A la base, Garfield avait imaginé qu’il passerait sa dernière nuit à Poudlard avec ses potes. Il avait songé à militer pour une soirée pyjama dans la salle commune, mais ça aurait exclu les gens d’autres maisons et de l’extérieur qu’il avait envie de croiser à la fête. Au pire, il aurait invité Kalev, ou Jared, ou Summer, ou une fille mignonne sans arrière pensée. Ça, évidemment, c’était l’idée de départ, même si la case fille mignonne était définitivement cochée.

Il avait passé un certain temps à entretenir l’amour éternel entre son front et le mur de son dortoir, entrecoupé de questions existentielles telles que ‘comment complimenter une vélane sans avoir l’air d’énoncer l’évidence’ ou encore ‘pourquoi moi’. Est-ce qu’il y avait une étiquette particulière à respecter avec les créatures ? Pourquoi avait-il prêté plus d’attention aux dragons qu’aux vélanes en Soins aux Créatures Magiques ? Il aurait bien demandé à Summer mais il n’avait pas envie d’être ridicule et il se méfiait un peu. Il n’avait pas encore compris pourquoi Summer était à Serpentard, mais il n’avait pas envie de découvrir que c’était dû à une tendance à raconter n’importe quoi juste pour rire. A ce stade, on lui aurait dit que se tartiner de beurre de cacahuètes immunisait au charme vélane, il l’aurait fait.

Ayant contemplé l’idée d’annuler, puis renoncé devant la possibilité d’une boule de feu, il s’était retrouvé à essayer de choisir des vêtements. Au final, il avait ressorti la tenue de l’année passée, une valeur sûre ; peut-être que s’il croisait Elise ça la ferait même sourire, puisque c’était elle qui l’avait faite en cours de métamorphose.

Le truc marrant, c’était que Garfield n’avait jamais été aussi nerveux, même quand il s’était rendu à la soirée avec un crush, même quand il s’était retrouvé avec Jared dans le pays du Lama. Jusqu’à preuve du contraire, les crushs et les lamas ne carbonisaient pas les gens. Il avait quitté des yeux son reflet dans le miroir après une bonne demi-heure à essayer de se rappeler du sort pour faire disparaître un bouton d’acné né du mariage entre stress avéré et une espèce de mélange d’émotions confuses qu’il n’avait absolument aucune envie d’analyser. Il avait été sauvé de justesse par Super Wesley, maman officielle des septième année de Poufsouffle, et il aurait peut-être préféré ne pas l’être. Au moins, il aurait eu une excuse.

Le Fifi s’était donc retrouvé à attendre gentiment à l’orée de la forêt, le dos très raide dans son costume bleu Serdaigle et les mains triturant vaguement le sachet contenant l’espèce de bracelet fleuri qu’il était apparemment de coutume d’offrir dans ce genre de situations - ou peut-être pas, en fait, il n’avait pas invité une étudiante, qu’est-ce qu’il en savait ? Où était Google quand on avait besoin de lui ? Au moins, il avait reçu un conseil de sa soeur, et les fleurs changeraient de couleur en fonction de la robe de sa cavalière ; c’était un excellent moyen de ne surtout pas prendre contact avant la date fatidique.

Après tout, peut-être qu’elle ne viendrait pas, et qu’il pourrait se rouler dans sa lâcheté avec délice. Peut-être qu’il pourrait juste faire disparaître le machin inutile et se caler dans la file pour se voir attribuer un partenaire. Quelque chose lui disait pourtant que ce ne serait pas si facile.

Daisy n'était décidément pas du tout dans le même esprit que son cavalier. Elle s'était levée tôt, fraîche et pimpante, et alla préparer le petit-déjeuner pour Amadeus, puisqu'il avait eut le droit de sortir de l'hôpital mais avait toujours l'obligation de rester au lit. Une tasse de tisane avec du miel et du citron, des tartines beurrés avec un peu de confiture, un petit bol de fruits frais et voilà. Elle avait tenté de suivre ce que le médicomage avait dit quant aux produits à éviter quand on était malade, c'est qu'elle voulait qu'il guérisse vite, parce qu'il semblait montrer étonnement beaucoup d'aplomb à vouloir retourner au travail pour une raison qui lui échappait. Ceci dit étant donné que le médicomage avait souligné le fait que ça serait une très mauvaise idée de laisser un barbier fiévreux faire son travail, Amadeus fut bien obligé de laisser tomber.

