Wendy dérivait lentement sur son balai, affalée dessus, le regard dans le vague. Sa position n'avait pas l'air très confortable, pour quelqu'un qui n'avait pas l'habitude de jouer au Quidditch; mais Wendy était dans l'équipe de Poufsouffle depuis quelques années déjà, et elle trouvait ça normal de s'appuyer ainsi sur un balai. Elle savait faire. Elle avait l'impression de ne savoir faire que ça, d'ailleurs; elle se sentait un peu nulle.

Ces derniers matchs ne s'étaient pas passés aussi bien que prévu. Oh, elle n'avait pas été mauvaise, mais- mais elle n'avait pas été très douée non plus. Et la Poufsouffle avait eu honte d'elle-même et de ses capacités, surtout face à son capitaine et son sourire radieux et ses "c'est pas grave tu verras le prochain match ira mieux" qui étaient censés la rassurer et qui ne faisait que la mettre un peu plus mal à l'aise. A Poufsouffle, il n'y avait pas besoin de tirer Wendy hors du lit pour l'entraînement du matin. Elle le faisait toute seule. Elle tenait à ne pas décevoir ses amis. Elle devait faire mieux.

Elle devait faire mieux, mais elle ne savait pas trop comment s'y prendre - il était fini, le temps où tourner le plus vite possible autour du stade suffisait à remonter son niveau. La sorcière aurait aimé s'entraîner avec les balles - récupérer le Souafle, éviter les cognards. Mais, toute seule, elle ne faisait que répéter des gestes qu'elle connaissait déjà par coeur, et ça ne servait à rien. Elle avait essayé, pourtant. Wendy avait le sentiment d'avoir perdu son temps.

Alors maintenant, elle dérivait sur son balai, en se disant qu'elle ne méritait pas trop les glaces qu'elle avait prévu pour après. Elle se sentait un peu boudeuse.

Et Sandy, le vice-capitaine des Gryffondors, qui venait en courant vers elle n'était pas un bon signe non plus. Wendy n'aurait peut-être pas du se servir dans leurs affaires - mais c'était toujours ouvert chez eux, aussi. Il y avait des joueurs chez les rouges qui ne faisaient pas trop d'efforts, comme le batteur, là, qui semblait ne vivre que pour taper dans les cognards, et qui ne se rendait pas compte que le Quidditch c'était un peu plus que ça, quand même, que ça impliquait aussi de ranger après les matchs et les entraînements. Alors certes la Poufsouffle n'aurait pas du se servir de leurs balais et de leurs affaires, mais c'était plus facile comme ça, et puis c'était toujours dérangé, personne n'allait rien remarquer. Voilà.

"Bonjour!" héla-t-elle.

Wendy allait se faire gronder, elle en était sûre, et ça n'arrangeait pas son humeur. Elle ne voyait pas ce que Sandy pouvait lui vouloir d'autre. Elle ne lui avait jamais vraiment parlé jusque-là.

Et voilà. Elle se faisait gronder.

Wendy restait crispée sur son balai, partagée entre la panique et la rébellion. C'était facile de se donner des airs de dures et de pester en son for intérieur contre le reste du monde. C'était moins facile de faire face aux remontrances d'un vice capitaine, surtout quand elle était en faute, et qu'elle le savait. Sandy n'était pas en train de la gronder pour de bon, et de toutes façons Wendy n'avait rien fait de grave, alors il n'y avait pas lieu de s'en faire, il n'y avait pas besoin de paniquer - et parce qu'elle n'était pas en train de paniquer Wendy se sentait d'humeur maussade, parce que le vice-capitaine allait lui passer un savon, qu'il allait lui enlever des points, et que de rien du tout on allait faire toute une histoire, et de toutes façons comme les autres il n'allait jamais vouloir l'écouter, et en plus, ensuite, elle allait devoir expliquer ça à Wesley, parce que Sandy allait sûrement tout lui rapporter. Wendy se préparait au pire. Le pire n'avait pas l'air si terrible, pour une fois, juste pénible, injuste, au goût de gachis. Peut-être qu'elle était juste en train de grandir.

