De toute façon, Noël c'est nul...

Le cour de métamorphose n'était pas particulièrement important aux yeux d'Allister. Sauf si on lui avait dit qu'il avait le potentiel de se métamorphoser en créature magique ou encore mieux, en moldu. Il y aurait porté très peu d’intérêt si le professeur de métamorphose avait été un professeur comme les autres. Mais Sven Waltham était un drôle de bonhomme. Le genre de drôle de bonhomme qui laisse faire sa classe n'importe quoi et qui ne gronde que si vraiment il n'y pas d'autres options. En général, ce genre de professeur se fait marcher dessus, mais l'esprit d'Allister était contradictoire, aussi le respectait-il beaucoup et lui obéissait-il au doigt et à l’œil.

Mais aujourd'hui c'était différent, Allister avait mal dormi. En fait, il n'avait pas dormi du tout. La période de Noël approchait et il n'aimait pas cette période. Il préférait avoir la paix, même si cela voulait dire ne pas avoir de cadeaux. Il n'avait jamais aimé les cadeaux qu'on lui avait fait d'ailleurs. Sauf peut-être ceux d'Amadeus...Bon d'accord, ceux d'Amadeus étaient un peu nuls, mais c'est l'intention qui compte. De fil en aiguille, il avait pensé à son frère, à sa famille, à la lettre qui traînait dans sa valise. Il avait alors compris que cette nuit il ne dormirait pas. Cela peut avoir l'air de rien comme ça mais il faut savoir que le jeune Gryffondor était constamment stressé, surtout quand pour une raison X ou Y, il se mettait à penser à son aîné.

La journée avait donc assez mal débuté (elle avait débuté à minuit pour lui, si on y réfléchit bien). Il était fatigué, avait mal à la tête et ses nerfs étaient à vif. Dans ce genre de moment, on ne remarque que les choses négatives de la vie, aussi le goût de son déjeuner lui parut-il insupportable. Les Gryffondors, encore une fois, jouaient les guignoles, ce qui lui fit penser une fois de plus qu'il n'avait rien à faire dans cette maison. Ce qui le fit donc déprimer en pensant une fois de plus à Amadeus. Les cours s'étaient mal passés, il se fit réprimander plusieurs fois, la fatigue le faisant dire plus de « Sang-de-Bourbe » que d'habitude. Son mal de tête s'empirait à chaque heures et il avait de plus en plus envie de pleurer. Il lâcha encore un « Sang-de-Bourbe » à l'intention d'un camarade avant de rentrer dans la salle de métamorphose qui comme d'habitude, était en bordel.

L'exercice du cour était débile. Comme d'habitude hein, mais là c'était pire. Il fallait transformer un tas de sable humide en bûche de Noël. C'était débile parce qu'Allister détestait les gâteaux gras comme les bûches de Noël et qu'il détestait aussi Noël. Si il avait eu une famille aimante, oui, peut-être, il aurait aimé Noël. Mais là non, pas avec ses enfoirés de parents, avec son crétin de père, son hypocrite de sœur et tout le reste de cette foutue famille Daugherty, les repas familiaux constituaient plus une séance de torture avec collation que d'un bon moment festif. Fêter Noël en famille (et toute autre activité impliquant la famille), il ne voulait pas en entendre parler. Même pas pour rire.

Il fixa pendant deux bonne minutes son tas de sable d'un regard haineux. Il aurait bien fichu un coup de poing dedans si il n'avait pas eu peur de la réaction du professeur Waltham. Il ne voulait pas le décevoir mais vraiment...Était-on obligé d'en faire autant avec Noël ? Il en avait assez qu'on lui répète que le plus important dans cette fête ce n'était pas les cadeaux mais le partage et l'amour. Il n'avait ni l'un ni l'autre, on pouvait pas le laisser tranquille ? C'était donc comme ça qu'un handicapé en fauteuil roulant se sentait lors d'une course à pied ? Comme la cinquième roue du carrosse ? Comme l'intrus ? D'accord, Allister avait l'habitude de se sentir comme un intrus mais là, c'était trop.

Il poussa un grognement et leva sa baguette en l'air dans un geste fort peu gracieux. Ah, zut. Il avait oublié sa formule. Zut, zut et zut. S'en était trop. Il repoussa l'envie de tomber dans les pommes qui le submergeait peu à peu puis ferma les yeux, marmonnant une insulte contre lui-même. Puis il abaissa sa baguette violemment, par dépit. Il y eu un grand « Crac » qui lui fit ouvrir les yeux par sursaut. Il baissa le regard doucement, incrédule. Sa belle baguette en pommier venait de se plier en angle droit, écrasée contre le bois du bureau, au milieu de son tas de sable humide. Ce...n'était vraiment pas une position normal pour une baguette...

