux mains vinrent se placer dans son dos, croisées, comme lorsqu'elle donnait ses instructions pendant un cours :

« Je comprends tes motivations. Je reconnais aussi que... tu ne pouvais assurer à cent pour cent l'issue du duel. »

Elle n'allait pas le lui dire, mais elle était très nulle en duel, alors elle comprenait. Richard devait avoir hérité des mêmes gènes qu'elle sur ce coup-là. Elle soupira.

« Mais franchement, tu aurais dû t'imposer dès le début. Lorsque cette fille t'as dit qu'elle t'obligerait à courir dans les couloirs ; j'imagine que c'était avant le duel. Tu aurais dû la prendre entre quatre yeux et lui dire qu'elle pouvait courir toute seule à poil si ça lui chantait, mais qu'un Morgan ne s'abaissait pas à ce genre de choses, même si tu manquais peut-être une occasion de l'humilier publiquement en duel. »

Et si elle ne comprend pas, TU FRAPPES. Holly retint la dernière remarque, encourager les bastons entre élèves n'était pas dans ses attributions d'enseignante. Elle était plutôt censée les calmer, et c'était ce qu'elle venait de faire en donnant un bon conseil bien moralisateur à Richard. Elle se dégoûtait elle-même, mais se rappelait qu'elle était son professeur avant d'être sa tante, du moins ici, à Poudlard. Elle ne pouvait reconnaître son audace et la stupidité de son acte en même temps. Elle prit une grande inspiration et fit un signe vers les balais qui restaient :

« Dépêches-toi de finir, je t'apporte les balles de Quidditch en attendant. Tu les connais déjà, bien sûr, mais elles ont besoin d'un coup de chiffon. »

Surtout les cognards.
Ne le prends pas mal.

Elle se dirigea vers le bureau et se retourna au dernier moment en grimaçant :

« Humilier pour humilier n'a aucune valeur, mais si cette fille te provoquait vraiment, il y avait d'autres façons de faire. » Au hasard, appeler une bande de Morgan armés de battes. Mouais... non. On allait dire qu'ils étaien violents, après... « Ce n'était pas en te promenant en caleçon que tu allais l'intimider, tu comprends ? Que va-t-elle penser de toi maintenant, à part qu'elle peut te manipuler comme elle veut du moment qu'elle touche à ta fierté ? »

C'était un problème. Un gros problème. Holly l'avait combattu pendant des années, et maintenant encore, elle avait du mal à se retenir. Il lui avait coûté sa carrière. Il ne fallait pas que Richard tombe dans le même piège qu'elle. La fierté était leur talon d'Achille.

Richard accepta le compliment comme tel. Oui, il était un garçon très intelligent. Il le savait. Ses professeurs le savaient. Ses parents le savaient. Tout le monde le savait. Ils refusaient simplement de l'admettre. Il suffisait de voir ses résultats aux examens de cinquième année. Il fallait juste que Richard trouve une bonne raison pour le montrer. Il était le meilleur, quel que soit le domaine et peu importe contre qui on le mettait. Il savait qu'il ne pourrait jamais perdre à partir du moment où il avait décidé de gagner. Car tel était le caractère et la fierté des Morgan. Il n'y avait pas d'échec. Il n'y avait que de la mauvaise volonté ou une gracieuse décision de ne pas froisser la fierté de l'adversaire, à l'extrême rigueur.

Richard accepta également la réprimande telle qu'elle venait de la part de sa tante. Il la respectait trop pour protester et de toute façon il n'avait pas vraiment envie de se prendre un coup de pied aux fesses. Venant d'elle, c'était plutôt douloureux et Astrid n'apprécierait sans doute pas qu'il arrive à son anniversaire avec une trace de botte sur le postérieur. Pas assez sérieux. Il aurait pu se montrer plus intelligent et gagner au lieu de la laisser le battre ainsi. Il fallait croire que même lui avait certaine faiblesses, notamment face aux femmes.