D'habitude, elle avait l'impression que le monde s'effondrait à la moindre de ses erreurs. Wendy observait ça d'un air détaché. Elle avait changé, un peu.

Juliet allait lui en vouloir.

Beaucoup de choses tournaient dans sa tête, et Sandy attendait une réponse.

"Je m'entraîne au Quidditch." répondit-elle d'une voix traînante, les yeux rivés vers le sol. C'était vrai. Ca n'avait pas l'air vrai du tout: elle avait juste l'air de paresser sur un balai qui ne lui appartenait pas.

"J'ai pris les affaires des Gryffondors parce que c'était ouvert et que c'était plus facile." Et elle n'avait pas pris les affaires des Poufsouffles parce qu'il aurait fallu demander à Wesley, et qu'il aurait fallu lui expliquer pourquoi, et que Wendy n'avait pas envie qu'il soit au courant, ni lui ni le reste de l'équipe. Elle ne se le formulait pas encore très bien, mais elle était partie pour chasser son sentiment d'incompétence, et ce n'était pas en l'étalant au grand jour devant toute son équipe qu'elle allait se sentir mieux.

Wendy se sentait très nulle.

Au final, elle n'avait vraiment rien fait de bien.

Sa voix se fit moins traînante et conflictuelle.

"Je pensais pas que c'était un gros problème. Je comptais tout ranger et personne n'aurait jamais rien su. Je me disais que c'était pas grave."

Elle ne voulait pas se faire disputer.

"Je suis désolée."

Les mains de la jeune fille se crispèrent pendant qu'elle se redressait sur son balai. Wendy ne disait rien, mais elle n'en pensait pas moins. Qu'est-ce qu'il avait à la gronder comme ça? C'était pas grave! Elle avait rien cassé! Elle allait tout ranger! Elle n'était pas une sorte de désastre ambulant comme, comme, argh, il l'énervait, mais elle ne disait rien. Wendy savait qu'elle avait tort. Elle ne voulait pas faire empirer les choses en répondant. Elle était un peu lâche: c'était plus facile de ne pas se défendre. Les remontrances de Sandy passeraient sûrement plus vite comme ça. Et puis, on l'oublierait plus facilement si elle faisait profil bas.

"Je suis désolée," répéta-t-elle, sans aucun désir de s'expliquer. Wendy ne voulait pas se disputer, mais elle n'avait pas non plus envie de déballer sa vie à un vice-capitaine qui semblait déterminé à la gronder quand même, par principe.

Il allait sûrement prendre toute explication pour des excuses, de toutes façons. Les grands faisaient toujours ça. Ils demandaient pourquoi, parce qu'ils voulaient comprendre, et ensuite ils reprochaient à la personne en train de se faire gronder d'avoir répondu à leur question. Il n'y avait pas moyen de s'en sortir. Il n'y avait pas de bonne réponse. Wendy savait qu'elle allait se faire gronder quoi qu'il arrive.

Amère, elle rendit les armes.

"Oui, je sais." lâcha-t-elle, un peu sèchement. "J'avais fini. C'est pour ça. Je n'étais plus en train de m'entraîner. Je vais tout ranger maintenant, d'accord?"

Et elle redescendit, furieuse mais contenant sa fureur, honteuse aussi. Wendy mit pied à terre les joues en feu et la tête baissée.

"Je suis désolée d'accord?" répondit-elle, un peu trop agressivement, avant de se reprendre. "J'suis désolée."

Un soupir. "Je vais tout ranger. Tu veux que je te donne le balai, ou tu veux que j'aille tout remettre dans les vestiaires? T'en as peut-être besoin."

Sandy se montrait très gentil.

C'était très gentil de sa part, de lui proposer de jouer au Quidditch. S'entraîner avec quelqu'un d'autre qu'un membre de son équipe allait sûrement lui être bénéfique - Wendy n'était pas habituée à jouer au Quidditch avec Sandy, et ne pouvait pas se reposer sur des habitudes acquises après de longues séances d'entraînement. Elle allait devoir rester alerte, et ça lui ferait sûrement du bien.