Il la leva doucement, le bout de sa baguette pendait au bout d'un malheureux crin de licorne.Le jeune Gryffondor laissa échapper un cri de terreur mêlé à de la colère. Quelque insultes aussi. Il faut dire qu'il se sentait bête, très bête. L'envie de pleurer lui revint comme une baffe en plein visage.  Il renifla bruyamment, essaya de se calmer. Non, ce n'était pas possible. Il ne fallait pas pleurer...

Ne SURTOUT pas pleurer...

 

L'incident n'était pas passé inaperçue, c'est le moins que l'on puisse dire. Allister entendit son voisin de table pouffer de rire et lui jeta un regard qu'il voulut assassin mais qui, au regard de la réaction mi-moqueuse mi-apitoyée de son camarade de classe, devait plus relever du désespoir enragé. Sa résistance psychologique failli lâcher lorsqu'il entendit ses voisins de derrière murmurer entre eux et éclater de rire. Il déglutit et essaya de se calmer. Bon, ça allait, elle tenait encore un peu..Peut-être qu'un peu de colle...?Non, c'est magique ces choses-là, une astuce de moldu n'as aucune chance de marcher. Peut-être un Reparo ? L'idée était bizarre...

Perdu dans ses réflexions, il sursauta lorsqu'il entendit le professeur Waltham annoncer la fin prématurée des cours. Période de Noël oblige, tout le monde se précipita vers la sortie comme si il s'agissait d'une question de survie. Allister, lui, ne bougea pas. Peut-être parce qu'il pressentait que le professeur avait fait ça pour lui, ou peut-être juste qu'il n'en pouvait plus et était sur le point de craquer. Il inspira un grand coup, pleurer un peu lui ferait le plus grand bien, il suffisait de trouver un coin isolé et de...

- On ne nous préviens jamais que les baguettes sont fragiles, quand on nous les vend. Enfin, je crois. Moi on ne me l'a jamais dis. Et j'ai déjà cassé deux baguettes. Ou alors les baguettes ne m'aiment pas ? Peut-être ?

Allister releva légèrement la tête, il voulu sourire mais n'y parvint pas. Il serra contre lui sa baguette brisée, un peu comme un doudou. Ses lèvres tremblèrent légèrement. Il tenta de se concentrer sur une réponse, il fallait que le professeur Waltham le laisse partir, il ne voulait pas se mettre à pleurer devant lui. Devant toute autre personne, il se serait contenté d'un commentaire méchant et serait parti, mais Sven Waltham n'était pas comme les autres. Il faisait parti des rares personnes à faire preuve de douceur envers lui. Ce qui rendait la tache plus complexe encore.

-Bah...C'est pas grave, bredouilla-t-il d'une voix faible. Mes parents sont riches, ils pourront...

Il s'interrompit. Son père. Il n'y avait pas pensé...

-Oh non...Mon père va me tuer !

Le prix d'une baguette ne représentait pas grand chose pour la famille Daugherty, c'est vrai. Mais son père n'était ni gentil ni compréhensif contrairement à Sven Waltham. Allister allait passer un sale quart d'heure de tête-à-tête avec son paternel, qui lui reprocherait une fois encore d'être trop impulsif et puéril, le priverait sûrement de quelque chose et peut-être même lui interdirait d'assister aux cours de soins aux créatures magiques. Bon, il n'était pas sur que ce soit techniquement possible pour la dernière option mais l'effroyable idée le frappa tout de même. Il serra un peu plus sa baguette brisée contre lui et tenta de se calmer. Il devait trouver une solution. Levant les yeux vers son professeur de métamorphose, il demanda d'une voix tremblante :

-Vous..Vous croyez qu'un Reparo peut fonctionner ?

L'idée était stupide et la réponse serait sûrement négative. Mais le jeune Gryffondor n'était plus en état d'être objectif dans le choix de ses questions, aussi espérait-il une potentielle réponse positive.

 

Le jeune garçon fixait sa baguette en miette, se retenant de pleurer de toute ses forces. Ses pensées perdaient leur rationalité face à un mélange de panique et de fatigue. D'exaspération aussi, contre lui même et sa maladresse.

-Je ne pense pas que ton père t'en voudra, ce sont des choses qui arrivent. Ce n'est pas ta faute. Lui assura le professeur de métamorphose en souriant.

