Garfield s'était coupé. Le plus débile dans l'histoire, c'était qu'il avait réussi à faire son coup avec une plume, avec laquelle il jouait distraitement en cours ; il s'était enfoncé la pointe d'écriture dans la main comme une andouille, se retenant tout juste de glapir en plein milieu des explications du professeur. Heureusement que c'était à la dernière heure, parce que la plaie était étonnamment profonde, et pleine d'encre. Même s'il ne la sentait plus trop, il savait qu'il devait la nettoyer.

Il n'avait jamais de bol, de toutes façons. Encore moins de bol de constater que le fond de son vieux sac à dos usé était vide de tout sparadrap, alors qu'il en gardait généralement un bon stock avec lui pour tenir le temps d'atteindre l'infirmerie, puisqu'il y passait au moins une fois par semaine, si pas deux. Il soupira, et se mit en route.

Étrangement, Absynthe n'était pas là, et Euphrasie non plus. C'était à la fois dommage, car il aimait bien papoter avec l'assistant infirmier, et très bien, comme ça il n'y passerait pas des heures. De toutes façons, il avait fini par connaître un peu l'endroit et les trucs qui s'y trouvaient, peut-être presque aussi bien qu'Absynthe lui-même puisqu'ils avaient approximativement le même niveau de compétence. ... D'accord, c'était méchant, mais un peu réaliste tout de même.

Rajustant son sac sur son épaule, il s'approcha d'une armoire, une espèce de caser en métal où une partie du matériel était rangé. Là dedans, il trouverait probablement de quoi se soigner avant de continuer sa route bien tranquillement, sans déranger Absynthe qui était apparemment occupé ailleurs et sans attendre un siècle. Il ouvrit l'armoire dans un long grincement, et commença à farfouiller. Jusqu'au moment où il entendit un bruit.

Quelqu'un dans la salle. Il se redressa brusquement, se cognant au passage la tête à une des planches de l'armoire, et en reclaqua la porte à toute vitesse avec un énorme CLANK qui retentit dans la pièce silencieuse et aseptisée comme dans le silence d'une cathédrale. Il s'écarta pour voir qui était entré. Enfin, essaya de s'écarter. Parce qu'en plus d'avoir la main trouée et probablement bientôt une bosse, il avait coincé sa cravate dans la porte de l'armoire dans son sursaut désespéré pour ne pas être pris la main dans le sac.

« Je... Qui est là ? »

De là où il était, il ne voyait pas la porte. Panique. Il essaya de tirer sur sa cravate, mais elle était bien coincée – ce qui était plutôt catastrophique considérant qu'il n'en avait que deux et qu'Elise en avait kidnappé une pour d'obscures raisons. Il essaya d'ouvrir la porte, mais elle était évidemment coincée. Alors il prit une grande inspiration, et attendit de voir qui arrivait, en espérant que ce soit quelqu'un de neutre. Pas un professeur, par exemple, ou une fille devant laquelle passer pour l'andouille qu'il était manifestement.

C'était la fin des cours et Evelynn ne se sentait pas particulièrement bien. Une envie d'éternuer pendait au dessus de sa tête alors qu'elle rentrait aux dortoirs des filles. Elle ne croisa que quelques personnes qui ne la remarquèrent pas. Alors qu'elle arriva dans sa chambre pour déposer ses affaires, elle se sentait beaucoup plus fatiguée qu'elle ne l'était plus tôt et sa voix s'était enrouée. Lynn ne tombait que très rarement gravement malade. Elle pouvait de temps en temps attraper un rhume qui ne durait jamais plus d'une semaine et bien sur qui ne la faisait pas se sentir comme a l'instant.

Elle alla aux salles de bains pour se rafraîchir et elle vit son reflet dans le miroir. Son teint commençait à changer, tirant sa couleur beige rosette vers un vert poireau plutôt inquiétant. Mais ce n'était pas tout, la surface de sa peau commençait à grêler, elle passa sa main sur ses joues, ses bras et tout cela n'était pas faux... Elle ravala sa salive alors qu'elle réfléchit à ce qui lui arrivait, essayant de contrôler sa respiration qui incontrôlablement commençait à s'accélérer. Apres quelques minutes, elle éternua et des étincelles sortirent de ses narines. Elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait mais ce n'était pas un simple rhume qu'elle aurait pu surmonté seule avec des mouchoirs. Elle décida d'aller a l'infirmerie avant que ca ne s'aggrave. Elle passa d'abord par sa chambre pour attraper une cape avec un capuchon pour cacher son visage qui devenait de plus en plus hideux et l'enfila avant d'enjamber le trop d'escalier qui la séparait de l'infirmerie.

Elle se retrouva devant la porte de l'infirmerie assez rapidement malgré quand temps normal, elle aurait prit le double ou même le triple du temps. Elle poussa la porte et entra en enlevant le capuchon. Elle entendit le claquement de porte derrière elle. A l'intérieur, il n'y avait qu'une personne, ni Mademoiselle Euphrasie, ni l'assistant n'était la... Peut-être que c'était une chance, peu de gens pourrait savoir qu'elle avait été malade et qu'elle ne ressemblait plus à grand chose a ce moment là. Puis elle reconnut la voix de la personne. Evelynn aimait bien Garfield, il était mignon, gentil et un peu maladroit. Mais il avait l'air de chipoter à quelque chose...

« C'est ... C'est Evelynn... Je ne te dérange pas, si? ... »

Elle hésita un peu avant de répondre, de peur de l'avoir déranger alors qu'il faisait quelque chose ou qu'il était aussi malade et qu'elle lui avait fait peur. Elle avança d'un pas hésitant vers ce dernier. Revérifiant si l'un des deux adultes était là.

« Mademoiselle Euphrasie et Mr.Bridgestone ne sont pas là? ... »

Visiblement, ils ne l'étaient pas. Ça n'arrangeait pas la situation d'Evelynn qui ne savait toujours pas ce qui lui arrivait. Elle se rapprocha de Garfield qui était toujours de dos à elle et arrivée à coté de lui, elle se pencha pour regarder par-dessus son épaule. Elle fut étonnée de la raison pour laquelle il était entrain de galérer. Sa cravate était coincée dans la fermeture de armoire. Evelynn, oubliant qu’elle souffrait d’une maladie, rigola légèrement et proposa son aide.

