Madame Daugherty sait toujours ce qu'elle veut, quand elle veut ! Exigeante est un euphémisme pour décrire ce petit bout de femme qui a longtemps vécu dans une forêt éloignée. Comprenez, tout ce qui brille, tout ce qui coûte cher, tout ce qui tape à l’œil... Ça ne pousse pas sur les arbres. Mais c'est ce qui les rend si attirants.

Daisy mesure l'amour au nombre de cadeaux, et cela marche dans les deux sens. Plus elle reçoit, plus elle aime, plus elle donne, plus elle aime aussi. Son cher mari s'est vu offrir une toute nouvelle garde-robe peu après qu'ils aient emménagé ensemble, et elle lui offre régulièrement moult et moult vêtements en plus, et des paires de lunettes aussi ! N'est-elle pas généreuse ?
Bien sûr, ça aurait été mieux si tout ça n'avait pas été aux frais dudit mari, mais c'est l'intention qui compte, n'est-ce pas ?

La dame aime se faire traiter comme une reine, ce qui est assez facile quand on n'a pas du tout la notion de l'argent. Amadeus ne l'aide absolument pas, en cédant à tous ses caprices sans lui parler des dettes qu'ils accumulent à cause de ses achats exorbitants. Pour elle, la vie doit être croquée à pleine dent et il faut en profiter, tout est rose et mignon et les problèmes n'existent pas !

Alors, sans doute qu'en fait, Madame est un tout petit peu hypocrite. Il faut toujours que ses besoins passent avant ceux de son mari. Ce n'est pas qu'elle ne l'aime pas, pas du tout, elle est une femme aimante, fidèle et comblée. Il n'y a pas plus adorable qu'Amadeus. Seulement, il a déjà vécu dix-neuf ans ce qu'elle ne vit que depuis un an à peu près, c'est un peu à elle de profiter non ? Son mari lui dit toujours que tant qu'elle est heureuse, il est heureux. Et ce qui la rend heureuse, c'est de pouvoir acheter tout plein de belles choses ! Du coup, pour rendre son mari heureux, elle doit acheter tout plein tout plein. CQFD.

Madame est légèrement impulsive aussi. Et pas que du genre à acheter une robe à 200 gallions juste parce qu'elle est assorti à ces jolies chaussures à talons qu'elle avait acheté il y a quatre mois mais jamais mis à ce jour. C'est qu'elle perd vite patience quand les choses ne se déroulent pas comme elle le veut, quand elle le veut. Si Amadeus n'a jamais été fou au point de lui refuser quelque chose, ça n'a pas toujours été le cas de sa garde-robe. Comment pouvait on perdre un sac dans une garde-robe ? Elle l'aimait, ce sac. Il avait été fait par un grand créateur et c'était une édition limité !
Deux heures plus tard, elle n'avait toujours rien trouvé.
Deux minutes plus tard, la garde-robe était en cendre.
Deux jours plus tard, elle avait une garde-robe encore plus grande et déjà remplie.

Madame a un côté très altruiste malgré son caractère, et elle aimerait bien communiquer toute sa joie et sa bonne humeur avec les autres. Il suffit de regarder avec Dhanya, pour qui elle est devenue la couturière officielle. Eh oui, Daisy a beau s'acheter pleins de vêtements, mais elle sait en fabriquer aussi, et elle aime beaucoup ça. Quand on ne peut pas faire du shopping tous les jours dans la forêt, il fallait bien se consoler avec les moyens du bord ! Du coup tout est rose, avec de la dentelle et des froufrous, tout est joli tout beau, et son amie a l'air tellement mignonne et heureuse dans ses créations que ça réchauffe son petit coeur. 

Malgré le fait qu'elle soit extrêmement dépensière et matérialiste, Daisy est surtout très naïve. La vie en forêt est beaucoup plus simple que la vie de citadine, même si c'était beaucoup moins intéressant. Si on ne prend pas le temps — ou qu'on n'a pas assez de cran — de lui expliquer comment les choses fonctionnent, elle va continuer à vivre, dans un monde rempli de bisounours et de barbe à papa, rempli d'amour et de jolis vêtements. Elle a pourtant réellement la volonté de bien faire, et peut se montrer très aimante et altruiste envers les autres.
C'est juste que personne n'a su lui dire en face qu'elle dépensait beaucoup trop.

Même pas Amadeus.
Surtout pas Amadeus.

Lui n'arrive pas à résister à ses grands yeux de biches larmoyants.

