Galatea prit une moue boudeuse puisque Louis reprenait un ton de Monsieur-je-sais-tout, mais elle ne le bernerait pas, elle l'avait vu sourire, chose extrêmement étrange d'ailleurs parce qu'on aurait dit une autre personne quand il souriait. Elle essaya de ne pas trop y penser, ce qui était facile maintenant qu'il était repassé en mode "grumpy".

« Bah non, c'est tous des morveux en maternelle. Il y aaaa mon père mais il compte pas vraiment je pense... »

Enfin, bien sûr qu'il comptait, mais elle savait que c'était un amour familial plus qu'autre chose et que peu importe le nombre de futurs maris qu'elle aurait plus tard, il resterait le numéro 1.
Quand aux morveux, même si elle avait le même âge qu'eux, elle s'était toujours sentie plus mature, plus grande, plus ambitieuse... Même par rapport à Régis, qui le boudait maintenant qu'elle était plus grande que lui.

Galatea écouta attentivement, essayant d'avoir l'air le plus neutre possible, même si son coeur se serra légèrement. Il y a sept ans, il avait quel âge ? Sept ans ? C'était vers cet âge là que Darcy était partie du jour au lendemain, le jour de l'anniversaire de Myrddin, en ne laissant derrière elle qu'une note pour dire qu'elle ne revenait jamais et que le gâteau était dans le frigo. Au moins, elle n'était pas morte — mais honnêtement, Galatea aurait préféré. Ça lui aurait au moins donné une bonne excuse pour les avoir abandonnés.
Elle se demandait qui diable était McField, et s'imaginait tout de suite un fermier blond en salopette bleue et chemise rouge à carreau en train de déplacer du foin avec une fourche, brin de blé à la bouche et une barbe de trois jours avec un chapeau de cow-boy. Allez savoir d'où venait cette image.

Le journal aussi lui revint en mémoire, elle se souvenait que le titre était déprimant. Quelque chose à propos d'une explosion... Elle ne put s'empêcher de grimacer et eut une envie très bizarre. Doucement, très doucement, elle prit une grande inspiration et tapota maladroitement le dos de Louis, dans un geste qu'elle voulait réconfortant mais surtout gênant et maladroit, comme s'il était un pauvre petit animal blessé. Elle se sentait tellement ridicule qu'elle pouvait sentir ses joues rougir d'embarras, ce qui était encore plus ridicule avec sa mine boudeuse et le fait qu'elle regardait partout sauf droit dans ses yeux.

« Pour ce que ça vaut, je suis désolée. »

Et c'était sincère cette fois, par ironique comme quand il croisait son regard après qu'elle l'air poussé des les escaliers. Si on lui avait dit qu'un jour, elle jouerait les confidentes pour Louis, elle aurait empaillée cette personne et s'en serait servi comme épouvantail dans le jardin.
Et évidemment, Louis était forcé de dire quelque chose qui rendait la situation encore plus gênante. Elle s'éclaircit la gorge en essayant de se concentrer sur l'essentiel.

« J'aime le monde moldu, mais j'aime le monde magique aussi. C'était qu'un accident, pour ton frère. Comme il en arrive tant chez les moldus aussi. Mais tu rates plein de choses. Je veux dire... Je sais pas, tu trouves pas ça cool d'écrire en lettres de feu dans les airs ? Ou faire apparaître des étoiles n'importe où ? D'animer une armure pour qu'elle attaque quelqu'un ou faire léviter une personne sur commande ? »

Ses exemples devenaient de moins en moins mignon, mais si Galatea pouvait être qualifiée de mignonne, ça se saurait. Très sérieusement.

Galatea fronça les sourcils à ce qu'il venait de dire, sentant toutes couleurs embarrassantes quitter son visage. Déjà, personne ne la traitait de débile, et ensuite personne ne remettait en question qu'elle était bien la fille de son papa. Alors c'était comme ça ? Elle essayait d'être gentille, d'être compréhensive avec lui, et tout ce que ce crétin trouvait à faire c'était de la traiter d'imbécile !