Ce qui était plutôt mignon, c'est qu'avec la fièvre, il disait un peu de tout et n'importe quoi, comme le fait que c'était agréable qu'elle le dorlote ainsi ou qu'elle était jolie, avant de s'endormir comme une masse. Elle le borda gentiment avant de tout nettoyer et de commencer la partie la plus compliqué de la journée, à savoir choisir ses vêtements. Et après avoir passé un long moment à tenter d'extirper la robe parfaite. Quand elle fut enfin satisfaite, elle laissa tomber l'étape maquillage puisqu'elle était définitivement trop nulle pour ça, mais elle coiffa ses cheveux pour qu'ils soient joliment bouclés et brillants à coup de potions magiques.

Un autre problème qui se posa, c'est qu'elle ne savait pas transplaner, et donc c'était légèrement compliqué de se rendre à Poudlard, heureusement qu'ils avaient préparé un portoloin quand même prévu à cet effet. C'est donc avec une robe rouge framboise — pour faire honneur à la maison d'Amadeus — et des petits talons assortis que Daisy rejoignit Garfield à l'orée de la forêt, avec un air émerveillé.

« Aaah ! Je suis contente de voir que tu sois venu ! Et tu es tout beau en plus, ça me fait vraiment plaisir ! »

Il en fallait peu pour lui faire plaisir, mais il fallait dire que se retrouver à festoyer au milieu d'un forêt, ça lui rappelait sa bulgarie natale, sauf que c'était loin de ressembler à la cérémonie de la purge, ce qui était tant mieux. Les fées, les lutins, les farfadets, les licornes, tout ça était fabuleux et ne manquaient pas de lui donner des paillettes pleins les yeux.

« Alors ! Qu'est-ce qu'on fait d'habitude pendant un bal de fin d'année ? »

Elle n'avait jamais assisté à un évènement comme ça auparavant, alors elle comptait sur Garfield pour tout lui dire, parce qu'il avait sûrement déjà participé de nombreuses fois à ce genre d'évènement n'est-ce pas ?

Les espoirs de Garfield avaient été vains, et il lui sembla que ses cordes vocales s’étaient atrophiées pendant les dernières minutes. Il essaya de parler, produisit un bruit de chaton étranglé et dût se racler la gorge avant de réessayer.

- Merci... Vous êtes, euh...

Encore une fois, comment pouvait-on complimenter une vélane sans recevoir un badge Captain Obvious ? Il s’efforça de se détendre et de sourire.

- Vous êtes vraiment très belle.

C’était plutôt neutre, en fait, maintenant qu’il y réfléchissait. On pouvait le voir comme tout à fait normal, une qualité propre à sa cavalière sans que ce soit creepy. Peut-être. Garfield espérait très fort. Il tira sur sa veste d’un geste un peu mal à l’aise, pas vraiment habitué à ce genre de tenues - il portait d’ailleurs des converses, même s’il les avait nettoyées soigneusement et colorées dans le même bleu que son costume, il s’améliorait un peu. Il tendit le sachet à Daisy, ne songeant pas qu’il devrait peut-être sortir les fleurs plutôt que de les balancer comme ça ; on ne peut pas tout avoir.

- C’est pour vous.

Il avait encore l’impression de parler comme un télégraphe et il espérait vraiment que ça passera, de préférence rapidement. Au moins, ça lui libérait les mains, même si ça voulait dire chipoter avec le bord de ses manches. Il regarda aux alentours, clairement moins impressionné que la vélane. Entre Poudlard et les jeux vidéos, il était un peu blasé. Il lui jeta tout de même un coup d’oeil en coin.

- On...

Espère que la soirée ne se transforme pas en catastrophe. Qu’il n’y ait pas de lamas et pas de morts. Il se racla la gorge, encore, et lui offrit son bras parce qu’il avait vu ça dans des films et qu’il était - relativement - bien élevé.

- J’ai réussi mon année, donc ça veut dire qu’on peut trinquer. Si vous voulez. Ou on peut juste regarder les, euh. Activités.

Elle se fichait probablement de cette information, mais il était plutôt fier ; il avait toujours cru qu’il se planterait magistralement à un moment ou un autre, et puis non.