Parlons-en d'Amadeus. Son mari chéri, son prince charmant. Les mauvaises langues diront qu'elle lui a mit le grappin dessus grâce à ses charmes de vélanes, alors qu'en réalité... Non ? Ce n'était pas sa faute si sa beauté était dans ces gènes, et de toute manière, Amadeus ne l'aimait pas que pour sa beauté. Il y avait forcément autre chose. Ceux qui disent le contraire sont juste jaloux.

Daisy n'oublie jamais que c'est grâce à son époux si elle peut vivre la vie de ses rêves aujourd'hui, et elle lui fait savoir tous les jours qu'elle lui est reconnaissante avec des bisous, des câlins, des mots doux. Elle se considère réellement chanceuse d'avoir rencontré cet homme si parfait — et elle racontera à tout le monde que c'est le destin, même si la réalité est toute autre — et elle est très heureuse de son mariage.  

Certains diront qu'elle n'aime pas Amadeus autant qu'il l'aime. Alors déjà, comment rivaliser avec l'amour sans borne d'Amadeus ? Et ensuite, c'est faux. Puis qu'est-ce que l'amour d'abord ? C'est vouloir être tout le temps avec l'autre personne ? Pas de soucis, Daisy peut très bien passer toute la journée avec Amadeus. Être prêt à se battre pour le garder ? Aucun problème non plus. Vous avez déjà vu une vélane en colère ? C'est parce que personne n'a survécu après avoir vu ça. Le chérir dans la pauvreté et la maladie ? Ne dites pas de sottises, personne n'est pauvre dans le quartier. Et s'il est malade, elle prendra soin de lui, voilà tout.
Daisy éprouve une réelle affection pour Amadeus, et c'est la personne qu'elle chérit le plus au monde.
Si ce n'est pas de l'amour, elle ne sait pas ce que c'est.

« Non, pas celui-ci, il est trop vieux… Peut-être son fi- à non, trop jeune ! Et en plus il a le nez en forme de trompette. Brrr. Regarde ailleurs, regarde ailleurs !! » 

D’aussi loin qu’elle s’en souvenait, Daisy a toujours eu envie de vivre ailleurs, hors de la sa forêt bulgare. On s'y croyait vraiment coincé encore au Moyen-Âge, sans électricité, avec des vêtements très basiques et commodes et peu de nouveaux visages. Il n'y avait pas de boutiques, juste des étalages et le troque était la monnaie courante. La plupart du temps, quand les vélanes partaient en ville pour se ravitailler, elles revenaient aussi avec des objets de premières nécessités et des tissus, pour les vêtements, ce qui étaient quand même beaucoup plus rentable. Pratiquement toutes les vélanes du village savaient coudre et il n'était pas rares qu'elles s'échangent leurs vêtements, ou bien n'en aient que quelques uns qu'elles lavaient régulièrement.  

La maison de Daisy n'y faisait pas exception. Maison qui commençait à devenir étroite d'ailleurs, avec quatre autres sœurs. Il y eut d’abord Amarillys, puis Bryony, puis Camelia, et enfin Daisy. Le partage devint courant dans la famille, et l’aînée refilait ses vêtements quand ils étaient trop petits à la plus jeune et ainsi de suite. C'était comme ça pour tout le monde dans leur petite communauté, et au moins toutes les filles de la maison savaient coudre.

Le problème venait de la jalousie de certaines vélanes qui revenaient dans la forêt pour revoir leur famille. Celles-ci s'étaient mariées et installées en ville, et revenaient sans cesse avec de beaux vêtements à la mode qui rendaient vertes de jalousie toutes les autres. Les plus généreuses d'entre elles ramenaient ce genre de vêtements à leur famille ou amies proches. Daisy n'avait encore aucun membre de sa famille qui n'était parti pour la ville, à part son père parfois, à moitié vélane. Mais à chaque fois qu'il ramenait quelque chose pour une de ses filles, c'était source de conflit et de jalousie. Daisy se disputaient souvent avec Bryony et Camelia à ce propos, ces deux dernières n’ayant que deux ans de différence et respectivement de 7 et 5 ans ses aînées. Il n’y avait qu’Amarillys qui la comprenait, étrangement, alors qu’elle était celle qui se souciait le moins de ce qu'elle portait.