« Besoin d’aide? » Dit-elle avec un sourire.

Cette saleté de porte ne voulait pas se rouvrir, bien évidemment. Ce serait beaucoup trop facile, évidemment ; quand il lui arrivait une crasse, il fallait que ce soit embarrassant et que ça dure. Il ne savait pas trop ce qu'il avait fait à Merlin dans une vie antérieure, mais ça avait dû être gratiné. Il regardait alternativement vers la porte d'entrée et vers sa cravate jusqu'à entendre une réponse. Une petite voix affligée.

« Evelynn... ? Non non ! »

Le déranger ? Mais pas du tout. Okay, Garfield avait l'air complètement ridicule, ça c'était un fait, même s'il avait réussi à éviter le réflexe débile d'essayer de cacher sa situation. Enfin ce n'était pas la première fois qu'il avait l'air con devant Lynn, après tout, vu qu'il s'était écroulé comme une bouse dans le terrain de Quidditch après le dernier match. Et qu'il flippait comme une lavette devant un lama. Il prit une grande inspiration et se força à afficher un sourire, une mimique bizarre qui affichait sa gêne. Un peu comme la rougeur qui s'installait de la cou jusqu'à ses joues. S'il ouvrait la bouche maintenant, il allait dire des conneries. Et qu'est-ce qu'il fit ?... Gagné.

« Je. Absynthe. »

Oui Fifi, c'est le nom de l'infirmier. Il faudrait essayer d'élaborer un peu. Respirer, c'était le maître mot. Il fallait absolument qu'il se débarrasse de cette manie de s'étouffer sur les mots dés qu'il était perturbé. Non pas qu'Evelynn le perturbe, hein. ... En fait si, un peu. Surtout depuis ce duel où il avait été assez stupide pour lancer un accio. Bref. Pas le sujet. Concentration. Inspirer. Parler.

« Absynthe est pas là, je sais pas où il est, et Mademoiselle Euphrasie non plus. Et euh j'avais juste besoin de. »

De quoi encore ? Il tira sur sa cravate, encore, mais ça ne venait pas. Foutu truc pris dans cette foutue porte. Et puis il se rappela de la raison pour laquelle il ne tirait pas encore sur la porte comme un possédé avec ses deux mains. Il leva la paume blessée.

« Un pansement. Désinfectant. »

Il serait temps d'arrêter de parler en mode télégraphe. Et de faire un peu attention à l'évident, ce qui arriva alors qu'il se décidait enfin à croiser le regard de la Serdaigle, sans doute pour y lire une hilarité bien normale ; son expression passa pourtant immédiatement à la surprise, puis à une très légère répulsion – vite cachée, il espérait – puis à une très sincère inquiétude.

« Je veux b... Houlà ! »

Bien Garfield, très bien. Exactement le truc à dire devant une fille. Il n'aurait plus manqué qu'un « c'est vachement moche ». Mais bon, pour sa défense, il fallait tout de même avouer qu'elle était verte. Et pleine de pustules. Les pustules, ça méritait bien un houlà – il ne faisait pas partie de ces gens qui ne disent pas aux autres qu'ils ont des verrues sur la tronche.

« Tuuu... es verte. » Il ne savait pas trop bien comment dire ça ; un changement de couleur, surtout à pois, c'était plutôt délicat. « ... T'es malade ? »

C'était une raison comme une autre de se retrouver à l'infirmerie, après tout, ressembler à la Méchante Sorcière de l'Ouest. Non pas qu'Evelynn soit méchante, mais c'était tout ce qui lui venait en tête. Ou le Grinch, peut-être. Mais le Grinch manquait de pustules, tout en étant paradoxalement pas assez mignon. Mouais. Il devait vraiment avoir une bosse en train de pousser sur son crâne.

Sa façon de parler était un peu bizarre. Un bout sans fin. Mais il arrivait à se faire comprendre. C’était donc pour ça que Garfield était à l’infirmerie. Il ne changeait pas. Toujours aussi maladroit. Enfin Evelynn ne pouvait pas lui reprocher ce trait de caractère. Elle était tout aussi maladroite,  quoique, peut-être un peu moins.

Non. Peut-être pas en fait, Evelynn avait oublié quelques instants de trop qu'elle ne ressemblait plus à la fille qu'il rencontrait au Quidditch ou celle qu'il rencontrait en duel mais bien à une personne toute verte avec pleins de petites bosses pas très jolies – affreuses mêmes – sur la peau. Ce qui en gros ne l’a réussissait pas.

« Je! Désolée... »

Elle recula d'un coup, s'éloignant de Garfield de quelques pas. Elle remit rapidement le capuchon qu'elle venait d'enlever et se cacha le reste du visage avec ses mains. Evelynn aurait été rouge si son teint n'avait pas pris ce vert. Elle aurait été embarrassée parce qu'elle avait oublié quelque chose d'aussi ... hideux et qu'elle l'avait montré au garçon dont elle appréciait particulièrement la compagnie – on ne peut pas le nier –

« C'est si affreux que ça? »

Elle ouvra légèrement ses mains pour voir Garfield entre ses doigts mais il était toujours de dos. Ah oui, c'est vrai... Sa cravate devait toujours être coincée et Evelynn n'avait pas pu l'aider. Elle enleva ses mains de son visage qui finirent par chipoter avec le bas de sa robe. Alors que son regard se fixa sur le sol. Toujours embarrassée par ce qui venait d'arriver.

«A vrai dire, je suppose que oui... Mais je ne sais pas de quoi... »  

C'était la première fois que ça lui arrivait dans ses 5 années à Pourdlard. Personne dans son entourage n'avait eu ses symptômes et si c'était arrivé, elle n'avait été mise au courant. C’était également pour cette raison que l'absence de Mademoiselle Euphrasie l'inquiétait... Mr. Bridgestone était quelqu'un de compétent mais il avait quelques lacunes...