Tiens, elle reconnaissait pourtant qu'il ne pouvait pas être sûr de l'issue du duel ? Elle ne semblait même pas fâchée qu'il ai perdu. C'était étrange mais rassurant, car bien plus que la peur qu'elle apprenne pour son jogging en caleçon dans le couloir marécageux, c'était la crainte qu'elle ne découvre que c'était à cause d'un échec, contre une fille en plus. Le fait qu'elle soit à Serdaigle devait cependant l'excuser, Holly aimait beaucoup cette maison. Et puis à quoi est-ce qu'il pensait  de toute façon ? Il n'y avait pas eu d'échec, Richard l'avait gracieusement laissée gagner. Rien à voir. Holly avait du le savoir et c'était pour ça qu'elle ne lui en voulait pas. Oui, tout s'expliquait.

Le discours qui suivit lui fit cependant l'effet d'une gifle et il s'arrêta un instant de nettoyer les balais avant de reprendre avec plus d'ardeur, furieux contre lui-même. Évidemment. Quel crétin. Il aurait du réfléchir, il aurait du penser avec son cerveau au lieu d'écouter... il ne savait pas trop quoi. En y repensant elle n'était même pas belle. Idiot. Il avait foncé tête baissée sans même prendre le temps de PENSER à ce qu'il faisait ou à une éventuelle défaite. Il avait agit comme... comme... comme un Gryffondor ! Cette pensée le révolta. Rien qu'une bande de brutes sans cervelles tout juste capables de rouler des mécaniques et d'agiter une baguette à tord et à travers.

Heureusement, elle n'insista pas plus sur le sujet et passa rapidement à autre chose, lui disant de nettoyer les balles. La partie qu'il aimait le moins. Il termina rapidement de s'occuper des balais qui avaient besoin d'un coup de propre, puis il les laissa en attendant qu'Holly lui rapporte les balles. Heureusement qu'ils n'en avaient qu'un set, parce que sinon il n'aurait pas fini. Nettoyer les cognards pouvait être simple. Quand on avait une baguette. Ce n'était pas dans ses droits pour cette colle.

Avec l'air d'un condamné à mort devant se rendre sur l'échafaud, Richard écouta sa tante continuer de le réprimander tout en voyant la lourde boîte qu'elle transportait en revenant. Il la voyait s'agiter dans ses bras lorsqu'elle arriva vers lui, ça n'allait absolument pas lui plaire, il le sentait d'ici.

-Je comprends ce que tu me dis, Tan... Professeur. Je ne vous décevrais plus. dit-il avec les yeux fixés sur la boîte. Il lança alors à sa tante un regard neutre pour caché son désespoir. Pas de baguette alors ? Sûr ? J'ai pas envie d'y laisser mes dents et Astrid serait pas super ravie qu'on arrive en retard à son anniversaire parce que j'aurais mit trop de temps pour maîtriser les deux cognards... Un bon Serpentard cherchait toujours à négocier.

Croyez-le ou non, mais Holly n'aimait pas vraiment faire la morale. Du moins, pas à ses proches. C'était d'ailleurs son époux qui jouait à la police moldue à la maison, la plupart du temps. Derrière son air de femme forte et virile, elle avait quelques insécurités, et enseigner à la moitié de sa famille des membres de sa famille en faisait partie. N'allait-elle pas se montrer trop dure avec eux, de peur d'être laxiste ? Et quels sujets pouvait-elle aborder avec eux lorsqu'ils étaient en cours ou qu'elle les croisait dans les couloirs ? Comment devait-elle les appeler, d'ailleurs ? Le vouvoiement était-il de mise pour un enfant qu'elle avait vu grandir en quinze ou seize ans ? Et avec le sien, d'ailleurs ? Tant de questions qui avaient préoccupé Holly, mine de rien, lorsque ses chers neveux avaient commencé à envahir Poudlard. Avant même qu'elle s'en rende compte, il y en avait partout et elle s'était renfermée sur elle-même pour donner l'image d'une enseignante juste avec tous. C'était son petit côté Serpentard, peut-être. Elle détestait traiter ses élèves différemment, même si elle le faisait indubitablement, égoïstement, quand ils étaient meilleurs que les autres - elle était alors plus exigeante. Ça, ce devait être le côté Gryffondor.