La vélane était bien loin de se douter du malaise de son cavalier, pourtant assez évident, pas qu'elle s'en fichait mais il y avait du bonbon pour les yeux un peu partout dans cette forêt et son excitation prenait le dessus sur l'état des autres personnes autour d'elle.
D'ailleurs, le compliment de Garfield effaçait un peu plus le reste du monde et elle lui fit un sourire rayonnant, parce que c'était toujours aussi plaisant d'entendre qu'elle était belle.

« Comme tu es A-DO-RABLE ! Merci beaucoup, ça me fait toujours plaisir, plus que les gens qui trouvent que je ne fais que tricher en tout cas. »

Mais ces gens-là, elle les oubliait rapidement, la jalousie était un vilain défaut et être en colère donnait des rides, ça ne servait à rien d'être triste à cause de méchancetés gratuites et injustifiées. Elle n'avait jamais détesté être vélane, et elle ne savait pas ce que ça ferait de ne pas l'être — bon, hormis peut-être le côté pratique de ne pas avoir à se transformer en hideuse créature après un excès de colère, mais ça n'était quand même pas sa faute si elle était née ainsi et qu'elle aimait être jolie.

Daisy avait déjà dis à Garfield qu'il était tout beau, mais elle le regarda à nouveau de la tête aux pieds et épousseta un peu ses épaules, déjà couvertes d'une fine pellicule de poussières de fées. Elle eut l'air surprise en regardant la pochette et s'apprêtait à la prendre mais se retint au dernier moment, l'air hésitante.

« C'est très gentil et j'aime beaucoup les fleurs, mais je ne sais pas si je peux vraiment accepter... La dernière fois qu'on m'a offert des fleurs, ça a fait toute une histoire. »

Principalement parce qu'elle n'avait pas vraiment compris le message quand on lui en avait offert et qu'Amadeus n'avait pas été particulièrement content non plus, bien qu'il l'ait exprimé assez timidement, et comme c'était rare qu'il montre un tant soi peu de jalousie, Daisy avait juré de ne plus accepter de fleurs d'un autre homme. C'était peut-être un peu extrême mais au moins pas de risque de le rendre malheureux. Bien sûr elle savait que Garfield n'avait pas d'idées derrière la tête et elle en avait parlé à son mari avant, mais juste par sûreté, peut-être qu'elle ne devrait pas les prendre. En plus, elles étaient enfermées dans un sachet, c'était triste, pauvres fleurs.

Daisy prit quand même le bras de Garfield et hocha la tête, trinquer, elle pouvait faire, elle ne buvait pas d'alcool mais de toute façon la plupart de ces gens étaient mineurs alors il parlait sûrement de punch ou de limonade n'est-ce pas ?

« Regarder quel genre d'activités ? Il va y avoir un autre tournoi de duel ? Tu vas participer ? Ou alors vous allez faire une démonstration de vos talents tour à tour ? Oooh j'adore les spectacles ! »

Garfield eut un discret soupir de soulagement, puisque son compliment était bien pris. Au moins, il était plus ou moins au courant des jalousies, avec le nombre de fois où il avait levé la voix pour qu’on fiche la paix à Summer, qu’il soit présent ou non, et il avait fini par capter que ce n’était pas de la faute des vélanes si elles étaient comme ça. Lui, ce n’était pas de sa faute s’il se faisait mal tout le temps, et il avait appris à en rire ; attirer les regards tout le temps devait être un peu pareil, dans le sens où s’en offusquer serait trop fatiguant. Il haussa juste les épaules, n’ayant pas grand chose à ajouter.

Il ne s’attendait pas au vrai faux pas, et il passa une main dans ses cheveux pour se donner une contenance.

- C’est pas vraiment des fleurs. Enfin, c’est pas comme si je vous offrais des euh, vraies fleurs, bouquet, tout ça, c’est pas un rencard. C’est juste une stupide coutume d’école, si vous regardez beaucoup de filles ont ça. Enfin je sais que vous êtes mariée, c’est pas... Voilà.

Ouais, non, il n’allait pas s’embarquer sur ce terrain-là. Il n’avait absolument aucune envie d’expliquer que ses intentions étaient amicales - si tant est qu’un esclave puisse être un ami - parce qu’il avait remarqué que clamer haut et fort qu’on n’est qu’amis était le meilleur moyen soit de cacher un déni, soit de passer pour le connard du coin. Il allait juste le montrer et se tenir correctement et ce serait très bien.

Il soupira ; tout ça était beaucoup trop compliqué et il devrait juste se taire, malheureusement sa cavalière n’avait pas l’air de saisir le concept. Il décida de la laisser choisir quoi boire, ce serait plus sûr, et surtout de ne pas ronchonner devant l’absence de soda - certaines choses ne changeaient jamais. Au moins, il pouvait garder les yeux sur la table couverte de verres pleins plutôt que de regarder Daisy.

- Euh... Je ne crois pas.

Qu’est-ce qu’il y avait aux alentours, à part la piste de danse qu’il-ne-fallait-pas-mentionner ? Une autre occasion de regarder ailleurs.

- Il y a les licornes, et euh... Les sombrals... Des stands ? Je sais pas trop, on n’est jamais prévenus à l’avance. On dirait qu’ils font de la divination et il y aaa... de la musique......

Elle le rendait nerveux, la musique.

Il n'en fallut pas beaucoup plus à Daisy pour qu'elle change d'avis ; de toute façon Garfield était trop jeune pour elle — en tout cas à ses yeux, et ça se remarquait assez facilement quand un garçon la regardait un peu trop. Ce n'était pas du tout son cas, ce qui est plutôt agréable en réalité, de pouvoir discuter et passer un bon moment avec quelqu'un du sexe opposé sans qu'il se fasse de mauvaises idées.

« Dans ce cas, c'est d'accord ! Je n'ai jamais vu ça auparavant en fait, donc je ne connais pas vraiment le concept... »

Elle se décida enfin à prendre le petit paquet et à en sortir l'espèce de bracelet pour se l'attacher au poignet. La décoration vira du blanc au même rouge que sa robe, ce qui ne manquait pas de l'émerveiller. Elle avait beau vivre dans le monde sorcier, elle avait passé la majeure partie de sa vie dans une forêt uniquement remplie de vélanes, la magie des sorciers l'impressionnait toujours.

« Si seulement ça pouvait marcher avec des escarpins ou des sacs à main aussi... Tu ne crois pas que ça serait tellement pratique si tous les accessoires pouvaient changer de couleur en fonction de la tenue ? Enfin, je sais que vous les sorciers vous pouvez facilement changer la couleur d'un vêtement quand ça vous convient mais pour nous... »

La vélane afficha une moue légèrement boudeuse. Par "nous", elle sous-entendait les créatures, plus particulièrement celles qui ne pouvaient pas pratique la magie. Londres commençait doucement à accueillir de plus en plus de gens comme eux et les marchandises s'adaptaient petit à petit, ce qui était une bonne chose au moins.

Elle hoqueta avec des étoiles pleins les yeux quand il parla de stand et tira plus fort sur le bras du pauvre Garfield, contenant mal son excitation.

« Un stand de divination tu dis ? Où ça ? Où ça ?? Tu sais là où j'habitais avant on faisait de la divination aussi... Enfin ce n'est pas exactement pareil, nous on le faisait avec du café très corsé. Ensuite on retournait la tasse et on regardait les dessins laissés par les traces de café. D'ailleurs, tu savais que la tradition veut que quand un homme demande une vélane en mariage, la fiancée doit préparer un café avec des ingrédients saugrenus qu'il va devoir avaler ? Hahaha, mon pauvre Amadeus, j'y ai mis des racines de mandragores, du gingembre, du jus de canneberge, de la cannelle, du piment d'espelette et du persil avec quelques gouttes de tabasco. Et il a quand même tout bu ! C'est fou non ? »

Être dans une forêt semblait la rendre à la fois nostalgique et de bonne humeur, ce qui était toujours mieux pour la vie de son cavalier que si elle s'était mise en colère après tout.

Garfield se passa une main dans les cheveux une deuxième fois, trop nerveux pour se rappeler qu’il était sensé faire attention à ne pas ressembler à un épouvantail.

Il eut un petit rire à peine forcé alors qu’il saisissait un verre de jus de citrouille pétillant.

- Il suffit de trouver un sorcier doué et de lui faire inventer ça, si ça marche sur des fleurs. Vous n’auriez pas de mal à convaincre quelqu’un.

Il s’en fichait un peu, en fait, et il se pensait totalement incapable de faire ça. Il l’était probablement, puisqu’il parvenait surtout à réussir les sorts véritablement utiles à ses yeux, et il avait une unique paire de baskets qu’il nettoyait à l’occasion du bal annuel. Il faudrait que quelqu’un le tracte à celui de l’année suivante pour éviter un désastre boueux, sauf si Kalev était une fée du logis acharnée au point de se pencher sur les chaussures.

Stabilisant de justesse son verre lorsqu’elle tira sur son bras, il se laissa emmener avec de grands yeux surpris. Il avait un peu de mal à intégrer ce qu’elle disait.

- Euh. Là.

Il désigna l’endroit de quelques doigts décollés de sa flûte, songeant vaguement qu’il allait retenir ça et ne jamais demander une vélane en mariage. C’était juste bon pour un désastre, si elles étaient toutes aussi matures que l’une et demi qu’il connaissait, avec la manière dont il résistait à leur charme ; il se demanda si le mari de Daisy était un genre de legilimens surpuissant, pour garder un ménage à flots sans succomber à tous les caprices de madame.

- Votre, euh, mari, il fait quoi dans la vie ? Enfin, vous avez l’air euh. Trèèès. Amoureuse. Il a l’air. Cool. Et d’avoir un oesophage en acier trempé.

Et il était probablement ignifugé. Est-ce que c’était un compliment, d’être très amoureux, outre la manière complètement stupide dont il le formulait ? Il commençait sérieusement à en douter vu son propre désastre sentimental ambulant, mais elle avait l’air d’avoir envie d’en parler. Au moins, ça tiendrait le temps qu’ils fassent la file devant ce stand stupide. La divination n’avait jamais réussi qu’à lui dire qu’il allait se blesser, et il ne fallait pas être prophète pour savoir que ça arrivait toujours à un moment ou un autre.

Daisy secoua la tête, ce n'était pas si simple, ou alors peut-être qu'elle pourrait demander de l'aide au Prince Solus, après tout, s'il pouvait user de son influence pour avoir de meilleurs vêtements — car elle ne doutait pas qu'il apprécierait des vêtements ou accessoires qui puissent s'accorder avec à la fois sa couleur de peau et ses cheveux, ce qui était vraiment un challenge de tous les jours, rien que pour ça, elle l'admirait.

« Je suppose que je peux demander au Prince Solus pour ce genre de chose... Tu l'as vu dernièrement ? Ses vêtements sont majestueux n'est-ce pas ? C'est parce que c'est moi qui les ait fait. Eh oui, je taille des vêtements pour un prince, est-ce que ça n'est pas un privilège ? »

Quand elle disait travailler pour Solus, les gens ne semblaient pas la comprendre et la prenaient surtout en pitié, d'autant plus qu'elle se faisait "payer" en bocaux de bonbons ou autres sucreries du genre et non en gallions. Ça ne la dérangeait pas outre mesure, puisqu'elle n'avait pas vraiment besoin de travailler, elle faisait ça pour le plaisir et la gloire de voir ses créations sur une personnalité importante.

En faisant la queue pour le stand, alors que quelqu'un passait en proposant des boissons, Daisy se saisit d'une coupe de boisson pétillante rosée, et après avoir vérifié à l'odeur que ça n'était pas de l'alcool, elle sirota sa boisson tout en attendant son tour dans la file. Elle sourit encore plus quand il demanda des informations sur son mari.

« Il est barbier, je t'aurai bien conseillé ses services mais tu n'as pas l'air d'en avoir besoin ! », dit-elle en lui tapotant la joue. « Et bien sûr que je suis amoureuse voyons, notre rencontre est la plus romantique qui soit ! Je me promenais par hasard vers l'endroit où il avait décidé de faire de la randonnée et ce fut le coup de foudre immédiat, pour lui comme pour moi, et quelques mois plus tard, hop, on s'est marié ! »

C'était bien comme ça que ça fonctionnait les contes de fée non ? Un prince, une princesse, ils se marient, elle va habiter chez lui et ils vécurent heureux. Evidemment elle avait peut-être légèrement embellie l'histoire mais, c'était plus intéressant comme ça voyons.

En fait, Garfield n’était pas sûr d’avoir vu le Prince Solus en vrai de toute sa vie. Il avait bien eu le privilège d’assister au Bumblebee Day de l’année précédente et de voir la décoration à son effigie, mais il s’était retrouvé plutôt vite au pays du diable - en plus, il lui avait semblé que les êtres de l’eau portaient plus des pagnes qu’autre chose. Néanmoins, il lui semblait que l’honnêteté n’était pas la meilleure méthode ici. Certes, il essayait de ne plus mentir, mais même s’il avait eu les créations de Daisy sous le nez il se serait extasié pour ne pas se faire rôtir alors il pouvait bien feindre de les avoir aperçues. Il prit une gorgée de sa boisson.

- Oh, c’est de vous ? Je me demandais. Ça ne doit pas être simple. On avait eu un cours de métamorphose l’année passée où il fallait créer des vêtements, même avec la magie ce n’était pas évident.

Est-ce que c’était grossier de lui rappeler qu’elle ne pouvait pas faire de magie ? Il en avait un peu marre de se poser ce genre de questions, en fait, mais il avait l’impression d’être un roturier invité par une princesse et de regarder les 84 couverts autour de son assiette avec des gouttes de sueur roulant le long de son dos.

Il fut, aussi, vaguement vexé de se voir rappeler - encore - qu’il n’avait pas besoin de passer beaucoup de temps à se raser. Il essaya très fort de ne pas bouder, alors il déglutit et sourit, se concentrant sur l’histoire plutôt que la pique de la taille d’une fusée qu’il venait de se prendre. IL AVAIT DES POILS, D’ABORD - mais ce n’était pas le sujet. Hem.

- C’est.

Mignon pouvait peut-être le faire. Comme chacun des poils qu’il savait avoir et qu’il chérissait. Et puis de toutes façons c’était bien, ça faisait gagner du temps le matin, les barbes c’était pour les vieux et il n’avait absolument aucune envie de garder du poil au menton parce qu’il aurait probablement fallu le teindre pour qu’il ne soit pas roux. Il secoua la tête pour se remettre les idées en place.

- C’est une très chouette histoire.

Voilà, beaucoup mieux. Bizarrement, il avait l’impression de divaguer comme quand son cerveau décidait de lui repasser les pires moments de sa journée, le soir tard dans son lit, et de lui montrer toutes les répliques intelligentes qu’il aurait pu sortir à la place de banalités et de bafouillages. Il cligna des yeux très fort pour focaliser sa vision, tout était un peu trouble et il avait envie de bâiller. Qu’est-ce qu’il y avait dans ce jus de citrouille ?

La queue avançait plus ou moins rapidement au stand de voyance — mais pourquoi diable est-ce que des sorciers faisaient la queue alors que tout ce qu'ils avaient à faire c'était utiliser leur boule de cristal ou boire du thé pour savoir ce que tout ça voulait dire ? Elle, elle n'avait pas ce luxe, elle n'avait pas étudié la lecture des feuilles de thé et ne pourrait probablement pas se servir d'une boule de cristal non plus. C'est qu'elle commençait à s'impatienter, et encore heureux qu'elle avait quelqu'un avec qui faire la conversation.

« Parfois je trouve que la magie est surfaite, je veux dire, coudre ou faire la vaisselle, ce n'est pas la mort, et je sais qu'il y a des sorts pour tout ça, mais je pense que vous les sorciers êtes décidément trop dépendants de ça. Si pendant une journée Londres se retrouvait incapable de lancer des sorts, ce serait le chaos... Tu ne crois pas ? Enfin, peut-être que tu as été élevé dans une famille assez moldue ? Je ne suis même pas au courant. Non, tu sais ce qui est vraiment pas simple en fait ? C'est de sans cesse devoir attendre un convoi pour avoir de nouveaux vêtements et de devoir partager avec tout le même ensuite. Mais ce n'est pas comme ça que vous fonctionnez ici donc je suppose que tu ne peux pas comprendre. Oh, dis-le moi si je parle trop hein ? Je suis désolée, mais comme il n'y a rien d'autres à faire pour le moment, je ne trouve pas plus mal de meubler ce long silence le temps que la file avance. »

Daisy parlait tellement que c'est à peine si elle remarquait que son cavalier répondait la plupart du temps par monosyllabe, et encore moins qu'il semblait vexé parce qu'elle avait plus ou moins insinuée qu'il était imberbe — alors qu'en réalité elle le trouvait juste déjà rasé de frais, donc qu'il n'avait réellement par besoin d'un barbier.

« N'est-ce pas ? N'est-ce pas que c'est une belle histoire ? », peu importe qu'il ait employé le mot "chouette" et non "belle". « Je suis vraiment déçue qu'Amadeus n'ait pas pu venir, mais je me demande presque s'il ne l'a pas fais exprès, c'est qu'il n'avait pas l'air très partant... Mais il serait venu quand même, bien évidemment, il ne peut rien me refuser. C'est bien ça le mari idéal non ? Quelqu'un qui ne vous refuse jamais rien ? Mais oh, suis-je bête, tu n'as pas de mari toi, et tu es bien trop jeune pour penser à ça ! »

Et tant pis qu'il ne soit son cadet que de deux ou trois ans, il restait encore un gamin, puisqu'il n'était ni riche ni marié.

Enfin, ce fut leur tour de se faire lire l'avenir et Daisy tenait à peine en place, exécutant tout ce que la voyante lui demandait de faire. Évidemment, demander à tout le monde de boire du thé serait un peu fastidieux comme pré-requis, du coup il ne s'agissait que d'une boule de cristal. Après quelques secondes à observer ladite boule de cristal, les premières prédictions ne tardèrent par à tomber.

« Hum... Je vois... Un enfant... »

Il n'en fallut pas beaucoup plus pour que Daisy vire aussi rouge que sa robe et s'apprête à hurler au mensonge et à l'arnaque, mais ses paupières étaient étrangement lourdes et elle sembler préférer dormir que crier. Elle s'endormit d'ailleurs sans crier gare, s'affalant à moitié sur la table.

Lorsque la vélane rouvrit les yeux, elle bailla et s'étira les bras, avant de trouver plutôt bizarre le fait qu'elle se trouvait dans un grand lit à baldaquin tout rose. Un magnifique lit à baldaquin tout rose, pourquoi est-ce qu'elle n'avait jamais demandé ça à Amadeus ?

« ♫♪ ~ L'aaaamour aaaaa des aiiiiiiiiles ~ ♪♫ »

Daisy hoquet et arrêta de parler — ou plutôt de chanter. Ce n'était pas du tout ce qu'elle voulait dire ! Elle voulait savoir où est-ce qu'elle était. Quand elle aperçu Garfield, qui avait manifestement changé de vêtements entre temps, elle écarquilla les yeux.

« ♫♪ ~ L'aaaaamour monte en hauuuuut du cieeeel ~ ♫♪ »

Non non non, ce n'était toujours pas ce qu'elle voulait dire. Phénomène curieux, des petits oiseaux vinrent par la fenêtre virevolter dans la pièce, attendant gentiment qu'elle daigne rechanter on dirait.

« ♫♪ ~ Au paradis bleuuuuuu brodé d'étoiiiiiiles ~ ♫♪ »

Daisy regarde Garfield avec des yeux de chiens battus. Manifestement, elle ne pouvait plus parler normalement, pour une étrange raison.

Au plus ça allait, au plus Garfield avait en fait l’impression que sa partenaire avait une forme encore pire de la diarrhée mentale qui l’affectait souvent : elle parlait comme lui pensait mais, apparemment, elle le vivait bien. Peut-être que c’était lui qui était trop stressé, en fait, et qu’il aurait dû répondre de la même manière. Ou peut-être que son mari était muet et qu’elle avait besoin de combler le silence - et si c’était ça, il espérait qu’ils n’auraient jamais une petite fille, parce que franchement, le monde n’avait pas besoin d’une fille attirante, muette, et aux cheveux roses. Ces cheveux le perturbaient vraiment beaucoup, ça lui rappelait trop de déboires. Les siens, et ceux des autres. Qu’est-ce que Kalev fichait avec Pimprenelle Morgan d’ailleurs ? Il allait falloir qu’ils aient une sérieuse conversation. Peut-être qu’ils étaient juste potes. ... Ouais, comme avec Calypso, quoi. La prochaine fois Kalev allait s’enticher d’Amethyste Rosenbach et elle allait le battre avec sa batte, c’était n’importe quoi, quelqu’un devait l’extirper des griffes des Serpentards fissa. Peut-être que c’était une vengeance pour la salle commune, en fait... En plus, aussi loin qu’il se souvienne, Kalev était gay ou pas loin, même que Garfield avait un peu de mal avec ça - quoique, ça pouvait expliquer l’intérêt pour Astrid, en fait.

Ils arrivaient devant la boule de cristal et Garfield se sentait de plus en plus somnolant, au point de ne plus parvenir à faire le moindre sens des mots de Daisy parce qu’il était trop perdu dans son propre monologue. Il ne remarqua même pas qu’elle devenait toute rouge, parce qu’il était occupé à bâiller et que ses yeux se remplissaient de grosses larmes rondes de sommeil. Il se ne rendit pas compte non plus de ce qui se passait lorsqu’il s’écroula au sol.

Lorsqu’il ouvrit les yeux - enfin, plus ou moins, puisque c’était un rêve - il était assis en tailleur sur un tapis persan. Un tapis persan rose fuchsia. Un peu comme le lit à baldaquin et les tapisseries aux alentours, ainsi que les fleurs et les innombrables maisonnettes pour oiseaux accrochées aux murs de pierre moyenâgeux. Tout ça, ceci dit, il le remarquerait plus tard, parce qu’il devait obéir à un réflexe tout à fait humain. Il rampa en arrière précipitamment pour se lever et s’éloigner de trois bébés dragons qui le regardaient d’un air curieux. Il eut le réflexe stupide de placer ses mains en avant comme s’il avait affaire à trois raptors à la place, tout ça sur une chanson visiblement tirée d’Anastasia - wait, what ?

Puisque de toutes façons la vision des dragons était probablement basée sur le mouvement et qu’il ne bougeait plus, il risqua un regard interloqué vers le lit.

- Vous... Vous avez la télé ?

C’était le premier truc qui lui venait à l’esprit, parce que c’était de loin le truc le plus bizarre de son point de vue. En plus, il allait l’avoir en tête pour le prochain millénaire. Un des dragons bougea, réclamant son attention, et il se rendit compte qu’il connaissait leurs noms.

- Oh misère... Dites moi que vos parents sont loin...

Cognard était un bébé Noir des Hébrides, de ce qu’il se souvenait, mais son museau était un peu écrasé. Vif d’Or ressemblait à un Opaloeil, mais en doré ; Souafle était un Pansedefer ukrainien, visiblement obèse. Et, visiblement, ils n’en avaient rien à caler que Garfield les veuille à distance, un peu comme leurs modèles réels. Il se retrouva vite bouche bée, à regarder les trois petits se frotter contre ses jambes avec amour.

Il était presque sûr que les bébés dragons n’étaient pas sensés faire ça.

Daisy n'avait pas la moindre idée de ce qu'était une télé, en revanche elle savait que normalement on ne chantait pas comme ça à moins de s'être fait jeter un sort, ou bien d'être une sirène, et dieu merci elle n'était pas une sirène — la plupart sont, après tout, hideuse à soit. Elle préférait être jolie et piètre chanteuse plutôt que l'inverse.

« ♫♪ ~ Tous ces secrets, que j'ai gardé, ne crois-tu pas que les fées m'ont comblées, ne crois-tu par que je suis, bien trop gâtée par la vie ? ~ ♪♫ »

Bien, non, ce n'était pas du tout ce qu'elle voulait dire. Elle voulait lui demander ce que pouvait bien être une télé, si c'était une malédiction ou une maladie, qu'elle se rende à Saint-Mangouste au plus vite !

Ce n'est qu'après un petit moment de latence que Daisy se rendit compte que quelque chose bougeait par terre. Plus exactement, trois petites choses. Des petits dragons. Elle ne savait pas trop si elle était censée hurler au secours ou s'attendrir, mais comme ils semblaient ronronner et se frotter à Garfield, le choix fut vite fait.

« ♫♪ ~ ^Rêve ta vie en couleuuuuur c'est le secret du bonheuuuur ! Rêve que tu as des ailes, hirondelle ou tourterelle, et là-haut dans le cieeeeeeeelle ! Tu t'envoles tu t'envoles tu t'envoles tu t'envoles, tu t'envoooles ! ~ ♫♪ »

Elle se demandait si ça pouvait voler un dragon à cette taille ceci dit, mais elle les encourageait de tous coeur. Manifestement elle n'avait pas vraiment le sens de priorités, même si elle finit par se lever de son immense lit à baldaquin parce que, ce n'était pas tout, mais il y avait une fête quand même.

« ♫♪ ~ C'est la fête ! C'est la fête ! Service garanti impec' ! ~ ♫♪ »

La vélane laissa tomber l'idée d'être claire et préféra encore embrasser totalement le sortilège tant qu'il était là, tant pis si ça n'avait ni queue ni tête, ça finirait bien par partir, ou bien Saint-Mangouste s'en chargera.