BAUDELAIRE AVAIT LES IDÉES NOIRES.

Spoiler:

Moi, Kalev le magnifique n’aimait pas vraiment lorsque les cours d’astronomie se déroulaient très tôt le matin, avant même le lever du soleil, pour observer un quelque chose d’un peu spécial concernant les étoiles. A choisir, je les préférais largement le soir. Se coucher tard était plus à me porter que quitter mon lit avant l’aurore. Ma seule consolation étant qu’un cours d’astronomie représentait toujours une occasion de discuter un peu poésie avec le professeur Lovecraft, à la fin du cours. Lorsque je bloquais sur un vers de ma dernière ode aux trolls, il trouvait toujours le mot juste pour me débloquer. Cet homme était un vrai génie et j’espérais sincèrement devenir comme lui, un jour : un poète exceptionnel qui transcende l’art pour en faire quelque chose d’encore plus formidable.
Mon premier réflexe, lorsque le professeur annonça la fin du cours en même temps que les premiers rayons du soleil venaient s’écraser sur la tour d’astronomie comme du jus de citrouille dans un verre vide (sentez le poète en moi), fut d’attendre que tous les élèves sortent pour aller toucher deux ou trois mots au noble bien qu’effrayant monsieur Lovecraft. Je savais bien que personne ne devait jamais nous surprendre. Comme le susurrait ce lion dans ce dessin-animé moldu qui me faisait beaucoup pleurer lorsque j’étais petit, j’entendais monsieur Lovecraft grincer dans ma tête : “n’oublie pas, c’est notre petit secret”. Je n’osais pas imaginer ce qu’il me ferait subir, si on apprenait par ma faute qu’il était un grand artiste au fond de lui.

Après avoir lu le dernier chef d’oeuvre de mon maître incontesté, et lui avoir demandé son avis sur ma “Chanson des vampires heureux”, je m’en allais quitter la tour d’astronomie, guilleret comme… comme quoi ? Bah, peu importait. Guilleret, donc. Je fermais la porte de la salle de classe avec la plus grande délicatesse pour ne pas déranger d’avantage l’enseignant, lorsque je vis, juste à côté de moi, et donc juste à côté de la porte, une Gryffondor de mon année dont je connaissais la tête, et le nom, à défaut des passions et hobbies. Doux Merlin. Est-ce qu’elle nous avait entendu ? Soudain paniqué à l’idée qu’elle ait perçu notre conversation, je lui ai plaqué une fois sur la bouche.

- Chuuuut ! Tu n’as rien vu ! Rien entendu ! Ceci est un séance d’hypnose moldue ! Tu ne vois rien, tu n’entends rien, tu t’endors leeeentement et tu oublies tout ! TOUT !

J’avais vu ça dans un film l’été dernier. Mon cher frère aîné m’avait confirmé que ça marchait bien. Après coup, je me rendais compte qu’il s’était peut-être un peu moqué de moi. Ceci étant, si cette fille venait à parler, je pouvais d’or et déjà rédiger mon testament.

Elle avouait. Elle avouait qu'elle les avait entendu. Merlin, doux Merlin, que devait-il faire ? Sa vie était fichue ! Kalev tourna en rond sur place, les mains collées à son visage pétrifié d'effroi, trépignant, surveillant la porte de la salle d'astronomie comme par peur que le professeur Lovecraft en sorte, tout drapé de noir, sa baguette menaçante à la main, et jurant avec un rire sardonique de lui faire connaître l'enfer avant même sa mort. Il voyait ce visage avec tant de netteté qu'il en oubliait presque la fille à l'origine de tous ces maux, occupée à ramasser des livres sur le ministre seul savait quel sujet obscure. Bon. Il lui fallait se calmer.

Un coup d'oeil à droite, un coup d'oeil à gauche. Bon, vraisemblablement personne. C'était le moment idéal pour amorcer une fuite stratégique. Sans demander son reste, le Poufsouffle saisit le poignet de l'autre élève et l'attira un peu plus loin. Inutile de rester pile devant la porte du professeur Lovecraft, ce serait encore plus louche.
Continuant de tenir les bras de l'adolescente, Kalev la regarda bien droit dans les yeux, et chercha à lui arracher une promesse.

- Puisque tu as tout vu, maintenant tu as deux choix. Soit tu oublies tout, soit tu te tais à jamais. Je ne rigole pas, c'est un sujet très sérieux. Il fronça les sourcils, l'air mécontent. Ma vie est en jeu, tu comprends ? Ma vie. Mon avenir, et tout. Sois une langue-de-plomb. Jure sur... sur je sais pas quoi, que tu emporteras ce secret dans la tombe.

Et si elle était incinérée ? Devait-il préciser "et dans l'urne funéraire" ? Avait-elle compris le message ? Kalev n'était pas vraiment sûr de pouvoir lui faire confiance. Il restait dubitatif. Il ne lui avait jamais franchement parlé, à cette fille. Elle était une camarade parmi d'autres et il devait avouer ne jamais lui avoir accordé une grande attention.