« Une idée ? ... »

Elle releva légèrement son regard vers lui. Peut-être que Garfield était capable d'identifier sa maladie. Espérons-le.

Garfield la regarda reculer avec cette horrible sensation d'avoir encore gaffé. Ce qui n'était peut-être pas faux ; c'était un peu délicat de signaler à quelqu'un qu'il avait des pustules partout. Qu'elle avait des pustules partout. Ça, c'était encore pire. Il savait manquer parfois de délicatesse, et s'en rendre compte n'était pas particulièrement agréable. Il se mordilla la lèvre inférieure.

« Mais non, c'est pas... »

Il voulut approcher, mais il faillit s'étrangler, évidemment, ce n'était pas l'idée du siècle. Dans une toux un peu bizarre à cause du noeud resserré, il entreprit un truc intelligent. Dénouer sa cravate. Il aurait peut-être dû y penser plus tôt, parce que ça aurait tout de même été fort débile de mourir pendu à une armoire en essayant de s'enfuit si ç'avait été un professeur terrifiant qui était entré à la place d'Evelynn.

« C'est pas affreux... Attends hein. Saleté de. »

Heureusement, le bout le plus fin de l'accessoire n'était pas coincé dans la porte, ce qui lui permit plutôt rapidement d'au moins parvenir à respirer, ce dont il avait bien besoin après avoir fulminé sur sa résistance. Puis de se sentir libre, tel l'elfe de maison qui a reçu une chaussette. Il se frotta le cou, en regardant le machin qui pendouillait depuis l'armoire. C'était absolument ridicule, et il y avait fort à parier qu'Absynthe allait deviner en moins d'une minute quel Poufsouffle était passé dans le coin. En même temps, il y avait peu de gens dans sa maison qui avaient un abonnement. Utiliser la magie pour la déloger ne lui passa même pas par la tête, tête qu'il gratta en soupirant devant ce pitoyable spectacle avant de se rendre compte qu'il avait un peu oublié un truc plus grave.

Il se tourna vers Evelynn, reprenant instantanément un air inquiet qu'il avait perdu, puisqu'il ne savait pas se préoccuper de plusieurs choses en même temps sans surchauffer. Il s'approcha et abaissa le capuchon doucement pour la regarder, malgré qu'elle veuille se cacher. Elle avait demandé un avis, après tout. Il glissa sa main intacte sous le menton de la jeune fille pour lui faire relever la tête vers lui.

Okay, c'était plutôt laid. Mais il se força à sourire gentiment, en faisant abstraction de la couleur et des pustules. Puis son sourire se fana un peu.

« ...Je sais pas. T'as autre chose comme symptômes que les trucs visibles ? »

Il réfléchissait, mais il était plutôt du genre à se blesser qu'à tomber malade. Si ça tombait, d'ailleurs, c'était contagieux. ... Boarf. Pas grave. Son karma (pourri) allait le rembourser des multiples fractures de la saison de Quidditch et le protéger de... Ce que c'était. N'est-ce pas ?

« T'as ça depuis quand ? Pas fait de duel contre quelqu'un de louche ? Pas changé de savon ? Rien mangé de bizarre ? Pas de dessert à la sauce potion ? »

Parce que bon, il était manifeste que quelqu'un en voulait aux Poufsouffles, à force que ce soit toujours la bouffe qui soit empoisonnée par des potions toujours plus étranges. Si ça tombait, c'était le dessert du jour – heureusement pas un clafoutis qui aurait fait péter un plomb à la moitié de la Grande Salle – qui était pas net.

Il rassura Evelynn. Un peu au moins. Mais elle s’en rappelait de ce qu’elle avait vu devant le miroir. Ca devait avoir empiré depuis. L’apparition des boutons avait du s’aggraver depuis et la couleur de sa peau se marquer.

La cravate – Garfield l’enleva pour se libérer de l’armoire pour atteindre Evelynn. Elle le voyait s’approcher. Un pas. Elle aurait voulu s’enfuir, courir loin – qu’il ne voit pas – mais elle était figée. Apeurée et embarrassé en même temps. Deux pas. Elle avait envie de se faire toute petite. Trois pas. Elle ferma les yeux. Garfield, peut-être, disparaîtra-t-il. Non – il ne disparaîtra pas. Elle ré-ouvre les yeux, les yeux dirigés vers le sol. Il était devant elle. Elle s’affaissa, rentrant sa tête dans ses épaules, comme une enfant qui avait peur de se faire engueuler quoique la situation était bien différente.

Il enleva le capuchon. Seule et unique défense qu’il restait à Evelynn. Elle se sentait assez à l’aise pour avoir enlever ses mains, mais pas assez pour enlever la capuche, et il lui avait enlevé. Elle lui avait demandé de l’aide, c’est vrai, mais elle ne pensait pas à ce qu’il vienne – Qu’il vienne si près d’elle alors qu’elle était verte et … pleine de boutons.

La main de Garfield sous son menton empêcha Lynn de bouger. Elle aurait détourné le regard et là, elle fixait les yeux de Garfield. Des yeux verts. Elle s’en rappellera de ces yeux-là – comme l’odeur du déjeuner de ce matin. Elle pouvait regarder plus haut ou entre ses yeux. C’était un peu moins stressant mais elle n’y pensa pas. Passant ses yeux d’un œil à l’autre.

Qu’avait-elle subit d’autres, autres que visible? Elle essaya de s’en souvenir.

« Euuh… Je… »

Les rôles s’étaient inversés. C’était Garfield qui parlait comme un télégraphe, et cette-fois, c’était Evelynn. Elle essaya de se rappeler de quelques symptômes.

