Garfield avait un peu de mal à suivre. Juste un tout petit peu. Il avait l'impression d'être une chauve-souris, à se repérer avec les commentaires. Aliénor a récupéré le souafle, okay. C'est bien cool, mais elle est où Aliénor ? Avec un soupir chevrotant, il leva sa batte, sans grande conviction.

Il visa le truc vert et volant le plus proche ; avec un peu de chance, ce serait la poursuiveuse. De toutes façons, y avait que des filles dans cette équipe - parce que bon, Peony, il a quand même l'air très gay. Il essaya de suivre le cognard des yeux, sans beaucoup de succès, mais il lui sembla avoir atteint quelqu'un. Calvin, en l'occurence.

Poufsouffle semblait prendre de l’avance, et c’était d’un ridicule absolu. Le coude sur la table et la joue appuyée sur sa main, Viridus était probablement le seul commentateur parfaitement à l’aise. Parfaitement ennuyé, aussi.

“Callahan récupère la balle, brave petite. Dans une course d’escargots vous auriez toutes vos chances.”

Est-ce que les balais avaient vieilli aussi, ou est-ce que les joueurs avaient trop peur d’accélérer et que la pression de l’air les casse en deux ? Mystère. Dans tous les cas, c’était presque douloureux de regarder Callahan crapahuter sur le terrain en un temps proportionnel à la durée des bains de Stathos.

“Les batteurs de l’équipe adverse étant très efficaces, c’est Sheridan qui se prend le cognard. Ce n’est pas comme s’il avait l’habitude. Comme d’habitude, il semble que Rosenbach doive redresser la situation - et le tir est réussi. Évidemment. Le gardien est incapacité, Callahan tire… Et marque. Félicitations mesdemoiselles. Vingt partout.”

C’était bien ce qu’il pensait ; l’avance était illusoire. Il ne s’ennuyait pas moins, mais au moins le match prenait la bonne direction.

Amethyston était comme toujours, en forme. Même si en l'occurence, sa forme physique n'était pas optimale. Ulysse se demandait s'il y avait des limites à ce que l'administration de Poudlard était prête à faire endurer à ses élèves, spécifiquement les joueurs de Quidditch. Ces derniers matchs, il a joué en pleine tornade, est devenu une fille et a vieilli d'un siècle. Pas qu'il était opposé à de nouvelles expériences, bien sûr, mais ça devenait assez... déstabilisant.

En tant que second batteur, et après un début de match assez encourageant, Ulysse se sentait obligé de marquer un beau coup. Et alors que Wesley reprenait le souafle, il vira de direction et trotta vers un cognard disponible. Tout en évitant expertement de se faire démembrer (les cours de Pemphredo étaient un excellent entraînement), il le propulsa sur le poursuiveur ennemi. Pardon Wes, c'est pas la première fois, en plus. Mais il ne faut pas tenir Ulysse responsable, il est un peu sénile.

Qu'avait-il, l'attrapeur Serpentard, à rester en place? L'aérodynamisme, ça ne servait que lorsqu'on restait en mouvement. Toujours aussi irritée, Snitch continuait son envol, recroquevillée sur son balai pour essayer de gagner en vitesse. Elle ne voyait pas bien loin - la vue qui baisse quand on vieillit, tout ça - mais elle compensait ce léger problème en s'acharnant à la tâche. Elle n'abandonnerait jamais, même si elle devait y laisser ses cheveux. Snitch continuait ainsi de chercher le vif d'or.

Calvin avait l'impression de s'être bloqué le dos. Il ne pouvait plus bouger et chaque tentative lui procurait une très vive douleur à cet emplacement. Il avait un peu perdu le fil du match du coup jusqu'à ce qu'un cognard ne lui arrive dans le dos et ne règle son problème. Il pouvait bouger désormais, mais il perdit son dentier en poussant un gémissement de douleur. En plus de ça, sa vue était basse. Bien heureusement, le souaffle lui tomba dans les mains sans qu'il ait à le chercher du regard et il chercher une tâche jaune assez statique pour être le gardien avant de diriger son balais vers lui.

C'était un peu confus, ce match, tout de même, et Wendy avait du mal à suivre - il faut dire que l'essentiel de son énergie était concentrée à rester accrochée à son balai, et que la fatigue du temps lui pesait lourd sur le dos. Elle plissait les yeux pour essayer de suivre.