Mais elle savait parfois prendre du recul pour voir les choses dans leur ensemble. Richard avait une retenue, c'était assez pour lui rappeler que ses agissements avaient été déplacés. Holly, elle, s'inquiétait seulement que cela ne se reproduise plus - pour son propre bien. Elle ramena la lourde caisse des balles de Quidditch dans les vestiaires, enfin, lourde pour les faibles, Holly avait les bras musclés et l'habitude de trimballer régulièrement cette chose hors de son bureau. Elle nettoyait régulièrement les quatre balles de temps à autre, ce n'était pas dans ses attributions, pensait-elle, sauf qu'elle n'allait pas laisser Ronove y toucher. Elle se baissa pour enlever les attaches et ouvrit la caisse d'un coup de pied. Cette bonne vieille caisse. Lorsqu'elle releva les yeux sur son neveu, un petit sourire légèrement attendri avait remplacé ses traits bougons de professeur moralisateur.

« Désolée Richou, mais tu sais aussi bien que moi que je ne fais pas les règles des retenues ! C'est toujours sans magie. Il ne tient qu'à toi de te dépêcher pour ne pas décevoir ta cousine. »

Bien joué Serpentard, mais n'oublie pas que tu t'adresses à une ancienne Serdaigle.

Elle se retint d'ajouter qu'elle l'aidera sur la fin s'il le fallait. Mais les cognards, elle les laissait pour lui tout seul. Il devrait comprendre le sens de la punition après cela, et ils pourraient papoter plus librement en prenant leur temps. Ils avaient encore de la marge jusqu'au rendez-vous au Trois Balais, Richard avait été plutôt rapide avec le nettoyage des balais. Son côté tantine n'eut pas le cœur de le laisser se débrouiller tout seul, alors elle resta tout de même dans le coin, faisant un peu de rangement dans ses propres affaires - mais tout était nickel - et dans le vestiaire en général. Il y avait encore des chaussettes oubliées qui traînaient ça et là, elle songeait sérieusement à ouvrir un carton "adoptez-moi" pour les pauvres orphelines.

« En parlant de ta cousine, comment se sont passées les sélections ? Pas trop dures ? »

Si ça se trouvait, Astrid avait le même souci qu'elle : être ou ne pas être sympa avec les membres de sa famille. C'était pour cela qu'Holly anticipait la réunion qui allait suivre avec un plaisir sincère ; hors du château, ils seraient tous eux-mêmes - elle la première. Faute de bazar à ranger, elle s'assit sur un des bancs, croisa les bras et les jambes et surveilla Richard avec intérêt. Il lui semblait qu'il l'avait vouvoyée, tout à l'heure, mais peut-être avait-elle mal compris.

« D'ailleurs, elle est au courant pour la retenue ? »

HJ:

Richard poussa un soupir à fendre l'âme. Heureusement pour lui, il était fort. Un peu trop pour un attrapeur qui était censé être simplement fin et rapide. Il comblerait cet handicape par un bon balais dès qu'il en aurait l'occasion, mais en attendant il allait devoir se contenter d'un balais standard. Voir carrément de mauvaise qualité.

Mais ce n'était pas le problème pour le moment.

-Tu sais bien que je ne me permettrais jamais de la décevoir, lança-t-il en repassant au tutoiement. Ce n'était plus son professeur qui lui parlait, là, mais bien sa tant chérie. De toute façon elle me déteste suffisamment comme ça...

Il avait rajouté ça d'un ton neutre, mais il ne pouvait pas s'empêcher de se sentir déchiré de l'intérieur lorsqu'il prononça ces mots. Astrid était de son sang. Astrid était de sa famille. Qu'elle semble le haïr ainsi ne pouvait que l'emplir de désespoir et il préférait encore se prendre un cognard dans les dents que de l'entendre dire qu'elle ne l'aimait pas. Elle était un peu comme une sœur pour lui, Astrid. Qu'ils aient été si proches et qu'ils soient maintenant si distant le peinait plus que tout. Richard voulait d'une famille unie. Richard voulait retrouver les dîners de famille chaleureux et surtout agités de la famille Morgan. Richard ne voulait plus se sentir aussi à l'écart, parfois.