Elle n'écouta même pas ses excuses qu'elle changea ses doux tapotements maladroits pour une énorme claque dans le dos qui lui fit même mal à elle-même avec la force qu'elle y a mis, si fort que le bruit résonna dans la petite cour. Mais bien sûr, elle avait trop de fierté pour montrer qu'elle avait mal à la main, même si elle avait l'impression qu'elle avait doublé de volume comme dans les dessins animés.

« T'es vraiment trop débile ! C'est comme ça que tu me remercies ?! C'est ça, excuse-toi, j'en ai rien à faire, t'es vraiment trop nul ! »

Et déjà la fille aux cheveux rouges se levait et s'en allait en retournant à l'intérieur à pas furieux, se flagellant mentalement pour ne pas avoir fait ça plus tôt au lieu de chercher à calmer sa curiosité et à suivre son premier instinct plutôt que d'essayer de faire sa bonne action du jour.

« Tu peux toujours courir ! Je veux pas m'asseoir à côté de toi, dégage ! Je préfère encore la mégère à toi, au moins elle me dégoûte pas ! Et pour reprendre tes mots, "m'approche pas" et "tire-toi" !  »

Et c'est pratiquement en courant que Galatea retourna dans la salle de théâtre, un peu embêtée parce qu'en poussant la porte battante, la pièce avait déjà commencé. Elle ne voulait pas retourner à sa place, mais elle se souvenait d'à peu près où était son père, et elle descendit les escaliers pour le rejoindre. Elle avait besoin de se plaindre, sinon elle aurait le cerveau tout bouillonnant pendant toute la pièce et elle serait incapable de se concentrer. Oh, il ne lui en faudrait pas beaucoup pour se calmer si c'était son papa qui s'en chargeait. Deux trois patpat sur la tête avec des mots réconfortants et ça irait sûrement.  

Et Louis ? Pffff. Qu'est-ce qu'elle s'en fichait maintenant. Il pouvait sauter sur la scène en lui déclarant son amour à la place du personnage principal qu'elle ne cillerait même pas.

Galatea profita d'être debout pour essayer de repérer le Prince Solus de là où elle était. Grand comme il l'est, ça ne devrait pas être compliqué si ? Et pourtant elle ne le voyait pas. Etrange, était-il déjà parti ? C'était peut-être parce qu'il faisait sombre ou que le spectacle était vraiment mauvais... Tant pis, son attention se reporta rapidement vers le premier rang, lorsqu'elle sentit quelqu'un la retenir. Elle se retourna et soupira lourdement quand elle reconnu Louis, sifflant entre ses dents.

« Mais c'est pas vrai, t'es encore plus collant qu'un chewing-gum dans les cheveux de Jaromir...», et elle ne disait pas ça parce qu'elle avait déjà essayé sous une idée de Jacobina, évidemment. « Qu'est-ce qu'il y a encore ?! »

C'est qu'elle avait suffisamment perdu son temps avec lui, à l'écouter déblatérer sans être capable de tenir son rôle du faux amoureux transit pendant 5 minutes d'affilées ! Si ça se trouve, il avait peut-être menti sur toute la ligne pour essayer de l'attendrir. Peut-être qu'en fait il n'avait pas de grand frère, que ce McField n'existait pas, qu'il n'était pas du tout différent quand il était chez les moldus.
Parce qu'il en serait tout à fait capable n'est-ce pas ? Louis serait le genre de personne capable de prétendre être amoureux de quelqu'un juste pour se moquer de cette personne après. C'était une attitude de Serpentard, elle-même l'aurait fait si elle était certaine que ça marcherait.

Pourquoi est-ce qu'il ne lui fichait pas la paix à la fin ? D'accord, elle l'embêtait tout le temps, mais c'était quand même pas la seule, il en avait forcément plusieurs des némésis ! Et c'était quoi sa manie de toujours essayer de la toucher aujourd'hui ? Il en avait pas marre ? Il était du genre collant comme petit ami ? Alors ça, non merci. Galatea voulait un homme fort, un homme indépendant, un homme qui sait ce qu'il veut mais quand même capable d'affection pour ceux qui compte réellement, et de ce qu'elle avait pu voir ce soir, Louis n'avait aucune de ces qualités.