D'ailleurs, quand l’aînée tomba enceinte un an plus tard, Daisy fut celle qui fut la plus heureuse pour elle. Le père du bébé avait rencontré Amarillys en se perdant dans la forêt, et s’était volontiers perdu de plus en plus souvent pour la revoir. Il lui avait proposé de nombreuses fois de venir habiter avec lui, mais elle n’avait jamais quitté la forêt très longtemps, trop attachée à son clan. Et disons que pour un sorcier tout à fait normal, c’était assez compliqué de vivre dans un village exclusivement rempli de vélanes… C’est donc avec le cœur lourd qu’Amarillys décidé finalement de de quitter la forêt. Oh bien sûr elle reviendrait de temps en temps, pour donner de ses nouvelles et pour que le bébé voit sa famille aussi, mais ça ne serait pas la même chose.
Daisy la supplia de l’emmener avec elle, mais elle ne put obtenir que la promesse qu’elle pourrait venir la voir en ville de temps en temps.
Les aurevoirs furent difficile, et Daisy n’était vraiment pas ravie de rester avec ses deux autres sœurs, qui passaient leur temps à se disputer entre elle, considérant toujours la cadette comme un bébé. Heureusement, Amarillys lui écrivait régulièrement, en décrivant sa nouvelle vie de citadine dans tous les détails, et elle lui envoyait même de belles affaires de temps en temps — et celles-ci, elle ne les avait pas portés avant. 
Ce jour-là, Daisy se promit que plus tard, elle ne refilerait jamais ses vieux vêtements aux gens qu’elle aime.

Trois mois plus tard, Bryony et Camelia quittèrent elles aussi la maison, non pas parce qu’elle avait trouvé l’amour, mais parce qu’elles avaient été sélectionnées pour faire partie des mascottes de l’équipe nationale de Quidditch bulgare. Il ne restait plus que Daisy à la maison avec ses parents, et c’était incroyable tout de même, tout cet espace soudain quand ils n’étaient que tous les trois ! Elle n’avait plus à partager quoique ce soit avec qui que ce soit, et bien que ses sœurs lui manquaient de temps en temps, elle culpabilisait moins de savoir qu’elles au moins vivaient dans un vrai village, dans une vraie ville, et pas au milieu d’une forêt. A treize ans, elle rêvait toujours de quitter cette forêt. Où était-il, le prince qui viendrait se perdre en forêt pour venir la chercher et l’emmener loin d’ici ?

« Oh, celui-là est tout à fait mignon ! Grand, brun, plutôt musclé et… Ah non, celle qui sue comme un bœuf derrière doit être sa copine… Enfin, sa femme même, vu qu’elle a l’air enceinte. Dommage… Mais c’est mignon, il l’attend gentiment pour ne pas la perdre de vue. Allez, je leur fais coucou quand même, c’est bien parce qu’ils sont trop chou. »

Quand Amaryllis revint voir sa famille, elle était enceinte de huit mois déjà. Daisy l’accueillit à bras ouvert, mais elle eut un peu de mal à la reconnaître. Ses beaux cheveux platine étaient attachés en un espèce de chignon négligé, ses traits étaient tirés et ses yeux cernés, sans compter que son ventre était absolument énorme et qu’elle avait perdu sa grâce de vélane, à tenter de marcher avec son poids en plus qui la déséquilibrait. Probablement de taille normale pour une femme enceinte, mais pour Daisy, c’était quand même énorme, et la grande sœur qu’elle avait mis sur un piédestal était toute déformée à présent. Et encore, s’il n’y avait que ça ! Daisy tenta d’être aux petits soins avec elle bien sûr, de ne pas dire tout haut ce que les autres pensaient tout bas… Ce qui ne fut pas le cas de leur mère. Oh, ce n’était pas un torrent d’insultes non plus, juste des petites piques très peu subtiles du genre « Mon dieu ma chérie, on dirait une vraie bossue quand tu marches ! » ou encore « Ne mange pas ça, après ça sera difficile pour toi de perdre du poids ! » et puis « Et tu n’es pas au bout de tes peines, quand le bébé sera né tu auras des cernes encore plus affreuses et si peu de temps pour t’occuper de toi… » 

Ce fut un peu trop pour les hormones de femme enceinte vélane d’Amarillys. Les vélanes n’étaient déjà pas connues pour leur tempérament très calme, les femmes enceintes encore moins. Hors, une vélane en colère, c'est particulièrement laid. C’était comme si une harpie avait pris possession de son corps, des ailes écaillées jaillirent de ses épaules alors que son visage se tordait pour former un bec acéré, tout en brandissant des boules de feu dans chacune de ses mains. Une demi-seconde plus tard, c’était sa mère qui prenait la même apparence absolument hideuse et effrayante, et son père eut le réflexe de l’enfermer dans la cuisine avant que tout cela ne dégénère et tenter de calmer la situation. Amarillys était pourtant, d'entre toutes ses soeurs, la plus calme. Enfin, aussi calme qu'une vélane puisse être.
Ce jour-là, Daisy se promit de ne jamais avoir d’enfants.