C'était très gentil de sa part aussi de ne pas la tourmenter plus, comme le faisaient souvent les adultes quand ils grondaient quelqu'un, cherchant la moindre erreur, la moindre faille dans le comportement de l'élève, exigeant d'elle une attitude parfaite et irréprochable et lui demandant de ne pas l'être en même temps - parce que l'important c'était de pouvoir lui crier dessus, et pas de s'assurer qu'elle avait compris son erreur ou qu'elle se sentait coupable ou qu'elle reconnaissait ses torts. Qu'importe la contrition de l'élève, qu'elle se montre insolente ou pas, il fallait la dresser comme un chien. Ca lui forgeait le caractère. C'était comme ça qu'il fallait faire pour apprendre. Tout ça. Sandy n'avait pas continué à la gronder, et c'était gentil.

Mais Wendy n'avait vraiment pas envie d'en être contente. Elle se sentait lâche. Elle avait du se montrer lâche, et s'excuser sans rien dire alors que c'était pas grave tout du long, et si Wendy avait osé lever une objection, Sandy n'aurait sûrement pas été aussi gentil. C'était pas juste. Et puis, aussi, elle était toujours fâchée, contre elle-même surtout, comme une sorte de mécontentement sourd qui ne voulait pas se dissiper. Si Wendy avait pu s'engueuler elle-même à la place de Sandy, peut-être qu'elle l'aurait fait.

Elle marinait dans son ressentiment. Il ne fallait pas. Ce n'était pas bien. Wendy se força à sourire.

"Je suis poursuiveuse, oui." répondit-elle, polie et un peu distante. "Je veux bien t'aider."

Wendy hésita un instant - est-ce qu'elle aurait du ranger ce balai pour aller en prendre un autre ? - et puis, dans un minuscule acte de rébellion, elle décida de ne pas poser la question. La poursuiveuse de Poufsouffle chevaucha donc le balai qu'elle avait en main, et s'envola, planant légèrement à un mètre du sol.

"Tu me donnes le Souaffle?"

Elle allait faire de son mieux. Souriante, toujours, mais silencieuse, elle s'était déterminée à déverser sa frustration et son trop-plein d'énergie dans le Quidditch, et à vaincre. Wendy ne savait pas trop quels exercices voulait faire Sandy. Mais s'ils allaient jouer l'un contre l'autre elle comptait gagner, et s'ils allaient coopérer elle comptait faire un sans-faute. Wendy se sentait toujours dépitée, mais elle ne pouvait plus ressasser sa mésestime maintenant.

Les deux joueurs de Quidditch se mirent à s'entraîner.

HRP:

On commence par des passes, puis un contre un avec les deux buts, d'accord - Wendy était prête. Un air sérieux et résolu sur son visage, elle se lança toute entière dans l'entraînement.

Au début tout allait bien. Les deux joueurs de Quidditch se défendaient plutôt bien, et l'acharnement de la Poufsouffle lui donnait un maigre avantage - mais ce n'était pas assez, non, et chaque erreur que Wendy faisait la gênait d'autant plus, parce qu'elle n'arrivait pas à passer outre et à persévérer. Chaque erreur qu'elle faisait était une occasion de se blâmer elle-même pour son manque de travail, son manque de talent, son inefficacité totale, sa nullité profonde, et chaque conseil que Sandy osait lui donner était une occasion d'appuyer dessus. Wendy ne lâchait rien, cependant. Mais petit à petit le Gryffondor prenait le dessus. Petit à petit la Poufsouffle n'arrivait plus à suivre parce qu'elle n'avait plus envie de rien d'autre que de jeter le Souafle en criant de frustration. Le jeu de Wendy, tout à fait respectable au début, s'était lentement détérioré pour finir par être véritablement médiocre. Et puis vint la fin : Sandy marqua un but.

