Peony avait tiré le gros lot, cet été : l'intégralité des mois de juillet et août chez son moldu de père. Lorsque l'annonce était tombée, peu avant la fin de l'année scolaire, il n'avait même pas tenté de contenir sa joie. Ses vacances, dès cet instant, s'étaient annoncées incroyablement paisibles et reposantes.
D'habitude, on l'obligeait à passer un mois chez sa mère, et l'autre seulement chez son père. Le problème, aussi mineur soit-il, était que Peony ne s'entendait pas vraiment bien avec sa mère. La grande femme jugeait son fils trop influencé par son incapable de père, et le fils jugeait la femme un peu trop exigeante. Alors, qu'elle le prévienne que son travail au ministère l'occupait trop pour qu'elle le garde ne serait-ce qu'une semaine cet été avait été un soulagement. Pas besoin de se justifier, de se comporter en parfait petit sorcier, de mourir d'ennui avec les émissions de radio sorcière. On avait beau dire, mais si les moldus avaient inventé une chose formidable, c'était bien la technologie. Le téléphone portable, le matériel informatique et autres consoles de jeux.
Passant la majeure partie de l'année dans le monde sorcier, Peony n'était pas mécontent du tout de pouvoir flâner un peu dans le Londres moldu, sa baguette magique abandonnée au fond d'un tiroir et l'uniforme relégué dans un recoin de sa penderie. Il redécouvrait le confort des t-shirt colorés à l'effigie de ses groupes préférés, et celui des vieilles sandales usées achetées en soldes deux ou trois ans plus tôt. Il redécouvrait la joie d'être un adolescent tout à fait banal, qui se promenait dans les rues de son quartier, les écouteurs vissés dans les oreilles à fredonner l'air entraînant de la chanson qui passait à ce moment-là. Peony n'aurait rien eu de différent avec autrui, s'il ne restait pas dans ses cheveux quelques reflets roses d'une coloration magique pas tout à fait disparue, dans ses poches un porte-clé en forme d'accessoires de Quidditch, et dans sa bouche la fin d'une plume en sucre qu'il avait retrouvé dans sa malle en rangeant ses affaires.
Peony s rappelait vaguement que, les premières années, lorsqu'il revenait de Poudlard, ses amis s'étonnaient des quelques signes sorciers qu'il n'avait pu s'empêcher de rapporter du château. Il inventait quelques excuses un peu douteuse, proposait un cinéma, et tout était oublié. Maintenant, ses amis ne s'étonnaient plus de rien et mettaient tout le dos de l'extravagance de Peony, dont rien que le prénom provoquait parfois quelques réactions de surprise.
Enfin, pour le coup, ses amis étaient tous en vacances bien loin de l'Angleterre et Peony n'avait plus que ses sandales pour errer dans les rues, non sans avoir pris soin de se recouvrir d'un minimum de crème solaire avant de sortir ; il n'était pas certain de connaître de sortilège efficace contre les coups de soleil, serait sans doute bien incapable de le lancer si tel était le cas et, de toute manière, n'en avait probablement pas le droit en tant que sorcier mineur.
Un peu las de cette marche sans but, l'adolescent alla s'asseoir sur un banc désert, en tailleur, tout en changeant de musique. Il leva les yeux au ciel, fut ébloui par le soleil, et reporta son attention sur les toutes petites fleurs qui poussaient entre le trottoir et la chaussée. Puis, couvrant le son de sa musique,celui de talons ; Peony leva le nez en provenance du bruit.
Cette fille, Peony aurait juré la reconnaître. Blonde, une attitude fière, quoique un air un peu perdu pour le moment. Dressée dans des chaussures que n'importe quel garçon qualifierait aisément d'engin de torture, elle passa devant lui, et Peony retira un écouteur, fouillant à toute vitesse sa mémoire.
- Euh, attends ! Tu es.... Vénus, non ? Enfin, la préfète de Poufsouffle ?
La croiser ici l'étonnait vachement, mais après tout, il ne connaissait pas spécialement sa vie. Il l'avait croisé dans des couloirs, entendu des rumeurs, beaucoup de rumeurs, comme sa relation avec l'autre gars de Poufsouffle, qui faisait pas mal de bruit, ou encore les récits de ses leçons de moral à tout va. Mais, lui parler personnellement, il n'avait pas souvenance que ce soit déjà arrivé.
Restait que ce soit bien elle, ceci dit. S'il venait de s'adresser à une moldue, il sentait que lui expliquer ce qu'était Poufsouffle risquait de devenir un peu compliqué.