Et pourtant, sa déclaration fit mouche. Comme un coup de tonnerre en plein mois de Juillet, un coup de feu dans une rue bondée, un élève changé en théière, un invité qui criait "Je m'y oppose !" lors d'un mariage...
Non mais sérieusement, il venait de la demander en mariage là ?!
Parce que c'était à ça qu'elle servait, sa liste. Enfin l'une d'entre elle. Noter le nom de ses futurs maris et toutes les informations qu'elle pouvait trouver à leur propos. Ce que Louis semblait ignorer, c'est qu'il était déjà sur sa liste.
La liste des gens à tuer.
Ennemi numéro 1.
Louis O'Connor.

La pénombre de la pièce lui permettait au moins de se cacher du fait qu'elle avait progressivement viré au blanc fantôme puis au rouge pivoine, et c'est qu'il commençait à faire chaud dans cette salle. En arrière-plan, un long discours tortueux de l'amoureux transi car son père refuse qu'il épouse une vélane, avec son statue de sang-pur. Une ambiance qui ne l'aidait vraiment pas à réfléchir.
Finalement, Galatea prit une grande inspiration.

« Non. »

Court, efficace, ravageur. La petite ne voyait pas pourquoi elle lui donnerait une chance, il n'avait pas d'ambition, du moins aucune dans le monde magique, et de ce qu'elle en savait, aucune dans le monde moldu non plus. Il avait beau être plus grand qu'elle, Louis restait immature, capricieux, insolent et peut-être menteur qui plus est.

« Ecoute, je sais pas à quoi tu joues mais ça m'amuse pas du tout. J'en ai marre que tu passes du coq à l'âne, ça te rend juste encore moins crédible. Si tu tiens vraiment à faire parti de cette liste, prouve-le, et mieux que ça parce que jusque là... T'es bien dans ma liste, mais toujours pas la bonne. »

Pfiouh, voilà, on aurait pu voir de la fumée s'échapper de son crâne maintenant qu'elle avait mis les points sur les "i", et que Wolfgang, le personnage principal, quittait le manoir familial pour rejoindre Marguerite. Elle ne pensait pas avoir été très dure, ni trop gentille, juste claire et concise, en espérant que ça suffirait à le faire lâcher prise et le décourager.

Galatea ne réagit même pas quand il l'insulta cette fois-ci. Oui elle était odieuse, parce qu'elle cherchait à l'être, comme elle l'a toujours été avec Louis, c'était comme ça que ça fonctionnait. C'est lui qui était injuste, à vouloir perturber l'équilibre, à compliquer les choses avec des sentiments, à la troubler et à dire des choses qui n'avaient plus aucun sens.

Ce qu'elle ne supportait pas en revanche, c'est qu'il lui dise qu'elle était superficielle. Elle se sentait virer cramoisie à nouveau, parce que pour la première fois depuis toute ses minables tentatives, pour la premières fois en presque deux ans, Louis venait de lui faire mal.
Il aurait pu lui donner une gifle, un coup de poing dans l'estomac, l'effet aurait été le même. Elle eut un goût de bile dans la bouche et sa gorge se serra. Elle ne serait jamais seule, jamais jamais. Elle aurait toujours des gens sur qui compter. Elle faisait attention maintenant, ça n'arriverait plus jamais, plus à elle ni aux gens qu'elle aimait.

Au moins cette fois-ci, Louis montrait à nouveau son vrai visage, et elle n'avait plus à ressentir de culpabilité pour lui.

« Qu'est-ce que tu crois ? Que je le sais pas ? Pourquoi tu penses que j'essaye de me faire remarquer ? Parce que ça m'amuse ? »

Elle dégagea encore une fois son poignet de son emprise, sèchement, et releva le menton.

« J'en ai rien à faire s'ils tombent pas amoureux de moi. Ça n'a pas d'importance, je veux juste le mariage, avoir des gens sur qui compter, des gens qui me lâcheront pas. C'est quoi l'amour, hein ? Ça vient et ça part. Même les gens que tu connais très bien peuvent te trahir au moment où tu t'y attends le moins. Cette liste, c'est pas une liste d'amoureux, c'est une liste de gens influents qui peuvent me servir plus tard. »

Galatea sortit le petit carnet de sa poche, ainsi qu'un stylo, ouvrant une page au hasard puisque ça n'avait pas d'important, elle la déchirerait sans doute plus tard.

