Ce matin-là, dans la salle commune de Poufsouffle, et plus précisément dans le dortoir masculin de sixième année, s'était déroulé un drame sans précédent. En effet, ce cher Kalev, plutôt connu pour ses talents de grand empoisonneur que de maître des potions, avait réussi à confectionner un philtre de condition humaine, l'autre jour. C'était d'ailleurs assez miraculeux, à bien y penser. En plusieurs années d'études, c'était peut-être bien le troisième fois seulement que le blondinet avait réussi à obtenir un résultat probant durant les travaux pratiques de cette matière.

Le vrai problème tenait dans le fait que cette potion avait disparu, justement. Kalev l'avait innocemment déposé sur sa malle, la veille au soir, et ce matin, elle n'y était plus. En soit, ce n'était pas vraiment dramatique : le Poufsouffle ne savait pas quoi en faire, et il y avait certainement des tas de créatures dans ce château magique qui avaient eu envie de s'amuser un peu. Dans le pire des cas, peut-être qu'un camarade lui avait pris pour une expérience ou deux. Non, le vrai problème, c'était qu'avec cette potion avait disparu l'amour de sa vie : Jupiter.

Kalev se réveillait tous les matins aux côtés de son furet d'amour. C'était une règle d'or. Ils se couchaient ensemble, dormaient ensemble, se levaient ensemble et prenaient le petit-déjeuner ensemble. Et ce matin, rien, personne. Pas l'ombre d'un adorable animal aux couleurs de la planète dont il portait le nom. Et Kalev avait paniqué. Son petit Jupiter, où était-il, qu'avait-il fait ? Avait-il volé la potion dans l'espoir de devenir comme son maître chéri, de lui faire plaisir, de devenir un meilleur ami qu'il n'était déjà ?

Ni une ni deux, Kalev avait parcouru tout Poudlard à la chaleur de son animal de compagnie. Il était allé un peu partout dans l'espoir de le croiser, mais tout ce qu'il trouva, ce fut une rencontre assez percutante avec une élève de Serdaigle qu'il commençait à bien connaître de réputation : Jazzie Jones. La fille bizarre qui adorait déshabiller les autres en duel. Mais aujourd'hui, il n'avait pas de temps à perdre avec des rumeurs. L'air un peu perdu, il prit Jazzie par les épaules et la secoua.

- J'ai perdu Jupiter ! Beau, poilu, lustré, adorable, avec de grands yeux humides. Tu l'as vu quelque part ? Il a fugué, je crois, je sais pas où il est, je me sens seul sans lui...

Le poursuiveur de Poufsouffle afficha une main éplorée. Sans son meilleur ami, sa vie ne rimait à rien.

Oh, elle allait l'aider ? C'était gentil de sa part. Kalev nota intérieurement, malgré son malheur : Jazzie était une fille bizarre, mais gentille. Avec un bon fond. Il n'y avait qu'une personne avec un bon fond pour proposer aussi généreusement de l'aider à retrouve son pauvre Jupiter. Même si bon, il ne se sentait pas si seul que ça, c'était juste qu'il s'inquiétait énormément pour son animal de compagnie, ce qui était légitime.

- Oui, Jupiter est mon furet. De toute façon il n'y a pas beaucoup d'élèves qui ont un furet alors si tu en croises un, il y a de très grandes chances que ce soit lui.

Bizarrement, les élèves adoptaient peu cette adorable créature. Ils lui préféraient un hibou, un chat ou une bestiole rose comme un boursouflet. Kalev se souvenait que lorsqu'il était en première année, il voulait adopter un être de l'eau, parce que c'était classe et poétique, mais ce n'était pas considéré comme un familier, malheureusement. A défaut, on lui avait offert un furet l'année suivante, et depuis, c'était l'amour fou.
Kalev fut surpris de la voir sortir un carnet. Elle comptait prendre des notes ? Le dessiner ? Est-ce qu'elle avait l'habitude de mener des enquêtes et elle suivait un protocole très précis, comme dans les séries policières moldues ? Bah, peu importait.

- Il fait à peu près cette taille. Il montra la mesure avec ses mains. Il est de la couleur de la planète dont il porte le nom, et il est souvent plein de poussière parce qu'il se fourre dans des endroits pas croyables. Il est super mignon, répond à son nom et donne la patte.

C'était sa grande fierté, d'avoir appris à un furet à donner la patte. Il doutait que cette information serve à Jazzie, mais après tout, on n'était jamais trop prudent. Kalev croisa les bras et fronça les sourcils : tout de même, il ne comprenait pas cette fugue. Est-ce qu'il avait été un moment maître ?

- Oh, et au fait. Il m'a volé une potion. Cette information venait de lui revenir. Une potion de condition humaine.

Vraiment, qu'est-ce qu'il allait bien pouvoir en faire, ce furet, de cette fiole ? C'était nul d'être humain ! C'était tellement plus mignon, d'être une bestiole au poil soyeux.

Jazzie semblait motivée et, en un sens, cela avait quelque chose de rassurant. Le Poufsouffle n'aurait jamais cru pouvoir compter sur elle un jour ; et pourtant. Dans la situation désespérée qu'était la sienne, elle lui tendait une main secourable, et Kalev la saisissait à pleine poigne. L'adolescent ne s'inquiétait que pour bien peu de choses, mais la disparition de son animal de compagnie se classait plutôt haut.

- Oui, bien sûr, il adore manger, il se goinfre même trop parfois, répondit affirmativement le maître du disparu. J'ai bien des biscuits sur moi, et il sortit de sa poche un paquet de gâteaux secs, mais rien n'y fait, il ne répond pas. Je... je crois que Jupiter ne m'aime plus.

La lèvre inférieure du blond trembla d'émotion, démuni à cette simple pensée. Qu'avait-il fait de mal, Merlin, pour que son furet d'amour l'abandonne de la sorte ? Était-ce la crise d'adolescence du mustélidé ? Était-ce une revendication de liberté ? Kalev prit la main de Jazzie dans la sienne, plein d'espoir.

- Il paraît que tu es un peu bizarre mais que tu es douée en relations humaines. Est-ce que tu aurais une idée de pourquoi il a fugué ? Je suis vraiment triste, tu sais, sans lui.

Et puis le savoir, seul, avec cette potion... c'était vraiment inquiétant. Et puis il y eut une ombre derrière eux que, de dos, le Poufsouffle ne put voir.