Prince Solus est prince. Bon, ça a l’air évident comme ça, mais c’est très important de le préciser. Prince Solus tient beaucoup à ce qu’on se rappelle de son royal statut. On ne mélange pas les torchons et les serviettes, ni les êtres de l’eau et les sorciers, et encore moins les héritiers du trône avec les traînes-misère.
En effet, Prince Solus est l’héritier de son clan d’aquatiques créatures d’un impérial lac écossais. Si concrètement il n’est pas amené à porter la couronne avant une bonne centaine d’années, il prend son rôle déjà très au sérieux et s‘entraîne en gouvernant Royaume Solus, son royaume succursale de Londres, où il est amené à jouer les ambassadeurs entre deux interventions princières.
Son nom, il l’a choisi lui-même. C’est sa grande fierté. Il sonne très bien et rappelle à tous ceux qui l’emploient qu’ils ne parlent pas au dernier parvenu de Londres ; non, ils parlent à Prince Solus, l’unique, le merveilleux. Prince Solus aime tellement son nom qu’il veut le donner à des tas de choses. Un royaume, son royaume, le porte déjà, mais ce n’est pas suffisant. Si on pouvait ouvrir un café, un hôtel, ou créer une ligne de vêtements à son nom, il serait l’être de l’eau le plus heureux du monde. Enfin, pas trop quand même, ça voudrait dire remercier le roturier qui a daigné nommer la source de ses revenus de pauvre avec son divin nom. Il voudrait aussi posséder une équipe de Quidditch à son nom, juste pour représenter son royaume lors des événements sportif. Le Quidditch en lui-même, il s’en tamponne les nageoires avec des algues mortes.

Si l’on est honnête, il n’y a pas que son nom que Prince Solus aime par dessus tout. Sa personne entière est source d’admiration. Il lui arrive parfois de se réveiller le matin, le sourire aux lèvres, poussant un soupir de bonheur en découvrant qu’aujourd’hui encore, il va faire profiter de son si parfait lui-même au petit peuple de Londres.
Prince Solus aime son physique, bien sûr, puisqu’un souverain se doit d’être la coqueluche des dames de sa cour, et faire parler de lui au fond de tous les lacs du monde, mais il aime encore plus son caractère. Tout ce qu’il fait incarne la justice, il respire le charisme et l’autorité, sa mansuétude le perdra un jour et sa bonté infinie fait de lui le prince le plus populaire de Londres ; il faut dire que c’est peut-être bien le seul. Enfin, dans le fond, c’est sans doute son royal statut que Prince Solus affectionne le plus. Sa vie est tellement formidable. Le monde doit être heureux d’accueillir un être, qui plus est un être de l’eau, aussi vénérable que lui. Sage, conciliant, si fin orateur et si clément. Douce illusion.
Prince Solus n’est jamais tombé amoureux. On dit, mais pas devant lui pour ne pas recevoir son courroux, que c’est parce qu’il s’aime trop. Et que, s’il n’était pas né être de l’eau, il se serait noyé depuis longtemps à force de contempler son propre reflet. Même si en vrai, Prince Solus n’a pas besoin de se voir pour savoir qu’il est quelqu’un d’exceptionnel. Prince Solus est narcissique et égocentrique, parce qu’il le vaut bien.

Prince Solus est très ambitieux. Il a beaucoup de projets pour l’avenir. En outre, à défaut d’être le roi de son clan, puisque son père, cet être merveilleux qui a participé à la conception du encore plus merveilleux Prince Solus, occupe déjà cette place, le Prince songe à devenir roi du Royaume Solus. Ou empereur. Il hésite encore sur le terme le plus élogieux à employer pour parler de lui. Il voudrait aussi voir son doux visage imprimé sur les pièces de monnaie des sorciers, et pourquoi pas, à long terme, des moldues. Si il pouvait, en fait, créer une nouvelle monnaie portant son nom, ce serait vraiment formidable.
Prince Solus a décrété que dans son Royaume vénéré, un nouveau calendrier serait en vigueur. Ses sujets vivent donc en l’an 107 du calendrier Prince Solus, et l’anniversaire de leur Prince magnifique est un jour férié dédié à la célébration de la naissance de ce cadeau du ciel qu’est Prince Solus. Il compte également faire passer comme jour férié celui de la création du Royaume Solus, puis celui de son couronnement, lorsqu’il viendra.

Prince Solus parle de lui à la troisième personne du singulier. Tous les grands monarques doivent prendre de la distance et avec leurs sujets, et avec eux-mêmes, afin d’avoir une vision globale et omnisciente sur leur règne. Celui de Prince Solus étant bien entendu parfait en tout point. Pour les grandes occasions, comme les discours, puisque sa majesté n’a pas encore investi dans un porte-parole de confiance et que son conseiller attitré est encore trop novice, Prince Solus parle à la deuxième personne du pluriel.
Prince Solus adore donner des ordres. Cela lui donne l’illusion qu’il est puissant. Le problème, c’est qu’il n’est pas très obéit, et que ses menaces n’y changent rien. Prince Solus vit néanmoins trop dans sa bulle parfaite pour se préoccuper de ces va-nu-pieds dédaigneux et charge son fidèle conseiller de les corriger en son nom ; son si noble, si beau, si formidable nom.
Prince Solus n’est pas vraiment méchant, mais son orgueil, son égocentrisme, son arrogance en font quelqu’un d’absolument insupportable pour les gens trop sérieux. Surtout que Prince Solus est un être de l’eau, avec les réflections et les expressions qui en découlent et qui peuvent déconcerter. Néanmoins, en creusant un peu, Prince Solus peut se montrer attachant. Il n’est juste pas très doué dans ce qui touche aux relations sociales.

Le vrai problème de Prince Solus, c’est qu’il est raciste. Raciste envers les sorciers, les créatures, les moldus, les hybrides, à peu près tout sauf lui et les autres êtres de l’eau. Autant dire que c’est parfois tendu. Oh, il ne sort pas la fourche et le marteau de forge, c’est réservé à son armée de traînes-misère, ça, mais son expression hautaine et dédaigneuse sont bien assez explicites. C’est pour ça ; les sorciers dans un coin, les moldus dans un autre, les êtres de l’eau en paix dans leur lac, c’est ce qu’il y a de mieux dans le meilleur des mondes ; car oui, ce monde-ci est forcément le meilleur, puisqu’il accueille Prince Solus en son sein.

En l’an de grâce 107 du calendrier Prince Solus, nous nous sommes réveillés un beau matin en nous proposant la formidable idée de rédiger nos illustres mémoires. Cette suggestion nous ayant enchanté, nous nous sommes empressés d’appeler notre fidèle conseiller afin de lui narrer notre vie et de le voir l’écrire de sa plume habile sur ce que de vulgaires sorciers nomment “parchemin.”. En tant que notre porte-parole, il se doit en ce jour de devenir notre porte-plume et de retranscrire le moindre de nos mots à la virgule près, la vérité n’étant pas bien sûr que nous ne savons pas écrire. Commençons.

Tout a commencé lorsque nos royaux parents nous ont trouvé un beau matin dans leur divine couche subaquatique. Nous n’étions encore qu’un oeuf niché entre leurs deux masses humides et luisantes, mais nous étions déjà un oeuf royal, tout d’or recouvert sur la coquille la plus pure de notre lac. Nous étions tellement attendu ! Et nous n’avons déçu personne. Nous avons été posé sur un merveilleux coussin, puis présenté à notre peuple qui nous aimait déjà. Un oeuf princier, c’était si rare, si émouvant ! Notre venue au monde était le signe qu’une nouvelle ère se levait pour les êtres de l’eau.
Nous avons été couvé par notre royale mère avec tout l’amour qui nous était dû, et notre noble père s’inquiétait fort de notre santé. En effet, nous avons failli mourir dans l’oeuf, et ceci aurait été un drame. Nous étions un oeuf fragile qu’il fallait dorloter pour donner vie au plus glorieux prince de tous les temps. Par chance, nous avons survécu, car nous étions destiné à un jour gouverner et qu’un prince mort-né ne peut accomplir sa mission.
Nous avons pris plus de dix ans pour percer notre carapace ; nous avons toujours su nous faire attendre. Notre entourage a bien cru que nous n’émergerions jamais de notre oeuf, puis nous sommes apparus au beau milieu d’une fête, comme si le monde savait par avance que nous naissions et que notre venue devait être célébré comme il se doit ! Nos parents nous ont montré à la foule amassé aux pieds des marches de notre royal palais, et nous avons été acclamé, applaudi, montré comme étant la huitième merveille de cet univers ! Ce jour était le cinquième du mois de janvier de l’an de grâce 1907, et un nouveau calendrier est né avec nous.