« Mais si tu y tiens tant, je peux ajouter ton nom à cette liste. Louis... O'Connor...  », commença-t-elle à griffonner grossièrement, puique la pénombre n'aidait pas. « Âge... 14 ans physiquement, la moitié mentalement. Signe astrologique... J'en sais rien. Occupation, élève à Serpentard, victime de la maison...  »

En fait, elle arrêta d'écrire pour juste faire des gribouillis rageur sur le carnet et le referma, voilà, au moins ça c'était fait, il allait arrêter de se plaindre.

« Quant à quoi tu me serviras plus tard, j'en sais rien. A toi de me le dire. Tu vas faire quoi ? Me promettre que tu me laisseras jamais seule ? Que tu me quitteras pas du jour au lendemain sans rien dire ? Bah permets-moi d'en douter, tu vois. Tu... Tu agissais normalement y a pas si longtemps et tout à coup tu prétends que t'es amoureux de moi. Qu'est-ce qui me fait croire que tu vas pas arrêter aussi vite que ça t'es venu, hein ?! Comment tu peux me demander de te faire confiance et de te laisser une chance alors je veux pas de ça ? Je veux pas d'amoureux. Je veux pas être amoureuse. C'est pas juste toi, c'est toute la galaxie. L'amour ça craint, okay ? C'est peut-être beau au début et ensuite ça te tue quand ça va plus. Et d'entre tous c'est toi, toi qui me demande de te faire confiance ? »

Sa voix trembla au fur et à mesure, elle avait parler à voix basse pour ne pas déranger plus qu'ils ne le faisaient déjà mais elle aussi, elle avait sentie la colère monter en elle, elle aussi, elle avait sentie la tristesse brouiller sa vue et serrer sa gorge, elle aussi avait les yeux rouges.

L'amour ça craint.
Elle en voulait pas.

Galatea hoqueta quand il lui arracha le carnet des mains et s'indigna quand il en déchira les pages. Mais il allait pas bien !! C'était des mois et des mois de recherche tout ça ! Et il les déchirait comme s'il s'agissait de papier journal à balancer dans la cheminée ! Elle s'empressa de s'accroupir pour ramasser tout ça, tenter de sauver les pages qu'il restait et récupérer son carnet sous les regards ahuris, indignés et réprobateurs des personnes en bout de rangée. La salle commençait à s'agiter d'ailleurs, beaucoup de gens sortaient, se mettaient à pleurer ou autre.

Elle avait l'air si misérable maintenant, à ramasser des pages toutes froissées et en morceaux pour certaines. Avec du scotch, peut-être que ça passerait... Ce n'était peut-être qu'un carnet pour les autres mais c'était tellement d'informations qu'elle avait réunie après tant de recherches et il venait juste de déchirer tout ça, par... par haine, il n'y avait pas d'autres mots.

Et pourtant Galatea ne se sentit réellement perdre le contrôle quand il parla de sa mère. La petite vit rouge à ce moment-là et des souvenirs ressurgirent, une colère sourde allant crescendo sembla comme faire bouillir son sang, ne faisant qu'accentuer l'espèce de lame acérée qu'elle sentait en train de crever son coeur.

Galatea se redressa en regardant Louis avec autant de rage qu'elle puisse en avoir et utilisa le carnet qu'il venait de jeter à terre pour le gifler.
Et elle ne s'arrêta pas là, elle continua de le frapper avec comme une hystérique, parce qu'il l'avait provoquée, il l'avait cherchée, s'il prétendait vouloir son bien pourquoi est-ce qu'il lui faisait aussi mal ? Les pauvres pages s'envolaient en cédant sous la force des coups.

« La ferme la ferme LA FERME ! Tais-toi !! Je veux plus t'entendre !! Tu m'énerves ! Casse-toi et fiche-moi la paix, je veux plus te voir ! Je veux plus t'entendre, DÉGAGE ! »

Elle lui balança le carnet de toute ses forces en visant son visage et dévala les escaliers vers le premier rang. Cette fois-ci, il ne l'arrêterait pas. Et qu'il essaye un peu, elle n'hésitera pas à utiliser sa baguette cette fois, même si elle n'avait pas le droit. Elle essuya ses larmes de colère d'un geste rageur et ne se retourna pas, ne s'excuse même pas. Jamais.