Sandy rattrapa la balle le sourire aux lèvres et revint vers Wendy, lui proposant de tenter autre chose. Wendy, elle, restait polie, souriante autant que possible, les mains crispées sur son balai, furieuse contre elle-même et tentant de ne pas le montrer. Elle avait l'air de contenir à grand-peine un accès de colère.

"Ca suffit pour aujourd'hui, non?" fit-elle, un peu plus amère qu'elle ne l'aurait voulu.

Elle n'avait vraiment pas envie de continuer. La Poufsouffle se reposa au sol, mettant pied à terre et tenant son balai debout dans une main.

"Enfin, euh, sauf si toi tu veux continuer?" rajouta-t-elle, plus pour la forme qu'autre chose, parce qu'elle n'y avait pas pensé plus tôt.

"Il va falloir que j'arrête bientôt. J'ai, euh, des devoirs à faire? Pour ce soir." Wendy avait envie de s'enfuir.

Elle en voulait au monde entier, et elle ne pouvait pas l'exprimer. Il fallait qu'elle parte, sinon, Sandy allait sûrement dire un mot de trop, et Wendy n'avait pas envie d'exploser et de lui crier dessus. Ce n'était jamais vraiment bon de dire ce qu'on avait sur le coeur.

Elle avait tenu bon. Ils avaient fini ce fichu entraînement, ils avaient fait toutes les passes voulues, et Sandy avait pu marquer son but, c'était bon, c'était fini, voilà. Les deux joueurs étaient partis ranger les affaires. Wendy ne s'était pas énervée, elle était restée calme, polie, bien élevée. Sandy n'avait rien eu de plus à lui reprocher. Tout s'était bien passé.

Mais ils avaient à peine mis les pieds dans les vestiaires que le vice-capitaine des rouges en rajouta une couche.

Et Wendy explosa.

"Non mais c'est bon!" cria-t-elle comme une vélane en furie.

Y'en avait marre! Il pouvait pas lui lâcher la grape un peu? Il avait besoin de lui rappeler encore et encore ce qu'elle avait fait? Wendy avait contenu sa colère jusqu'au bout - mais là, c'en était trop, sa pensée avait réussi à s'échapper de ses lèvres, elle n'avait pas pu serrer les dents et ravaler sa rancoeur, c'était sorti - et maintenant que c'était sorti, elle ne s'arrêtait plus. Tant pis pour les points. Tant pis pour la politesse. Tant pis pour Poufsouffle. Tant pis pour les autres.

Wendy n'avait jamais été vraiment très gentille.

Elle s'était mise à crier, le visage déformé par la frustration et la fureur. Elle devait avoir l'air bien laide.

Elle n'était pas aimable.

"Qu'est-ce qu'il te faut de plus? Je t'ai dis que c'était bon! Je t'ai demandé pardon! Je recommencerai pas! Je suis pas l'un des délinquants de ton équipe, lâche-moi à la fin! Je vais pas te le casser, ton balai au rabais! J'ai jamais fait de bêtises, j'ai toujours été sage, et je dis rien, et t'as rien à redire, mais non, il faut toujours que tu cherches un truc, et quand tu trouves pas tu m'engueules, encore, et encore, ça va j'ai compris je suis pas débile!"

Wendy jeta violemment le balai par terre, avant de regarder Sandy, le visage rouge, les poings serrés, le regard plein de défi et les larmes aux yeux.  

"Puisque tu veux tellement m'engueuler, vas-y! Enlève des points à Poufsouffle ou je sais pas quoi! Traite-moi comme de la bombabouse! Défoule-toi! Dis-le puisque tu le penses! Wendy, elle est nulle! Elle se sert chez les autres! Elle sait pas se tenir! Elle joue comme un troll! Elle embête tout le monde, et, et! Vas-y, puisque t'attends que ça! Ca va te rendre si content, espèce de, espèce de!"

Elle n'en avait même pas vraiment après Sandy. Il ne faisait que recevoir toute la frustration qu'elle contenait tant bien que mal depuis le début de la journée, ou le début de la semaine, depuis trop longtemps, en fait. Mais maintenant qu'elle était lancée, Wendy allait jusqu'au bout.