Par la suite, nous avons grandi comme le prince que nous étions. Nous passions la majeure partie de notre temps à étudier auprès de notre précepteur, à suivre nos parents dans leurs royaux déplacements vers les lacs étrangers pour quelques visites de courtoisie, ainsi qu’à tracer des dessins sur le sol de notre magnifique chambre afin de marquer chaque étape de notre vie. Nous n’étions qu’un petit têtard encore et déjà nous étions aimé, aimé, aimé ! Aimé de nous, bien sûr, parce que comment se détester lorsqu’on est l’élu de tout un peuple, mais aimé des roturiers du royaume avant tout. Nous ne pouvions nager un mètre dans notre belle cité sans que l’on nous arrête pour nous voir, nous toucher, nous parler.

Le jour le plus formidable de notre existence parfaite est certainement celui où, lorsque nous nous sommes réveillé ce matin-là, nous nous sommes rendus compte que nous étions différents. Sur nos bras, nos nageoires commençaient à pousser ! Notre joie fut telle que nous nous sommes évanouis de bonheur et qu’une fête fut organisée en notre honneur. Enfin nous passions de têtard à enfant ! Lorsque nous avons perdus nos premières écailles, quelques jours plus tard, nous les avons conservé et en avons fait un collier que nous continuons de porter tant nous sommes formidable.

Les années se sont succédées sans encombre. Nous avons été présenté à quelques princesses de lacs voisins, mais nous n’avons vu en ces petites sirènes étrangères que de vulgaires imitations d’être de l’eau et ne nous sommes pas laissés avoir ; nous étions trop parfait pour être mêlé à la fadeur de ces petits gens.
Nous avons remporté le concours de beauté organisé dans notre lac, nous avons été élu prince préféré de notre lac (peut-être parce que nous étions le seul ?) et nous nous sommes rendus compte que ce lac était trop petit pour nous. Nous voulions régner sur les océans de ce monde ! Malheureusement, nous n’étions point conçus pour l’eau salé et nos royaux parents nous le firent rapidement comprendre. Notre déception fut immense.

Lorsque nos nageoires eurent finies de se développer, symbole ultime de notre royauté, de notre virilité, de notre grâce et de notre sagesse, nous l’avons annoncé à notre peuple. Nous étions prêt. Prêt pour l’épreuve du courage qui ferait de nous un prince HÉRITIER, la plus belle consécration.
Nous nous imaginions déjà arracher le coeur d’une sirène, ces viles, ramper en dehors de notre lac pour rapporter un humain et le partager avec notre peuple, percer nos nageoires en symbole de résistance à la douleur ou réaliser un duel à mort contre un requin ! Nous étions impatients, lorsque nous nous sommes présentés devant notre père. Puis notre sourire s’est effacé.

Nous devions nous rendre à Londres comme ambassadeur de notre peuple afin d’empêcher ces bons à rien de sorciers de commettre l’irréparable ; et si nous revenions une fois notre mission accompli, nous serions un être de l’eau majeur et accompli. Un prince de notre trempe, un simple AMBASSADEUR ! Nous entrâmes dans une colère noire. Nous avons exigé un royaume, à notre nom bien sûr, ainsi qu’un lac où vivre, sans oublier un fournisseur de potion de condition humaine de qualité. Nous nous sommes vexés, mais nous avons baissé les armes car l’autorité de notre père était pour l’heure plus importante.

Nous avons fait nos bagages et nous sommes arrivés à Londres, ville bien sèche à notre goût. Nous avons alors pris possession de nos quartiers, participé à de nombreuses discussions de politiques, engagé un conseiller… et aujourd’hui, nous trouvons malgré tout plaisant de régner sur ces traînes-misère, bien que nous avons hâte de rentrer valider notre épreuve.