Les choses rentrèrent dans l’ordre un peu plus tard, fort heureusement, et les deux femmes s’excusèrent de leur comportement en espérant ne pas avoir effrayée Daisy. Pourtant, ce qui faisait le plus peur à la demoiselle, c’est de finir toute aussi horrible un jour. Les dames eurent une longue conversation sur le fait que cela arrivait à toutes les vélanes quand elles étaient vraiment, vraiment en colère. 
Ce jour-là, Daisy se promit de toujours être optimiste.
Ou enfin, d’essayer. 
Sa grande sœur repartit trois jours plus tard, n’étant que de passage, et elle lui promit de garder contact et d’envoyer des photos du bébé. Elle lui laissa aussi une très belle robe rose, une qu'elle n'aurait jamais pu faire avec sa machine à coudre.

Quand Daisy eut quinze ans, ce fut au tour de ses deux autres sœurs de revenir, Bryony et Camelia, mais au lieu d'exhibier fières comme dans paons leurs vêtements, elles faisaient profils bas. Apparemment elles fuyaient la ville pendant quelques temps, juste histoire que le scandale du petit accrochage en plein match entre les leprechaunes et les vélanes du dernier match de Quidditch soit oublié du grand public. Ses sœurs soutenaient que c’était ces « sales nains aigris » qui avaient commencé, et qu’elles n’avaient jamais vu d’être aussi rustres et malpolis. Le petit ami de Camelia l’avait plaqué suite à cela, était un joueur de l’équipe qui eut un peu trop honte de l’accident.
Ce jour-là, Daisy se promit d’épouser l’homme le plus gentil et le plus attentionné. 

Son père maîtrisait l'anglais, fort heureusement, et c'était lui qui fit la scolarité de toutes les filles de la maison, ayant été le seul à faire des études. Il jugeait que l'anglais était important pour elles si elle souhaitaient faire leur vie ailleurs, et fort heureusement aucune n'avait besoin d'utiliser de Google Traductum pour s'en sortir. Daisy était particulièrement assidue, s'imaginant déjà mener la belle vie au Etats-Unis ou bien au Royaume-Uni. Dans les livres en tout cas, toutes les femmes vivant là-bas avaient la belle vie. 

« Ca commence à faire long… Ca fait des semaines que je reviens toujours ici à faire signe pour que les jolis garçons m’abordent… Oh ! En voilà un autre ! Un peu chétif mais il a des lunettes, il est sûrement intelligent ! Oh hééé ! Je peux vous aider ? »

Finalement, Daisy le rencontra, son prince charmant, à dix-neuf ans. Il s’appelait Amadeus Daugherty, et le brave garçon habitait Londres, et pas seulement Londres, le quartier le plus riche de Londres ! Il avait vraiment tout du prince charmant, il était beau, il était riche, et attendrissant comme tout. Le voir rougit chaque fois qu’elle battait des cils ou afficher un sourire tendre quand elle riait de ses blagues à deux noises faisait fondre son cœur. Elle se voyait sans problème vivre avec Amadeus, mener une vie tout à fait tranquille et sans soucis, il lui promettait de lui faire découvrir Londres et ses merveilles et elle était conquise. 

Pour leur premier rendez-vous, elle vida toute sa penderie pour tenter de trouver la robe idéale, mais rien ne paraissait assez bien. C’était plutôt ironique, pour une vélane, de se soucier de son apparence, mais c’est que c’était un jour important et Daisy souhaitait absolument être tellement belle qu’Amadeus bégayerait en la voyant. Ne trouvant rien à son goût, elle du employer les grands moyens… Et se faire sa propre robe avec les moyens du bord. 

Rien de trop difficile, sa mère lui avait appris comment utiliser la machine à coudre au cas où elle déchirerait ses vêtements, et ce n’est pas comme si elle partait de rien, elle reprenait juste une robe toute simple, reprit la dentelle de celle-ci pour la rajouter, coupa les manches, rajouta quelques perles et rubans, un ourlet par-ci, un ourlet par là… 
Effectivement, ce soir-là, Amadeus bégaya. Pendant tout le long du repas. 
Ce jour-là, Daisy se promit qu’elle réussirait à lui faire faire sa demande. 