"Espèce de connard!"

Jusqu'aux insultes. Tant pis pour lui! Wendy avait envie de pleurer. Elle était furieuse. Elle regardait le Gryffondor d'un air de défi. La jeune fille savait qu'elle venait de se tirer un cognard dans le pied, et elle n'en avait plus rien à faire maintenant.  

« La fermer ? »

Wendy était à la fois furieuse et complètement bouche bée. Mais pour qui est-ce qu'il se prenait ?

« Mais tu crois que je fais quoi, depuis le début ? Tu crois que j'avais pas compris dès la première fois ? Combien de fois je me suis excusée ? Combien de fois j'ai dit désolée ? J'ai rajouté quelque chose, ou je l'ai fermé et j'ai serré les dents ? Hein ? Ca fait depuis le début de l'entraînement que tu m'engueules en boucle pour la même chose ! C'est bon j'avais compris la première fois ! Je suis pas débile ! Je suis sûre que même les gros lourds de ton équipe ils sont pas aussi débiles que ça ! »

Non parce que ça commençait à devenir n'importe quoi, toute cette histoire. Wendy trouvait la situation très injuste, et elle était en colère. Elle était en colère contre elle-même, elle était en colère contre tout le monde, elle en avait assez qu'on lui marche sur les pieds, elle en avait assez qu'on la traite comme un punching-ball, des Serpentards qui s'amusaient à la martyriser aux Gryffondors qui venaient faire s'asseoir leur autorité sur sa face au moindre orteil de travers.

« Y'a un moment où faut admettre que t'es plus en train de punir une élève, et que t'es en train de te défouler sur elle, parce qu'elle peut rien te reprocher ! Mais je t'en prie, rajoutes-en une couche ! Tu mérites bien un douzième désolée ! »

Elle le savait bien, Wendy, qu'elle n'était pas parfaite. Elle faisait beaucoup d'erreurs, elle n'avait pas toujours beaucoup de courage, elle n'était pas toujours juste, et parfois c'était plus facile de se taire. Mais elle faisait des efforts. Elle essayait. Elle abandonnait pas. Et ça ne servait à rien, ce n'était jamais assez, comme pour le Quidditch, quoiqu'elle fasse Wendy n'arrivait jamais à être assez bien, assez douée, assez juste, assez contente d'elle-même.

Mais c'était vraiment très difficile de voir Sandy s'acharner sur elle comme ça. Il avait même pas l'air d'y faire attention. Pour lui c'était juste normal : Wendy avait fait une bêtise, et ça lui donnait le droit de la gronder encore et encore, sans jamais s'arrêter, sans jamais écouter ses excuses, parce que Wendy n'avait le droit de rien dire, et qu'elle ne disait rien. Sandy n'écoutait pas sa cadette. Sandy n'en avait rien à faire, et son indifférence était aussi violente que l'injustice de son comportement. Wendy ne s'aimait pas beaucoup, mais elle faisait tout pour y arriver. Sandy lui ne semblait même pas se rendre compte qu'elle existait. Elle était juste une élève qui avait fait une bêtise. Elle ne serait jamais rien d'autre à ses yeux. C'était pour ça qu'il la grondait en boucle.

« Alors vas-y ! Va déclarer ton vol ! Va déclarer tout ce que tu veux ! Va m'inventer des crimes ! » conclut-elle, les larmes aux yeux, hurlant aussi fort que possible pour atteindre Sandy qui la toisait de toute sa hauteur.  

Wendy défaisait ses protections de Quidditch et les jetait violemment par terre. « Même comme ça, tes vestiaires ils sont mieux rangés qu'avant ! Et puis tout est là ! Y'a rien de perdu ! Y'a rien de cassé ! Y'a même mes glaces en plus que vous pouvez tous vous farcir en vous disant que Wendy, c'est une pauvre conne ! »

Elle n'en pouvait plus. Quelque part, elle n'était même plus en train de crier sur Sandy. Elle ne le craignait pas vraiment. Pas comme Nanette ou tous les autres qui s'amusaient à lui faire du mal. Pas comme Wesley, ou Juliet, ou tous les Poufsouffles chers à son cœur, qu'elle décevrait forcément un jour. Sandy n'était pas son ami, et Sandy n'était pas vraiment dangereux. Juste injuste. Et il se prenait en pleine face toute la colère qu'elle avait accumulé sans rien dire.