Au loin, Calvin s'était pris un cognard de la part d'Ash qui semblait avoir encore la force de manier une batte, mû par on ne sait quel miracle. Le Souaffle, vague tâche rouge, avait bondi dans les airs, et Wendy avait traîné son balai pour le réceptionner. La poursuiveuse jaune réussit à récupérer le Souaffle non sans peine, et puis elle se tourna vers les buts adverses.

La précédente tentative d'attendre une poursuiveuse n'avait pas été très fructueuse mais, cette fois-ci, Garfield était quasiment sûr de son coup. Après tout, si cette tache verte floue était l'unique poursuiveur, c'était une des deux autres taches vertes au centre du terrain étant donné que les batteurs ne volaient pas de la même manière. Il plissa les yeux, essayant de voir laquelle des deux avait récupéré le souafle, et ce n'était pas du plus simple. Il décida d'y aller à la chance en fin de compte et, évidemment, connaissant Garfield, ce n'était pas une bonne idée. Son cognard alla se perdre sur la jambe d'Aliénor, qui n'avait définitivement pas le souafle.

C'était stressant de rester à côté de monsieur Emerald, dans la tribune, pendant qu'il étalait son ennui dans le commentaire qu'il dictait à son micro. Peggy avait l'impression qu'il n'attendait rien de moins qu'une excellence absolue (et une victoire rapide) de la part des élèves de sa maison, et que les voir tout vieux et tout rabougris ne l'amenait pas à penser qu'ils auraient peut-être un peu plus de mal à atteindre cet idéal. Et ça la stressait. Elle avait l'impression de devoir se montrer parfaite comme commentatrice, elle aussi, sous peine d'ennuyer à en faire mourir tout son entourage.

Et en plus c'était son tour.

Merlin, heureusement qu'ils étaient tous très lents. Peggy avait du mal à ouvrir la bouche pour parler.

Elle déglutit bruyamment.

"W-W-Wesley reprend le Souaffle." commença-t-elle, perçant le silence pendant que l'action du match tournait au ralenti.

Et puis le silence revint.

"U- U- Ulysse- le stoppe. Avec un cognard."

Peggy jetait des coups d'oeil inquiets tout autour d'elle, le stress de ne pas réussir à être à la hauteur de ses attentes s'ajoutant au stress qu'elle éprouvait déjà, et l'empêchant encore plus de bien faire son travail.

"Calvin. Reprend le Souaffle."

Elle avait surtout très peur que monsieur Emerald se mette à soupirer bruyamment. Elle était toujours sur les nerfs quand il était dans les parages.

"Ash l'arrête, et Wendy reprend le Souaffle."

C'était assez monotone, ce qu'elle faisait - heureusement qu'on l'avait forcée à s'inscrire aux cours de théâtre, hein, non, n'est-ce pas, ha ha, euh, voilà, euh, Peggy continua tant bien que mal son commentaire, en réprimant un rire nerveux. Elle vira soudainement au rouge tomate.

"La batteuse de Serpentard ... bloque Wendy et Astrid ... récupère l'avantage ... qu'elle conserve."

Un silence, de nouveau.

"Garfield envoie un cognard dans la mauvaise poursuiveuse." constata-t-elle enfin.

"Et Astrid marque. C'est un très joli but, trente pour Serpentard, le micro à Kelsey, au revoir!" et Peggy s'enfuit presque en courant se cacher derrière la grande Gryffondor. Heureusement qu'Astrid avait marqué, lui évitant de continuer la catastrophe qu'elle avait fait comme commentaire! Elle était sûre qu'on lui en voulait maintenant. Peggy déglutit. Elle était toujours toute rouge.

Ulysse était le papi le plus en forme du monde entier, à la fois sorcier et moldu. C'était le genre de grand-père qui déboule une batte à la main et élimine tous les problèmes d'un habile coup. Je ne sais pas si vous avez déjà rencontré ce genre de grand-parents. Peut-être qu'ils n'existent que dans les films mal éclairés où tout le monde a un léger accent italien. Et sur le terrain de Quidditch de Poudlard, bien évidemment. Car aujourd'hui Ulysse ne laissait passer aucun poursuiveur, et ce n'est pas Victoria qui allait contourner sa furie sénile. Arborant fièrement une plus que naissante calvitie, Ulysse envoya le cognard en plein dans les côtes fragiles de mamie Sovany. Il avait encore l'entrain de la jeunesse, pardi.