« Je... Je suis un peu fatiguée. Je l’ai remarqué que lorsque les cours se sont finis en rentrant au dortoir. Je pense que je n’ai rien mangé de bizarre, les plats avaient le même goût que d’habitude. J’ai pris une pomme pour dessert et ah – atchoum ! »

Des étincelles sortirent de ses narines. Elle avait ça aussi. Elle avait forcé la main de Garfield à se déloger pour qu’elle puisse éternuer sur le coté et éviter de lui postillonner sur le visage. Evelynn aurait été morte de honte devant Garfield et aurait couru loin de l’infirmerie, très loin.

« Désolée… »

Elle saisit l’occasion pour s’éloigner un peu de Garfield. Non pas qu’elle ne l’aimait pas. C’était juste par précaution dira-t-on. Puis elle réalisa alors qu’elle dirigeait une nouvelle fois son regard vers le sol, peut-être qu’il comprendra mal la réaction d’Evelynn. Elle se reprit, relevant son attention sur Garfield.

« Je ne me recule pas parce que je ne t’aime pas… Bien au contraire même ! Mais… »

Elle s’arrêta. Pourquoi encore ? Elle était si bien partie dans son explication.

« …Juste que… C’est peut-être contagieux... »

C’était ça qu’elle voulait dire. Elle baissa ses yeux, encore. Ca devenait une habitude.

Garfield essayait de réfléchir ; il avait une impression de quelque chose sur le bout de la langue, une idée qui n'arrivait pas à s'exprimer. Fatigue, rien mangé de bizarre et... Il écarquilla les yeux, se sentant repoussé et du même coup sorti de ses réflexions. Des étincelles. Ça lui disait quelque chose, des étincelles, mais quoi ?

Evelynn reculait, et il resta immobile un instant, cherchant ce qu'il avait oublié.

« Oui oui je comprends, » fit-il d'un air absent, « enfin je suis pas souvent malade et... » Il avait perdu le fil de sa pensée. « Eeeet... Dragons. »

C'était donc ça. On aurait presque pu entendre les trompettes de la victoire alors que deux neurones entraient en connexion. Mais c'est bien sûr ! Il tenait un truc, il en était certain.

« Andrew. Enfin mon frère. Il élève des dragons, en Roumanie. Il est revenu un été pour se mettre à l'écart de la colonie, il était tout bleu avec des boutons, puis des écailles à la place, et il éternuait des étincelles aussi, le guérisseur avait dit que c'était une forme bizarre parce qu'il aurait dû être vert ! »

Bon, après, il ne se rappelait absolument plus de comment ça se soignait, mais c'était probablement un bon début de savoir ce que c'était. Même s'il babillait, racontant un peu n'importe quoi n'importe comment, en parlant trop vite. Il allait aussi éviter de dire qu'il avait appelé Andrew 'Schtroumpf Grognon' jusqu'à ce que les derniers symptômes disparaissent, ça le faisait pas trop.

« Si c'est ça, y a une potion. Un truc à prendre. C'est pas grave je crois si c'est soigné, Absynthe doit avoir ce qu'il faut, il va sûrement revenir. MacArthur a fait venir des dragons dans le coin, j'avais été les voir avec lui après le devoir, c'est peut-être ça. »

Enfin, après le devoir où il n'avait pas triché. Il se demandait d'ailleurs si Evelynn était au courant pour celui-là. Il allait s'abstenir de lui raconter si ce n'était pas le cas, surtout qu'il avait fini la tête la première dans de la bouse de sombral ; pas très glorieux.

« Je sais pas du tout si c'est contagieux ou pas, par contre. Mais au pire, je m'en fiche tu sais. »

Son débit de parole était comme un robinet cassé, soit c'était une goutte à la fois, soit c'était toute la citerne qui sortait d'un coup. Il se sentit se détendre tout d'un coup, alors qu'il n'avait même pas remarqué s'être crispé. Et puis il sourit en s'étirant un peu, sans se rapprocher de peur de la faire fuir encore ; il se sentait d'ailleurs un peu bête, debout là sans rien faire, alors il retourna vers l'armoire tout en parlant, pour essayer encore de décoincer sa cravate.

« J'espère que c'est ça. Avec un peu de chance, tout sera parti pour la fin d'année. »

Le but premier de sa remarque était par rapport à un éventuel retour dans une ville moldue, comme ça allait être son cas. Et puis une toute petite idée vint s'ajouter à son raisonnement, un petit quelque chose de rien du tout. En tirant sur la porte décidément coincée, il reprit, d'une voix qu'il voulait désintéressée.

« Tu vas à la fête, d'ailleurs ? »

Une question comme ça, sans but précis... On aurait presque cru à cet air innocent. Il s'était longuement demandé quoi faire au sujet de cette fête, à présent qu'il sortait un peu le nez du merdier sentimental qui lui avait semblé inextricable. Et il s'était souvent dit qu'il aimerait bien passer un peu de temps avec Evelynn, autrement qu'en cours ou en duel. Et... Et... Et... Et il avait beaucoup d'excuses pour ce manque plutôt flagrant de subtilité. Il avait au moins le mérite de tâter le terrain avant de se manger potentiellement un refus.

Evelynn était soulagée de voir qu’il comprenait. Elle releva son regard alors qu’il parlait. Dragon ? – De quoi parlait-il ? — Oh il avait peut-être trouvé un truc. Et donc son frère avait eu la même chose qu’elle mais un peu différent.

« Tu me soulages en disant ça, j'avais un peu peur quand même...»

Ça annonçait plutôt quelque chose de bien pour Lynn. Elle ne souffrait donc pas d'une maladie très grave ou d'une maladie qui n'était pas curable. Ça aurait été étonnant si ça avait été le cas. Elle n'avait pas eu d'antécédent mort de maladie similaire, sa famille était plutôt robuste.

«  Oh non… Ce n’est pas ta faute… J’ai du trainer quelques part où il y avait eu des dragons... »

Puis il continua. Peut-être que lui s'en foutait que ce soit contagieux ou pas mais ça ne l'était pas pour Lynn... Elle avait vu à quoi elle ressemblait et elle ressentait les symptômes de la maladie. Elle ne voulait pas passer la maladie à Garfield et le faire subir ce qu'elle subissait en ce moment même. Elle se sentirait coupable – mais elle n'osa à pas lui dire et se contenta de faire un bruit d'approbation et de le regarder retourner à son problème de cravate. Elle avait eu de la chance de tomber sur lui d'ailleurs. Si ça avait été d'autres personnes, ils auraient pu se moquer ou quelque chose comme ça...

Ses derniers la réconfortèrent un peu. Elle se détendit un peu.

« Merci ... »

Elle avait une voix basse, presque inaudible mais c'était tout ce qu'elle avait parvenu à faire sortir de sa bouche. Et Garfield évoqua la fête. Elle réfléchit, il pouvait parler d’un festival ou d’une fête qui se passait pendant les vacances.

« Tu parles du Bumblebee Day? »

Il ne pouvait pas vraiment parler d'une autre fête qui les concernait tout
les deux.

« Je... Non ... Je n'ai pas de cavalier donc ... »

Oui, c'était l'une des conditions pour pouvoir y aller et Lynn n'avait trouvé personne – enfin, n'avait cherché personne. Peut-être trop timide ou trop craintive, on ne sait pas trop.

« Et toi? ... »

Il devait surement y aller avec quelqu'un. Une Poufsouffle ou peut-être une autre 5e année d'une autre maison, ou plus jeune ou plus âgée. Lynn posait la question surtout pour la forme.

Toujours en train de tirer sur la stupide porte pour tenter d'effacer les traces de son semi-méfait, Garfield hocha la tête.

« Oui, le Bumblebee Day ! »

Il avait encore envie de marmonner dans son effort pour ouvrir cette saleté d'armoire. En plus, il se faisait mal à la main dans le même temps, puisqu'il n'avait pas obtenu de quoi la soigner tout à l'heure. Il serra les dents pour ne pas jurer, quand la porte s'ouvrit tout d'un coup pour aller cogner le mur dans un grand PANG, l'élan faisant trébucher Garfield en arrière au moment où il allait répondre.

A la place, il leva sa cravate d'un air dépité. Un grand trou en plein milieu. Il soupira.

« Va falloir que je demande à Elise... »

De lui rendre sa cravate, évidemment. L'autre. Celle qu'elle lui avait piqué en duel malgré qu'il n'ait toujours pas compris pourquoi – une sombre histoire de collection, il ne voulait même pas savoir en fait. Il n'avait pas spécialement envie de devoir aller supplier, mais il n'allait pas avoir beaucoup le choix puisque la cravate de secours était de toute évidence inutilisable. Quand on pouvait voir les alentours au travers d'un vêtement, c'était généralement mauvais signe.

Le problème principal de Garfield, après sa maladresse, c'était sans doute la distraction. Il comprit tout d'un coup, sans avertissement, que ce qu'il venait de dire pouvait être considéré comme une réponse à la question, et il fourra précipitamment la cravate abimée dans sa poche tout en parlant en accéléré.

« Non c'est pas ce que j'ai voulu dire je. Enfin c'est la cravate, Elise a pris l'autre, je sais pas pourquoi, eeet maintenant il va falloir que j'aille lui demander pour la récupérer, je voulais pas dire ça, enfin je pensais à autre chose et enfin Elise est cool mais la fille avec qui j'ai envie d'y aller c'est. »

Respirer. C'était le maître mot. Il se tapa quelques fois le front en fermant fort les yeux, comme si ça allait remettre quelque chose en place dans son crâne. Sans se rendre compte que c'était la main blessée et qu'il était donc en train de se faire une belle empreinte de sang et d'encre sur le front, ce qui n'était pas particulièrement esthétique.

« Je. Je me demandais. »

C'était un peu particulier comme manière de faire, mais il n'avait jamais été considéré comme particulièrement doué. Il sentait une rougeur grimper de son cou jusqu'à ses joues – s'il avait eu sa couleur de cheveux naturelle, il aurait ressemblé à une grosse flamme en fin de compte.

« Est-ce que tu. Enfin. »

Il allait arriver à sortir cette question. Juste un peu de patience. Inspirer, souffler, pousser.

« Tu viendrais à la fête avec moi ? »

Très bien. Très très bien. Sujet-verbe-complément, question. Il aurait mérité des points pour Poufsouffle tellement c'était bien.

La cravate, encore la cravate – Elle était toujours coincée et Garfield se débattait avec elle. Evelynn le regardait en essayant de ne pas s’approcher. Il surprit Lynn alors qu’il tomba en arrière. Elle avait de grand yeux et sa bouche inconsciemment s’ouvra – choquée.

« Eeek ! »

Elle faillit s’approcher pour l’aider – reprenant un visage serein – mais il parla avant qu’elle ne s’approche. Oh – Il voulait y aller avec Elise alors ? Elle s’arrêta – surprise –, sourit et continua à s’avancer. Il avait bien choisit. Elise était une personne assez stricte mais elle était élégante, puis elle était gentille et elle s’occupait parfaitement bien de l’équipe Serdaigles. C’était surement grâce à elle qu’ils avaient gagné la plupart de leurs matchs. Elle proposa sa main à Garfield – un peu trop tard peut-être. Il commença à parler très vite et Lynn ne comprit pas vraiment.

« Hein ? »

Il ne voulait pas y aller avec Elise – C’est vrai que la cravate qu’il portait était fichue maintenant et qu’Elise, en duel, avait pris l’habitude de récupérer la cravate de ses adversaires. Une autre fille alors ? Lynn avait peut-être raison – Une autre fille de 5e ou une fille plus âgée ou plus jeune. Sans s’en rendre compte, elle était un peu déçue mais garda son sourire. Et puis il s’arrêta dans sa phrase et se frappa le front. Oh ! Son visage surpris reprit le dessus.

« Ca va ? »

Elle chercha dans ses poches une serviette pour frotter le sang qui coulait sur son front mais elle ne trouva rien de très utile. Et il fallait faire quelque chose pour son doigt aussi. Puis il reprit la parole.

« Hmmm ? »

Il avait du mal et il commençait à rougir. Est-ce que Lynn venait de faire quelque chose d’embarrassant ? Elle se regarda des pieds à la tête. A part la varicelle, il n’y avait pas grand-chose qui avait changé. Coup de grâce. Il lui posa la question.

« Je… Tu es sure de vouloir y aller avec … moi ? »

Elle voulait se cacher – se faire toute petite. Elle aurait voulu devenir une petite souris et se faufiler dans un trou. Les rougeurs de Garfield devaient avoir atteint le teint de Lynn aussi.

« Enfin. Si tu es sure … Je … »

Elle baissa d’un ton. Elle baissa les yeux vers les pieds de Garfield – embarrassée.

« Je serais ravie de t’accompagner… »

Et elle l’avait dit – elle aussi. Elle hésita à parler mais se reprit – elle se dirigea vers l’armoire où la cravate s’était coincée.

« Enfin soit. Il faut faire quelque chose pour ta main ! »

Elle avait parlé d’un ton plus haut et les mots avaient été plus rapides qu’elle ne le voulait. Ce changement de sujet était assez radicale… – raté ? – Elle commença à chercher dans l’armoire un bandage et du désinfectant – ne sachant pas vraiment qu’elle ne devait pas. Une fois qu’elle trouva les deux, elle s’adressa à Garfield avec un sourire – toujours.  

«  Assieds toi, je vais te soigner tout ça. »

Elle était toujours un peu embarrassée à cause de l’invitation de Garfield mais elle essayait de son mieux de rendre l’atmosphère plus… comment dire… – agréable. Elle prit une chaise et s’assit en face de Garfield.

« Je peux ? »

Elle parlait bien sur de la main de Garfield. Quand elle eut sa main dans la sienne, elle remarqua qu’elle était beaucoup plus grande que la sienne – une phalange en plus surement. Elle ne pensait pas qu’elle serait beaucoup plus embarrassée juste en tenant sa main. C’était encore pire qu’avant mais c’était elle qui avait proposé de soigner sa main. Elle commença par désinfecter la plaie comme elle pouvait.

« Ça pique ? »

Elle avait un peu peur de lui faire mal.

Evelynn s'était approchée, et bien sûr, ça créait quelques bugs. Enfin, au moins, il avait l'air de ne pas être le seul à avoir du mal, c'était une maigre consolation, même si elle avait visiblement remarqué ses écarts de langage – ô combien discrète, cette manie de prononcer une suite de mot sans arrangement valable dés qu'il avait un petit coup de stress. Il était bizarrement content qu'elle s'inquiète pour ses facultés mentales – il y avait de quoi -, et tout à la fois bizarrement content qu'elle ait arrêté de s'inquiéter pour la contagion et qu'elle s'approche un peu. Quoique, c'était encore plus difficile. Mais soit.

Il avait arrêté de respirer en attendant la réponse. Elle était verte, il allait probablement devenir bleu. Ce serait plus ou moins assorti, assez joli en fait, vert et bleu, et... Zut, elle posait une question. Tout l'air retenu ressortit dans une toux qui ressemblait fort à un étranglement. On ne répéterait jamais assez à Garfield l'importance de respirer régulièrement, au moins plusieurs fois par minute, ce n'était pas un luxe.

« MAIS OUI. »

Il n'avait pas voulu partir dans les aigus. Il rougit encore plus, et toussa une fois supplémentaire – de gêne.

« Enfin euh. Oui. Je suis sûr. Complètement sûr. Parfaitement sûr. »

Son coeur rata un battement, elle acceptait. Ce coup-ci, il se sentit respirer comme s'il avait manqué de se noyer juste avant. C'était un peu ça, en fait. Un grand sourire stupide apparut tout seul sur ses lèvres, alors qu'Evelynn se détournait pour aller farfouiller dans l'armoire, visiblement mal à l'aise alors que Fifi, lui, se sentait vachement mieux. Son sourire se fana d'ailleurs un peu à cette pensée. Il espérait qu'elle n'avait pas accepté par peur de lui dire non. Il fronça carrément les sourcils, et l'appela de la voix la plus douce qu'il avait en stock, en même temps qu'il s'asseyait sur la chaise qu'elle lui désignait.

« Evelynn ? Si t'as pas envie, faut pas dire oui pour me faire plaisir hein. Enfin ça me fait plaisir. Beaucoup. Mais c'est mieux si. Enfin. »

Il se mordit la lèvre, avec l'impression d'être en train de dire plein de bêtises. Il n'était pas très doué ; il avait d'ailleurs appris récemment qu'il était encore moins doué que ce qu'il croyait. Mais il avait appris d'autres trucs aussi, les expériences douteuses n'étaient pas en pure perte. Il lui offrait ce cadeau dont il avait fini par comprendre l'importance : du respect. Ce n'était pas un truc glorieux, ce n'était pas non plus une confiance en lui qui l'aurait fait bien voir, au contraire... Mais c'était nécessaire pour tenir les promesses qu'il s'était fait : faire preuve d'honnêteté, s'assurer que tout allait bien. Faire les choses correctement dans un contact humain avec une fille qu'il trouvait mignonne, c'était une grande première ; on progresse, ou du moins on s'y efforce.

Il lui donna sa main blessée sans plus de manière, continuant de parler avec une certaine hésitation dans la voix.

« J'ai l'impression que ma demande sort un peu de nulle part, parce qu'on ne parle pas vraiment, mais, enfin. Je t'aime beaucoup, et. Et voilà. Mais faut pas que ça t'embarrasse et que tu te sentes obligée, et je. » Il passa sa main libre dans ses cheveux. « Je dis beaucoup de conneries, voilà. »

Evelynn s'affairait, et il ne faisait pas du tout gaffe à ses gestes, regardant juste de temps en temps ses mains sur la sienne en se disant qu'elles étaient tout de même minuscules. Jusqu'à ce qu'elle pose une question.

« Non ça pi... OH LA VACHE ! »

... Garfield avait toujours eu cette capacité tout à fait fascinante de ne ressentir la douleur qu'après qu'il y ait eu un déclic. C'était particulièrement utile au Quidditch, où il sentait la plus grande partie de ses fractures après la fin du match. Du coup, il venait de faire attention à ses sensations et, effectivement, ça piquait. Heureusement, le bandage était presque fini. Il lutta très fort pour ne pas retirer sa main et souffler comme un gosse sur l'horrible désinfectant.

« Désolé. Merci. »

Il se mordilla l'intérieur de la joue, incertain de tout ce qu'il venait de raconter ; Evelynn avait eu l'air de ne pas savoir quoi dire, se concentrant sur sa tâche. Il était d'ailleurs plutôt désolé de ne pas pouvoir lui rendre la pareille et trouver la potion qui l'aurait aidée, mais il valait mieux ne pas prendre de risque.

Oh – c’était raté… Le changement avait du être trop rapide et Garfield avait mal compris Evelynn. Zut, zut, zut. Elle continuait sa recherche de bandages et de désinfectant alors qu’il poursuivait. Lynn voulait lui répondre mais elle ne savait pas trop comment. Elle allait surement paraitre trop direct et puis non, elle finira par hacher ses mots un par un… Ce n’était pas une bonne idée.

Evelynn toujours entrain d’essayer de faire ce bandage et  de désinfecter le tout. Elle leva la tête quelques fois vers Garfield. Il fallait qu’elle lui réponde sinon il allait foncer sur un grand mur.  Elle essaya de lui répondre en même temps qu’elle galérait avec le bout de coton imbibé de désinfectant.

« Non… Non… Pas du tout ! C’est juste. Que. Je suis un peu étonnée mais. Mais je suis très heureuse que tu m’aies invitée ! »

Elle continua son travail d’infirmière débutante : frottant doucement le bout de coton sur la plaie – stoppant directement quand il eut mal. C’était assez amusant que Garfield ne le remarquait que lorsque Lynn demanda qu’il ait mal.

« Je… Désolée ! »

Elle ne voulait pas mais c’était en quelque sorte obligatoire avant de mettre le bandage. Si elle laissait la plaie s’infecter, c’était un voyage supplémentaire dans l’infirmerie pour Garfield. Elle prit une autre boulette de coton et épongea le désinfectant qui dégoulinait. Elle en avait peut-être utilisé trop en fait – C’était peut-être pour ça que ça piquait beaucoup… Elle commença le bandage – elle n’était pas douée avec ça même si ce n’était pas si compliqué en soit. Enroulant du mieux qu’elle pouvait sans relâcher la pression pour que le bandage soit assez serré.

« C’est fini ! »

Son résultat était plus que médiocre – Le bandage était trop épais à certain endroit et trop fin à d’autres. Il y avait également des bandes qui dépassaient… Elle releva sa tête de la main de Garfield pour le regarder et elle remarqua qu’il avait toujours la trace de sang sur son front.

« Oh… Tu as toujours du sang sur ton front. »

Elle montra son front en même temps qu’elle lui dit.

« Je t’apporte une serviette ? »

Elle se releva pour trouver quelque chose dans l’armoire et elle se rappela de ce qu’avait dit Garfield plutôt alors qu’elle ne savait pas quoi vraiment répondre.

« Ah oui, tout à l’heu – Atchoum ! Atchoum !»

Toujours la tête dans l’armoire – elle se cogna l’arrière de la tête sur une étagère. Elle se frotta l’arrière du crâne en essayant de faire passer la douleur. Elle ne s’y attendait pas. Les étincelles étaient revenues en force.

« Pardon… »

C’est vrai, elle n’avait toujours pas pris la potion pour soigner sa maladie…

Du quoi ? Oh crotte de bique. Il se comportait comme un imbécile, et en plus il se baladait visiblement avec des traces plein la figure. Mais quel boulet. Instinctivement, il porta une main à son front et, effectivement, ses doigts revinrent tachés. Il hésitait entre éclater de rire devant sa propre stupidité et aller s'enterrer quelque part. Un terrier de blaireau, un truc loin et isolé où, s'il se rendait ridicule, il n'y aurait personne pour le voir. Mais bon. Evelynn n'avait pas l'air de se moquer de lui. Il admirait les gens suffisamment gentils pour ne pas exploser de rire devant sa malchance – mine de rien, ça ne devait pas être facile.

« Je veux bien... »

Il ne savait pas trop où se mettre, en fait, assis sur sa chaise à attendre qu'elle s'occupe de lui. En fin de compte, c'était vraiment gênant ; elle était malade, et elle le soignait en priorité. Il était visiblement victime de ce syndrome bizarre qui transforme les garçons en bébés dés qu'ils ont un bobo, si petit soit-il. Pas bien. Pas bien du tout. Il ouvrit la bouche pour lui dire que, finalement, il valait mieux qu'elle s'asseye, mais elle parla avant lui... Et ne finit même pas sa phrase, coupée par des éternuements plein de flammèches comme tout à l'heure.

Garfield fut debout au quart de tour en entendant le bruit du crâne de la jeune fille qui rencontrait le bois d'une étagère. Il avait de bons réflexes, de temps en temps, et ils se déclenchaient parfois tout seuls ; en quelques secondes, il fut à côté d'elle, pour la scruter avec attention.

« Est-ce que ça va ? Tu t'es pas fait trop mal ? Laisse-moi regarder... »

Il se pencha un peu pour observer l'arrière de la tête d'Evelynn, passant une main à la recherche d'une blessure jusqu'à ce qu'elle tressaille, signe qu'il avait trouvé. Il n'y avait pas de plaie, c'était rassurant. Il soupira légèrement, de soulagement, avant de sourire un peu ; il était plus près que ce qu'il se serait normalement permis, mais il était inquiet, alors il ne s'en rendait même pas compte.

« Tu vas avoir une bosse. Je me suis pas rendu compte, mais tu devrais même pas être debout. C'est gentil de t'être occupée de ma main, mais ce que tu as est quand même un peu plus bizarre que ma coupure débile... »

Tendant un bras, il attrapa une serviette lui-même dans l'étagère derrière elle.