Et Daisy eut sa demande, quelques mois plus tard. Evidemment, elle accepta, folle de joie, et pleura même un petit peu. Sa famille à elle n’eut pas vraiment d’objections, bien qu’ils trouvaient cela bien trop rapide, mais ils savaient pertinemment que leur cadettte finirait par quitter la maison, comme toutes ses sœurs avant elle. Et puis, il fallait le dire, Amadeus aurait pu être bien pire comme gendre. Daisy n’est absolument pas au courant que les Daugherty n’approuvent pas du tout leur mariage, et à vrai dire, celui n’avait pas beaucoup d’importance pour elle. 
Parce que ça faisait un moment que « Daisy Daugherty » sonnait très bien dans sa tête. 

Et malgré le fait que Daisy adore voir les choses belles et bien faites, elle n’exigea pas un mariage des plus spectaculaires à Amadeus, elle voulait surtout qu’il se fasse le plus rapidement possible. Il se fit en petit comité, avec la famille — du moins celle qui voulait bien venir, et les amis proches. Et bien que le mariage n’était pas grand, elle avait tout de même eu droit à une superbe robe comme aucune vélane de son village n’en n’avait portée, et une parure du plus bel effet. 
Amadeus récita ses vœux en bégayant. 

Le déménagement à Londres se fit très rapidement aussi. Daisy se sentit tout de suite très à l’aise dans une si grande maison, qui n’attendait que d’être remplie de choses qu’elle pourrait choisir, et des choses neuves, pas déjà usées ! Amadeus se demandait pourquoi la première chose qu'elle ait voulu acheter fut une machine à coudre, et elle lui expliqua la raison. Il eut la très mauvaise idée de l'emmener faire les boutiques... Daisy s'était cru au paradis. Elle n'avait jamais vu autant de vêtements au même endroit et osait à peine croire qu'elle avait autant de choix. C’est qu’il y avait tellement de boutiques !! Son premier jour de shopping suffit à faire déborder sa garde-robe à craquer. Qu’à cela ne tienne, elle utiliserait une chambre vide pour y mettre un autre dressing. Son mari tenta vainement quelques fois de se calmer sur les achats, mais elle le connaissait, son chéri. Un battement de cil, quelques larmes de crocodiles, et il lui cédait tout. Mais elle aimait ça chez lui, après tout, ça faisait partie de son charme ! Et puis, est-ce que toutes les femmes à Londres n'achetaient pas autant de vêtements ?

Un jour, Amadeus eut le courage de lui demander ce qu’il voulait le plus au monde — maintenant qu’ils étaient mariés : fonder une famille. Evidemment, une flopée de mauvais souvenirs lui revinrent immédiatement en mémoire et c’est avec un sourire forcé que Daisy refusa, en expliquant qu’ils étaient bien trop jeunes pour ça et que c’était sans doute trop tôt. Quand il bredouilla pour argumenter, elle plaqua ses mains sur la table avec un « NON ! » beaucoup plus ferme et se mit à lui balancer des boules de feu. Parce que c’était évidemment plus simple que de lui dire qu’elle ne voulait simplement pas être déformée au point de perdre toute beauté…

Amadeus n’insista plus depuis, mais Daisy voit bien que c’est quelque chose qui lui tient à cœur. Elle pourrait faire beaucoup de choses pour lui pourtant, s’il lui demandait. Tout sauf arrêter d’acheter et d’avoir un bébé. Mais sinon tout le reste. Car Amadeus… elle l’aime bien. Même beaucoup. C’est le premier garçon qui a vraiment fait battre son cœur, c’est son prince charmant, le vrai, celui avec qui elle aura une fin heureuse !
Mais parfois, tout au fond d’elle-même, elle se demande si elle est vraiment sa princesse. 

Elle essaye ne pas y penser, parce que son cher et tendre mari lui prouve tous les jours son amour sans borne, alors elle sourit, elle le câline, rit toujours de ses blagues et vit sa nouvelle vie de citadine. Elle fait les boutiques, va au Creature’s café, passe du temps avec ses amis, confectionne des vêtements pour Dahnya, bref. 

Daisy Daugherty, 20 ans, heureuse mariée. Un peu trop dépensière, un peu trop capricieuse.