Il remonta ses manches en marmonnant sur les protections qui ne seraient pas de refus, Richard alla maintenir de tout son poids le premier cognard au fond de son trou, puis il détacha la chaînette à l'aspect si fragile qui le retenait. Maintenant, la partie la plus délicate. Ne pas se manger la boule furieuse dans le magnifique visage que lui avait donné la nature. Une fois en dehors de la boîte, le maintenir à une main serait impossible, il devait trouver un autre moyen. Avec un froncement de sourcils, Richard attacha à nouveau le cognard dans la boîte et parti chercher le chiffon humide qui allait lui servir à nettoyer le cognard. Il allait se nettoyer tout seul, ce grand salaud.

Il posa à nouveau la main sur le cognard et recommença à défaire son attache, puis il le saisit à deux mains, sa droite enrobée dans le chiffon. Il plaqua ensuite le cognard contre son ventre qui en profita d'ailleurs pour le frapper, puis il l'enroba à l'intérieur du torchon en le laissant gigoter contre lui. En essayant de s'échapper, le cognard allait se frotter tout seul contre son torchon et se nettoyer de cette façon, avec un petit coup de main de Richard qui le frictionnait également du mieux qu'il pu. Une fois le cognard suffisamment frotté à son goût, il le fit sortir du torchon, toujours contre son ventre, puis il le ramena devant la boîte, nettoyant son trou également avant de l'y remettre.

-Mes sélections ce sont assez bien passées, il y avait de la concurrence, mais rien de bien dur pour un Morgan comme moi.

Il était le meilleur, de toute façon. Il ne voyait pas comment quelqu'un d'autre aurait pu avoir son poste si lui-même le convoitait. Au pire, il y avait plusieurs moyens d'arriver à ses fins. Une chute dans les escaliers, c'était dommage, mais vachement handicapant pour monter sur un balais. Il s'attaqua ensuite au deuxième cognard pour le nettoyer de la même façon. Heureusement que la magie existait. Il plaignait le gars qui nettoyait ces machins, sinon.

-Oui, elle est au courant. Elle m'a déjà passé un savon elle-même.

Par patronus, seulement. Il ne faudrait surtout pas qu'elle se trouve dans la même pièce que Richard suffisamment de temps pour lui parler, sa présence lui était visiblement toxique et sa vue l'insupportait. Il essaya de ne pas se laisser déconcentrer par le souvenir de cette conversation. Ça aussi ça lui avait fait mal. Sa cousine était devenue aussi tranchante que des rasoirs et Richard allait fréquemment s'écorcher vif dessus. Il essaya de penser à autre chose.

-Au fait, tu as entendu parler de cette histoire de clafoutis empoisonné ? Heureusement que j'aime pas ça, ça a été un massacre... On sait qui a fait le coup ?

Holly n'était pas au courant de tout dans cette école, de loin pas, même lorsque cela concernait sa famille. Elle s'inquiétait pour ses neveux et son fils mais essayait de ne pas le montrer. Pour "ne pas les pourrir", ne pas les déranger et ne pas attirer les foudres de camarades plus jaloux qui les auraient jugés privilégiés. Elle les laissait vivre leur vie, plus ou moins, se renseignant parfois discrètement sur les résultats scolaires ou les fréquentations de son fiston - Astrid l'aidait bien en cela, d'ailleurs. Que Richard affirme qu'elle la détestait surpris sa tante :

« Ah ? Vous vous êtes disputés ? »

Cela lui semblait être l'hypothèse la plus probable. Astrid ne mâchait pas ses mots et pouvait se fâcher aussi vite qu'elle-même - pas pour rien qu'elles partageaient le même nom de famille. Il était d'ailleurs amusant de noter que les jeunes les plus calmes avaient atterris dans l'ancienne maison d'Holly, tandis que Richard et Astrid, qui avaient écopés selon elle de la grande fierté des Morgan, étaient à Serpentard. Le Choixpeau était drôle. Holly sourit. La perspective de ses deux neveux se disputant pouvait étonner quand on savait qu'Astrid avait toujours suivi Richard comme son ombre étant petite, mais elle s'était affirmée en grandissant et il était normal que leur relation ait changé. Les membres d'une même famille se chamaillaient de temps à autre, c'était normal, surtout quand ils se voyaient si souvent au quotidien. Holly n'imaginait pas qu'il puisse y avoir quelque chose de plus grave entre eux.