« Voilà. J'ai la serviette. Mission accomplie. Maintenant ce qu'on va faire. »

C'était une bonne question en soi. Il ne savait pas quelle potion l'aiderait, et il ne valait mieux pas tenter de jouer à l'apprenti sorcier – ce qu'il était, en fait.

« Tu vas t'asseoir. Ou mieux, tu vas t'installer sur un lit, comme ça tu es sûre de ne pas tomber. Et moi, je vais partir chercher après Absynthe, ou Euphrasie, selon qui je trouve en premier, comme ça ils sauront que tu as besoin d'eux. »

Et aussi essayer de trouver un miroir, au passage, parce que là, il s'essuyait le front un peu au hasard, sans être sûr de ne pas étaler les traces plutôt que de les effacer.

« Ce serait mieux s'il y avait quelqu'un qui puisse rester ici mais bon. Plus vite tu prends la potion, plus vite tu seras, euh. »

Moins verte ? Moins pustuleuse ? Autant ne pas remuer le couteau dans la plaie.

« Au plus vite tu seras toi-même. »

Ouais. C'était un bon compromis. Un peu hésitant, mais pas vexant. Très bien.

La main d’Evelynn qui se frottait sur l’arrière de son crane disparut très vite – Garfield l’avait remplacé. Il était proche – très proche, passant sa main dans les cheveux de Lynn. Elle était incapable de bouger.  Elle s’était même presque arrêter de respirer. Elle aurait voulu lui répondre qu’elle allait bien mais rien. Elle n’arrivait pas à sortir un mot de sa bouche, surprise et embarrassée parce qu’il arrivait. Les rares personnes qui touchaient ses cheveux étaient des gens très proche comme sa mère et Lynn avait appris à se coiffer toute seule donc peu de personne les touchait – encore moins un garçon.  

C’est sans surprise que Lynn allait avoir une bosse, l’impact avec l’étagère n’avait pas été des plus douces. Mais c’est une bonne chose que c’était à l’arrière du crane, les cheveux allait la cacher et personne ne le remarquera – enfin espérons.

« Je – Je vais bien… Désolée… »

Garfield s’inquiétait vraiment pour Lynn. Elle ne voulait pas pourtant mais il avait raison, elle avait une sorte de maladie inconnue et elle jouait à l’infirmière alors qu’elle devrait se reposer. Si elle avait directement fait ça, elle se serait éviter une bosse… Mais elle ne pouvait pas non plus laisser Garfield se vider de son sang.

La suggestion de Garfield l’étonna un peu, c’est vrai qu’elle était un peu maladroite mais elle ne tombait pas des chaises, ni des tabourets.  Enfin, ça n’était pas encore arrivé. Mais peu importe, elle suivit le conseil du poufsouffle et se dirigea vers un lit – assez proche. Elle hésitait si elle préférait qu’elle pour pouvoir lui parler ou si elle préférait qu’il parte et qu’il ne la voit pas dans cet était là. Elle laissera filer Garfield. Peut-être que si elle restait trop longtemps dans cet état, ça allait laisser des séquelles ou pire encore, être définitif. C’était mauvais si ça arrivait.

« On fait comme ça alors… »

Elle ouvra le lit bien plié et s’installa dessus – D’abord pour enlever ses chaussures, et ensuite pour mettre le coussin afin qu’elle puisse se tenir droite. Quoique peut-être était-ce mieux qu’elle se couche pour pouvoir s’endormir plus facilement – mais si elle était endormie lorsque Garfield revenait avec Mr. Bridgestone ou Mlle Euphrasie… Elle opta pour le coussin redressé et s’installa.

« Ouip ! Je t’attends alors. »

C’était une bonne chose si elle redevenait elle-même – Un serdaigle au teint
beige avec une peau douce.

« Si je suis toujours… Verte pour le Bumblebee day… tu m’en veux – si… euh… je ne viens pas ? »

Peut-être que même si elle prenait la potion, elle allait rester verte et pleines de boutons pendant quelques temps. Ce n’était vraiment pas pratique de ne pas savoir de quoi elle souffrait…

Garfield la regarda s'installer, un peu soulagé qu'elle ne soit plus debout à risquer de se prendre tous les meubles ; il devait probablement s'être cogné à peu près dans chacun des objets de l'infirmerie sur ses cinq années à Poudlard, donc il préférait éviter ça aux autres. Il passa sa main dégagée dans ses cheveux.

« Okay, je reviens dés que possible. »

Cette fois-ci, il n'avait aucune raison de ne pas revenir. En plus, il aimait bien papoter avec Absynthe. Il frotta une dernière fois son front, avant de déposer la serviette sur le dossier d'une chaise, en espérant que ce n'était pas trop la catastrophe tout de même. Il se prenait déjà assez la honte dans les couloirs comme ça en général.

Il s'avançait vers la fameuse armoire pour récupérer son vieux sac à dos abandonné à côté lorsque la voix d'Evelynn retentit à nouveau dans la grande pièce vide. Il se retourna à moitié, et sourit.

« Pourquoi je t'en voudrais ? Si c'était un problème, j'aurais pas proposé ! »

Il allait quand même croiser les doigts très fort pour que ce ne soit pas le cas, et que sa dragoncelle soit totalement résorbée pour ce jour-là, mais bon. Ce n'était pas de sa faute non plus. C'était déjà renversant qu'elle approuve l'idée d'aller à la fête avec lui même sans ça, elle valait bien mieux... Mais ça, évidemment, c'était sans doute intelligent de ne pas lui faire remarquer.

« Allez, à tout de suite. »

Lui adressant un petit signe de la main – qu'il trouva débile deux secondes plus tard, mauvais réflexe à son sens – il finit par récupérer son sac tout pourri et le jeter sur une seule épaule, pour sortir de l'infirmerie. Il était temps de réfléchir à l'endroit où il pourrait trouver un des deux infirmiers, mais il avait un peu de mal à se concentrer ; bah, avec un peu de chances il tomberait dessus, et avec encore un peu plus de chance, ce ne serait pas littéral.