Allister laissa échapper un rire cynique.

-Ouais, ça se passe peut-être comme ça chez vous mais pas chez les Daugherty.

Il regretta presque aussitôt son air ironique. Le professeur Waltham n'y était pour rien après tout, il laissa échapper un lourd soupire avant d'enfin lâcher sa baguette brisée sur son bureau pour se cacher le visage avec les mains et de murmurer un « désolé » étouffé.

-Je suis désolé, mais, un reparo ne pourra rien. Je crois ? Enfin, non, c'est même certain. Peut-être qu'un fabriquant de baguette pourrait ? Mais d'expérience, ils disent tous qu'elle ne sera jamais comme neuve.

Bon Dieu, il essayait vraiment de l'aider en plus. Allister n'était pas vraiment habitué à autant de gentillesse. Il ne savait pas comment recevoir ça. Comme une forme de pitié qui insulterais sa fierté ? Non, il respectait trop le professeur Waltham pour ça. Comme quoi alors ? Ce n'était pas comme si il méritait que l'on soit gentil avec lui comme ça. Il retira ses mains de son visage et se leva brusquement, rassemblant ses affaires aussi rapidement que son état de concentration lamentable le permettait.

-Bon, ce n'est pas grave. J'essayerai de m'arranger pour le reste de la journée. Ce sera juste un mauvais moment à passer.

Sa gorge se serra. Il avait tout fait pour être considéré comme autre chose que celui qui aurait put être un cracmol par ses parents, il avait même couper tout contact avec la seule personne qu'il pouvait vraiment considérer comme une famille. Il suffisait d'une baguette brisée pour redevenir un cracmol. C'est comme si ça leur coûtait de le considérer comme plus.

-Merci quand même. Fit-il avec une voix tremblante.

Il renifla bruyamment en s'apercevant qu'une larme tiède coulait sur sa joue. Il l'essuya rapidement avec un juron.

-Faites pas attention, je suis fatigué, c'est tout...

- Je ne peux pas ne pas faire attention. Quel genre de professeur, et d'homme, je ferais, si je laissais un élève pleurer ?

Allister ne répondit pas et se rassit doucement. A quoi cela servait-t-il de se lever de son siège de toute façon ? Il n'avait plus l'énergie de poursuivre la journée de toute façon, si il partait maintenant ce serait pour aller pleurer dans les toilettes. Puis maintenant qu'il avait verser une larme malgré lui, le professeur Waltham ne le lâcherait plus. Il se concentra donc pour arrêter la crise de sanglot qui s’apprêtait à le secouer, ce n'était ni le moment, ni l'endroit de s'étaler. Du moins, Allister, pudique comme il était, le pensait-il.

- Est-ce que, par hasard, je ne sais pas, je fais peut-être erreur, tu as des problèmes avec ta famille ? Demanda le professeur de métamorphose d'une voix toujours aussi douce et bienveillante.

Des problèmes ? Oh, oui bien sur, il y en avait des problèmes. Il y avait ses parents mais aussi Amadeus parti avec sa vélane, Evangeline l'enquiquinante et hypocrite grande sœur qui était l'enfant parfait et choyé. Il y avait ce titre stupide de Sang-Pur. Il y avait le fait qu'il avait été considéré comme un cracmol jusqu'à ses neuf ans. Il y avait sa lâcheté et l'erreur du choixpeau qui l'avait envoyé à Gryffondor. Tout ça, il savait que c'était des problèmes. Mais encore fallait-il admettre que ces même problèmes l'affectait lui au point de l'empêcher de dormir et de le faire pleurer devant un professeur. Et ça, sa fierté mal placée l'en empêchait.


-Bah, vous inquiétez pas, mon père me tuera pas vraiment...C'est juste que...

Sa voix se bloqua, il sentait qu'il allait encore pleurer si il continuait sa phrase. Il eut une sorte de rictus, trahissant sa douleur émotionnelle, se mordant les lèvres pour ne pas fondre en larmes. Il déglutit et essaya de reprendre avec peine.


-Je...J'ai pas...

Il baissa les yeux vers son bureau. Il ne savait plus quoi dire. Il souhaitait s'enfermer dans les toilettes mais il ne voulait pas non-plus inquiéter plus que ça son professeur. Il essayait de trouver un moyen de détourner la conversation. En vain, son esprit complétement épuisé émotionnellement ne parvenait à rien du tout.


-J'ai pas dormi, c'est pour ça...Bredouilla-t-il, les yeux toujours rivés sur son bureau.