Elle sourit lorsque Richard mentionna les sélections. Fierté Morgan. Son seul nom avait peut-être même dissuadé les moins téméraires des participants, craignant n'avoir "aucune chance face à un Morgan". C'est ce qui était arrivé lors de la toute première sélection d'Holly, pour Serdaigle, et elle s'était fait lamentablement recalé. Comme quoi... Elle espérait que Richard n'aurait jamais à subir ce genre de déceptions, mais la vie était pleine de déceptions et elle avait beau aimer ses neveux et ses enfants, elle ne pouvait pas les protéger contre cela. Elle se leva pour fermer la malle des cognards que Richard finissait de ranger. Il avait été très rapide. Elle espérait qu'il serait aussi vif sur le terrain ! Elle s'apprêtait à aborder le sujet du prochain match quand il lui parla d'Astrid qui lui avait passé un savon. Le comble pour elle qui était sa cadette. Mais Richard était sous ses ordres à présent, elle ne voulait probablement pas que l'un de ses membres fasse mauvaise réputation à leur équipe.

« Hum... Astrid ferait une bonne préfète. Tu as de la chance, tu ne seras probablement plus là pour voir ça », plaisanta Holly.

Holly plaisantait rarement, et ce n'était peut-être pas très drôle, mais ça la faisait rire d'imaginer sa nièce avec un insigne de préfet. Elle ferma les attaches de la caisse et la traîna à nouveau dans son bureau, à sa place habituelle. En passant, elle prit de grands parchemins qu'elle utilisait habituellement pour ses schémas théoriques en cours, de l'encre et une plume, et les rapporta à son neveu.

« Au fait, tu as entendu parler de cette histoire de clafoutis empoisonné ? Heureusement que j'aime pas ça, ça a été un massacre... On sait qui a fait le coup ? »

Holly grimaça au souvenir.

« J'ai entendu quelques rumeurs, rien de sûr. J'ai pas touché au clafoutis non plus, tu me connais, les choses sucrées... mais j'ai pu observer ses effets de près. Celui ou celle qui a fait ça... est maléfique. » Elle frissonnerait presque au souvenir. Elle secoua la tête pour chasser cette impression : « Ronove est devenu complètement taré. Et, en parlant de lui, j'ai besoin que tu m'aides sur une dernière chose... »

Elle déplia les parchemins par terre sur le sol des vestiaires, posa l'encre et la plume et s'assit en tailleur en faisant signe à Richard de l'imiter.

« Je sais plus si je t'en ai parlé à toi, j'ai eu affaire à des disparitions de balais, et évidemment ce n'est jamais la faute du concierge, mais dans le doute, et pour dissuader les autres petits malins, je voudrais mettre des pancartes. La réserve n'est pas un self-service. » Elle désigna encre et plume : « Tu peux changer la couleur de l'encre si tu veux, avec ta baguette bien sûr, faut pas abuser. J'espère que tu as de l'imagination pour les slogans ! »

Elle jeta un coup d’œil à la réserve parfaitement rangée et son regard en disait long : le message avait intérêt à être clair et menaçant. Holly ne voulait plus voir disparaître aucun balai. JAMAIS.

Holly ne se mêlait pas des affaires de ses neveux. Pas trop. Elle était trop occupée à stalker son fils en douce. Mais elle appréciait de les avoir tous auprès d'elle à Poudlard et elle se demandait s'ils réalisaient la chance qu'ils avaient, tous. À son époque, elle était entourée de ses frères. Et si elle avait moyennement apprécié de débarquer à Poudlard pour retrouver ses trois grands frangins, les voir quitter l'école chacun leur tour lui avait toujours laissé un petit sentiment de vide. Elle savait qu'elle allait les retrouver à la maison, mais ce n'était plus pareil. Holly soupira. Voilà qu'elle était nostalgique. Quelle tapette. Elle grogna :

« Les filles ont des réactions un peu bizarres des fois, surtout à l'adolescence », dit-elle comme si elle parlait d'une espèce lointaine et peu étudiée. « Elles grandissent et parfois elles... on change tous un peu. Peut-être qu'elle n'a plus envie de passer pour la petite cousine collante et dépendante. »