« Traite-moi comme un délinquant ! Parce que hein, t'as vu ton équipe ! T'as vu tes vestiaires ! T'es aussi nul comme capitaine que comme être humain ! »

Elle avait des larmes qui lui coulaient le long de son visage, et une expression de rage et de fureur qui lui déformait ses traits.

Wendy regarda Sandy droit dans les yeux, les larmes perlant dans les siens. Mais pour qui se prenait-il, ce, ce babouin volant, cet énergumène, ce- mais elle sentait que ça ne servait à rien de continuer. Sandy ne l'écoutait même pas. Sandy se sentait fort, grand, sûr de son bon droit. Sandy n'en avait rien à faire de la traiter comme il le faisait. Il ne devait peut-être même pas comprendre d'où venait le problème.

On avait toujours traité Wendy comme ça, après tout.

Oh, pas forcément de façon aussi odieuse, aussi insultante. Mais on l'avait toujours un peu infantilisée – et c'était un peu sa faute, aussi, parce que Wendy se laissait faire, Wendy ne voulait pas déranger, alors c'était facile de passer outre tout ce qu'elle pouvait raconter, de lui imposer des décisions qu'elle acceptait avec le sourire, et c'était facile de ne pas vraiment l'écouter puisqu'elle était trop jeune pour avoir des vrais problèmes d'adulte. Ou quelque chose comme ça ? Quelque chose comme ça. Qui expliquait l'espèce de sentiment d'humiliation qui l'envahissait, et la conviction que cet instant de rébellion, c'était trop peu, trop tard. Elle s'attendait à moitié à une gifle et une punition de la part de Sandy.

Et elle eut la pichenette et les insultes. C'était pas une gifle mais c'était un peu pareil. Sandy ne la voyait pas comme une enfant mais comme un bébé. Wendy n'avait jamais su s'imposer, Wendy n'avait jamais su se faire entendre, et maintenant qu'elle avait essayé, presque pour la première fois de sa vie, la jeune fille n'avait rien réussi d'autre que se montrer puérile et pathétique. Wendy était dégoûtée d'elle-même.

Dégoûtée du capitaine, aussi. Et le dégoût se fit visible sur son visage.

Il valait pas mieux qu'elle.

« Tu fais un bien piètre capitaine d'équipe. Ce n'est pas étonnant que tu aies perdu ta place.  »

La colère de la jeune fille était partie, difficilement ravalée au fond d'elle-même, engloutie dans de la résignation, et la voix de Wendy s'était faite calme et posée. La Poufsouffle abandonnait la partie, quelque part ça n'en valait même pas la peine, il avait raison – elle était un bébé en train de faire un caprice. Et Sandy qui s'abaissait à se défouler sur les gens – il l'avait avoué lui-même – il était, il était, incapable de faire un bon capitaine comme ça, parce qu'il était incapable de faire attention aux autres, ce qui était un énorme défaut quand il fallait faire attention aux membres de son équipe. Il n'était qu'un petit coq prétentieux, il n'en valait pas la peine, et Wendy étouffa son dernier remous de colère en se retournant, et en partant, avec un goût d'amertume dans la bouche.

Puisque le Gryffondor l'avait congédiée, elle avait décidé de partir, sans rien lui dire de plus – il ne méritait pas même un au revoir de politesse. Et Wendy restait tout aussi dégoûtée d'elle-même qu'au début de la journée, marinant dans un sentiment d'inutilité et de frustration, et se blâmant maintenant d'être immature. Il n'y avait rien à sauver dans cette journée. Elle n'avait plus qu'une envie, c'était de digérer son aigreur et de retrouver Juliet ce soir, avec un peu plus de bonne humeur que maintenant.

HRP: