Holly avait, comme souvent, réservé le terrain de Quidditch pour quelques heures. Mais cette fois, ce n'était pas pour l'équipe de Serdaigle ou d'autres élèves en manque de pratique. C'était pour elle. Vu l'effervescence que provoquait l'approche du prochain match de Quidditch, le professeur Morgan n'avait pas envie de se retrouver soudain envahie de joueurs alors qu'elle retrouvait sa collègue pour une séance de méditation.
Oui. Tout à fait.
Le professeur Solomon avait proposé de s'installer dans le parc, mais Holly aurait été trop gênée de faire cela au su et à la vue de tous. Elle avait donc réservé personnellement TOUT le terrain de Quidditch pour la prochaine heure, interdisant à quiconque d'y venir, même par les gradins. Dans le pire des cas, elle lancerait des cognards sur les spectateurs indésirables.

Le professeur de vol prit une grande inspiration en rentrant sur le terrain, nerveuse. Elle était un peu en avance, mais elle en profita pour faire quelques étirements - on ne savait jamais, si sa collègue lui faisait faire du yoga ou des exercices compliqués comme ça - puis elle parcourut impatiemment le terrain. Avec sa tenue habituelle sur le dos - bottes et protections de Quidditch aux genoux - elle n'était pas très confortable, mais elle se voyait mal en t-shirt et pantalon de yoga - *ce truc vous rentre dans les fesses, ne dites pas le contraire !* - et baskets de sport. Elle laissa tout de même sa cape et son balai dans un coin, elle n'allait pas voler de si tôt. À moins que le professeur de divination ne lui demande d'élever son esprit ou d'imaginer un ciel bleu, par exemple. Elle ne savait absolument pas comment était censé se dérouler une séance de méditation. Elle avait toujours refusé de se prêter au jeu jusque là, mais sa collègue avait prédit des choses inquiétantes en rapport avec son attitude "constamment stressante pour ses chakras" (ou quelque chose du genre) et Holly avait préféré ne prendre aucun risque.
Elle méditerait.
Enfin, elle essayerait.

« Ah, bonjour ! » dit-elle en apercevant sa collègue. « Ça ira, ici ? ... vous voulez que j'enlève mes chaussures ou quelque chose comme ça ? » ajouta-t-elle en jetant un coup d’œil à ses bottes.

HJ:

Holly était assez à cheval sur la ponctualité, surtout quand cela concernait les matchs et les cours. Ici, elles étaient dans un contexte tout à fait différent. Et elle commençait à connaître un peu sa collègue. C'était amusant, même, qu'elles soient opposées sur ce point ; cela reflétait tout le contraste de leur personnalité. Circe était calme, douce et posée. Elle prenait le temps d'écouter, d'observer, de vivre. Holly était... tout le contraire. Elle n'était pas complètement opposée aux changements, cependant, et voulait bien élargir son horizon - surtout si ça lui évitait de mourir d'une crise cardiaque à cinquante ans - alors elle patienta posément jusqu'à l'arrivée de sa collègue, prête à suivre ses instructions. Apparemment, le terrain de Quidditch lui plaisait beaucoup. Elle parla de choses sur lesquelles Holly était tout à fait d'accord, et d'autres qu'elles comprenaient moins bien. Ensemble d'être humains tournés vers les nuages... oui... enfin, le ciel en général. Ou plutôt les gens qui y volaient. Enfin.

« C'est une façon de voir les choses, en effet. »

Elle resta droite comme un piquet, un peu nerveuse intérieurement, en attendant les directives de son maître zen. Elle enleva alors ses bottes et éprouva le contact de l'herbe sous la plante de ses pieds. Ça chatouillait un peu, mais ce n'était pas désagréable, somme toute. Après tout le gazon était en bon état et sentait bon le printemps.
Non qu'Holly aurait pu râler d'un peu de boue entre les doigts de pieds, bien sûr. Voilà qui leur faisait probablement un deuxième point commun, avec leur appréciation du terrain de Quidditch.

« C'est encore mieux si tu enlèves tous tes vêtements. »

Pardon ? Circe marqua une pause. Holly la fixa intensément. Puis le professeur de divination éclata de rire, et celle de vol... resta sans voix un petit instant. Puis elle comprit.

« Ah ah ah ! » Ahem. Ah mais pardon, on ne lui avait pas expliqué que sa collègue avait le sens de l'humour ! Et vu qu'elle-même n'en avait pas... Elle changea rapidement de sujet : « Je vous ferai volontiers un petit topo sur les règles de jeu si vous voulez venir assister au prochain match », offrit-elle. Elle se corrigea en retard : « Te ferai. »

Elle avait du mal à tutoyer ses collègues, même les plus jeunes. Même Caesius, qu'elle traitait (presque) comme un gamin, avait droit au vouvoiement. Seul Ronove y avait échappé une fois, mais c'était parce qu'elle était très en colère lors de cet épisode de la Saint-Valentin, d'ailleurs ce simple souvenir faisait bouillonner ses chakras alors elle n'allait pas s'attarder là-dessus. Pour elle, le vouvoiement était synonyme de politesse et de respect. Mais si sa collègue préférait qu'elle la tutoie, il aurait été impoli justement de ne pas le faire. Il fallait qu'elle s'en rappelle, cette fois.

Elle imita le professeur de divination en s'asseyant dans l'herbe - à peu de choses près, son corps n'ayant pas l'habitude de se détendre dans cette position - et ferma les yeux. Elle inspira profondément, comme on disait toujours qu'il fallait faire pour se calmer. Puis elle écouta. Des oiseaux faisaient un boucan pas croyable et elle entendait les rires de quelques élèves au loin. Elle renifla. Ferma plus fort ses yeux. Elle n'osait pas les rouvrir, si ça se trouvait Circe vérifiait ce qu'elle faisait. Mais elle commençait à trouver le temps long, ça faisait quoi ? au moins trois minutes qu'elles étaient là ! Elle allait ouvrir la bouche pour parler, lorsque sa collègue entama les explications :

« Il faut que tu sentes l'énergie de la Terre circuler depuis la plante de tes pieds jusqu'au sommet de ta tête. Inspire... Et expire... Concentre-toi sur ta respiration. Inspire... Et expire. »

Holly s'exécuta. Elle inspira profondément pour sentir, euh... l'énergie de la terre monter en elle. Elle ne ressentait rien d'autre que des légers chatouillements là où les brins d'herbe effleuraient ses pieds, et sa tête tambourinait au rythme de son cœur. Circe avait raison, il fallait vraiment qu'elle se calme. Elle expira, un peu rapidement. Elle se rattrapa la seconde fois, essayant d'être la plus lente possible dans ses respirations pour calmer les pulsations de son cœur de grande sportive survitaminée. Voilà. C'était mieux. Elle répéta l'exercice un petit moment, mais Holly était comme une enfant, incapable de tenir en place. Elle fit un effort, cependant. Un gros effort. À vue de nez, elle avait tenu au moins... au moins dix minutes ! En réalité, cela faisait sûrement beaucoup moins de temps qu'elle se concentrait sur ses respirations. N'y tenant plus, elle ouvrit un œil :

« Euh. Excuse-moi, mais qu'est-ce qu'on fait quand on a fait tout ça ? »

Oui, TOUT ÇA. Pour Holly, c'était déjà pas mal. Ça lui avait demandé beaucoup d'efforts. Bien sûr, elle savait que les efforts étaient nécessaires pour arriver à un bon résultat ! Mais elle ne s'y connaissait absolument pas en méditation et il lui semblait que ça ne devait pas être aussi difficile, que diable. Se relaxer n'était vraiment pas dans son vocabulaire.

Holly n'était pas pressée d'en finir. Pas vraiment. Elle s'intéressait vraiment à ce que sa collègue pouvait lui apprendre et elle était persuadée que ça allait lui apporter quelque chose. Du moins, elle voulait le croire. Malgré un amour inconsidéré pour le vol, Holly Morgan avait indubitablement les pieds sur terre. Elle savait ce qu'elle faisait, où elle allait, comment et pourquoi. Elle avait eu ses moments de doutes, comme tout le monde, mais elle était connue pour sa force de caractère et elle ne se laissait jamais abattre par les échecs ou les incertitudes. Pourtant, quand Circe lui avait conseillé de prendre part à une séance de méditation, lui expliquant qu'elle semblait très stressée, Holly avait été perturbée. Elle n'était pas malheureuse dans sa vie, elle adorait ses quotidiens mouvementés, ses cours musclés et ses aboiements répétés. Elle était comme ça, et ça lui plaisait. Mais que cette attitude lui retombe sur le coin du nez un jour ou l'autre ? L'idée était assez inquiétante pour qu'elle balaye sa petite vision carrée du monde et ses avis bien arrêtés sur la médecine alternative et se pose, là maintenant, dans l'herbe pour fermer les yeux et compter ses respirations.

Elle n'avait jamais essayé. Elle ne pensait pas que cela marcherait pour elle, mais elle n'avait jamais essayé. Il pouvait se passer quelque chose d'infime, qu'elle raterait parce qu'elle n'était pas assez concentrée. Elle devait se concentrer. Seulement, "se concentrer", pour Holly, cela signifiait fermer les yeux très fort et laisser cette ride se former sur son front au fur et à mesure que son cerveau redoublait d'efforts. Se détendre, ce n'était pas se concentrer. Voilà où ça pêchait.

« Ce n'est pas terminé, il faut continuer jusqu'à ce que tu sois vraiment détendue. Je te dirai quoi faire après. »

Elle retint un gémissement. Elle n'avait mal nulle part mais elle sentait que ses jambes ne voudraient plus se déplier lorsqu'elle essayerait de se lever. Le temps lui paraissait si long ! Comment saurait-elle qu'elle était détendue ? Holly n'était détendue que dans son sommeil. Or, elle ne s'en rendait pas compte. C'était l'inconnu. Elle continua d'inspirer et d'expirer aussi calmement que possible, cependant, forçant son front à se dérider et ses muscles à se détendre. Détendre. Déteeeendre. Humpf. Ce que c'était difficile. Elle roula des épaules et redressa le dos, faisant craquer quelques vertèbres. Là, c'était mieux. Circe reprit la parole et sa voix était si douce qu'Holly l'entendit à peine. Aurait-elle été dans son état normal qu'elle ne l'aurait probablement pas entendue, même les yeux ouverts. Mais là, elle était attentive aux moindres sons. C'était un bon début.

L'enseignante de divination lui décrit étapes par étapes ce qu'elle était censée ressentir. Holly se concentra, fronça les sourcils – non ! – força tous les muscles de son visage à se détendre et se focalisa sur le bas de son corps. L'herbe tassée sous son poids, les brins qui chatouillaient ses doigts de pieds, ses jambes pliées dans une position peu naturelle et qui ne demandaient qu'à reprendre leur liberté – sa volonté leur demanda de se taire – son dos droit, ses bras nus que rafraîchissait une brise légère, bienvenue, et un frisson qui lui parcourait le corps.

« Oh. C'était bizarre. »

Elle avait ouvert les yeux sous le coup de la surprise, mais elle les referma aussitôt et tenta de retrouver cet état qui avait été si étrange pour elle. Peut-être n'était-ce que le vent. Il n'empêchait... Elle inspira un grand coup et se repassa rapidement les directives de Circe : l'énergie de la nature dans ses pieds, ses jambes, son nombril... Mais ce n'était plus pareil. Peut-être était-elle trop impatiente. Pas d'en finir, mais de ressentir quelque chose. Elle rouvrit un œil.

« Désolée, j'arrive plus à me concentrer. »

HJ:

HJ:

Si on nous avait dit un jour que nous nous serions assise dans l'herbe pour méditer et boire du thé, nous aurions ri au nez de cette personne, la gratifiant de quelques viriles tapes dans le dos pour bien lui faire comprendre qu'il ne fallait pas dire n'importe quoi, et qu'il était dangereux de rire avec quelqu'un qui n'avait pas le sens de l'humour. D'ailleurs, il y avait bien quelqu'un qui nous avait dit cela un jour. Pas en ces termes exacts, mais ce psychomage qui nous avait suivi un temps après notre célèbre "pétage de plomb" nous avait conseillé de mettre un frein sur le balai de notre vie (qu'est-ce que c'était, une métaphore ?) et de réduire considérablement la vague de stress qui nous entourait. Nous lui avions aussi ri au nez, cela dit. Rester chez soi, même entourée de sa famille, et passer ses journées à ne rien faire avait été plus stressant que tout le reste.
Mais nous étions maintenant assise dans l'herbe pour méditer et boire du thé et l'idée nous semblait tout de suite moins farfelue.

Nous étions rassurée que notre professeur de méditation ne nous en veuille pas d'avoir perdu la concentration. Cette pause était bienvenue et nous prîmes avec plaisir la tasse qu'elle nous tendait, en profitant également pour changer légèrement de position afin d'éviter les fourmis dans les jambes. Nous avions pour habitude de dire qu'avoir les jambes engourdies n'arrivait qu'aux flemmards qui ne bougeaient pas de la journée ; cela aurait été un comble.

« Merci. »

Nous reniflons le thé en nous demandant quelle est cette herbe exactement. Habituellement, nous nous méfions des plantes louches qui détendent un peu trop l'individu, lui donnant un air rêveur ou des hallucinations, mais nous sommes certaine que le professeur Solomon ne nous ferait pas boire une chose pareille. Dans tous les cas, il serait impoli de refuser. Nous goûtons le breuvage alors qu'elle nous explique d'où il vient et engage la conversation. Nous nous doutons qu'elle a dû en voir, du pays, pour avoir des idées aussi différentes de son prédécesseur sur sa matière. Nous n'avons jamais eu l'occasion de voyager aussi loin qu'elle, probablement, mais nous ne sommes pas contre cette idée. Il est vrai que voir de nouvelles cultures et de nouveaux paysages est tentant, parfois. Ne serait-ce que pour savoir comment les sorciers de l'autre bout de la Terre jouent au Quidditch. L'universalité de l'être humain, le courage, la diversité, sont d'autres notions très intéressantes aussi, cela dit. Nous buvons encore un peu de thé, qui a un goût assez spécial mais pas déplaisant, avant de répondre :

« Nous ne sommes jamais allée au Pérou, nos voyages se concentraient davantage sur l'Europe. Cela dit nous avons eu l'occasion de faire un stage de Quidditch en Nouvelle-Zélande un jour, c'était très intéressant. Ils ont hérité de beaucoup de leurs coutumes des Maoris, cela se ressentait jusque dans leurs tenues de Quidditch. Et la plupart de leurs stades sont construits au-dessus de l'eau, sur de très haut pilotis. »

Nous reprenons notre thé en nous remémorant cette expérience lors de notre formation au sein des Harpies de Holyhead. Nous avions été lamentablement écrasée par un de ces joueurs de Kiwis de Canterbury, éjectée de notre balai pour faire un plongeon magistral dans l'eau – agréable mais incroyablement salé. Nous éviterions d'aborder ce sujet avec notre collègue, bien sûr.

« J'imagine que tu as beaucoup voyagé par le passé. C'est au cours de ces voyages que tu as appris la méditation ? »

Nous nous sentions d'humeur plus bavarde, et plus détendue. Ce thé devait faire effet.