C'était un peu gênant pour une Morgan, quand même. Sans compter que, vu la réputation de Richard, Astrid n'avait peut-être pas envie de le suivre partout dans les couloirs. Holly, elle, le laissait vivre sa vie en toute liberté, à la fois parce qu'elle n'était pas sa mère, parce qu'il était majeur, et parce qu'elle ne voulait pas se mêler de ses affaires. Vraiment pas. Elle réfléchit sérieusement au problème d'Astrid. Peut-être devrait-elle lui en toucher un mot ? Ça avait l'air de faire de la peine à Richard, même s'il ne le montrait pas – c'était un Morgan – et elle trouvait vital qu'ils aient de bonnes relations. La famille, c'était important. Il serait dommage que Richard quitte Poudlard en laissant le problème irrésolu. D'un autre côté, Astrid n'attendait peut-être que ça... c'était dur à dire.

« J'pense que ta cousine recherche son indépendance. Elle est capitaine de Quidditch, elle a de nouvelles responsabilités, elle n'a peut-être pas envie que tu la voies encore comme une petite fille. Laisse-la un peu respirer, ça lui passera sûrement. »

Holly ne doutait pas que sa nièce tenait beaucoup à Richard et que, le moment venu, elle saurait s'en rappeler. Après tout, Poudlard, les amis, le Quidditch pour certains, c'était éphémère. La famille restait pour la vie.

« Je lui en toucherai deux mots, si tu veux », acheva-t-elle, avant de se concentrer sur la punition de Richard.

Une punition bien sympa, me direz-vous, et je vous arrête tout de suite. Il ne faisait pas de la peinture parce qu'il était le neveu du professeur de Vol, il faisait de la peinture parce qu'elle le savait apte à effrayer les petits malins qui auraient encore l'audace de s'infiltrer dans sa réserve ! Assise en tailleur à côté du Serpentard, elle approuva gravement son initiative. Oui, du rouge, c'était bien. Classique, mais ça faisait toujours son petit effet. Elle sourit d'un air mauvais en relisant la pancarte qui mentionnait le professeur Emerald.

« Magnifique, je savais que je pouvais te faire confiance ! » s'exclama-t-elle en soulevant la dernière pancarte au niveau de ses yeux.

Elle l'encadra mentalement sur le mur d'en face et se dit que c'était vraiment une bonne idée. Et comme ça, la retenue de Richard était finie. De quoi terminer en beauté. Holly se leva et prit délicatement chaque pancarte pour les laisser sécher dans son bureau. Elle leur trouverait une place plus tard, mais elle avait hâte de les placarder aux murs entourant la réserve. Si avec ça les voleurs récidivaient, ce serait la guerre ! Ils étaient prévenus, elle les traqueraient sans relâche ! Elle aida ensuite Richard à ranger le matériel et regarda sa montre.

« Merci pour ton travail. On va même être à l'heure pour l'anniversaire de ta cousine ! »

Il fallait dire qu'Holly n'était pas excessivement portée sur le timing quand il s'agissait de retenir un élève en retenue – elle avait mieux à faire ! Sauf si l'élève en question lui sortait par les narines, cela va sans dire. Elle prit ses affaires, le cadeau d'Astrid, et ferma la porte de son bureau à clef. Elle avait acheté un cadenas ultrarésistant dans un magasin spécialisé dans la sécurité magique. Elle ne faisait pas confiance aux sorts, les élèves apprenaient l'alohomora dès la première année.

« Bon, il nous manque le gâteau ! » dit-elle en sortant des vestiaires. « Je pensais faire un saut dans une pâtisserie et aller directement à la fête. Tu es prêt ou tu veux me rejoindre ? »

Holly avait pour sa part quitté sa tenue de Vol, mais cela ne l'empêchait pas de se pointer aux Trois Balais avec jeans, bottes et veste en cuir – t'as la classe ou tu l'as pas – comme pour n'importe quelle autre occasion, en fait. Mais Richard venait de passer une petite heure à récurer son matériel, alors elle comprendrait qu'il veuille se montrer présentable. Pour sa part elle n'y voyait aucun problème, ce n'était pas ce qui allait les retarder dans leurs achats. Tout devenait plus simple dès qu'on avait l'âge de transplaner !