Evangeline est parfaite.
Elle est sage et docile, et a assimilé très tôt les idéaux de la famille. Eduquée comme sang-pure par des sang-purs : Wolfgang Daugherty et Hagatha Daugherty, autrefois Blackwell. Elle a très vite compris ce qu’on attendait d’elle et a tout fait pour rencontrer les attentes qu’on avait pour elle dès son plus jeune âge. En plus de grandir dans la richesse, elle apprit aussi à se tenir à table, à se cultiver, à converser, à être polie et respectueuse, intelligente et vertueuse. Tout cela sans rechigner, car elle aimait être félicitée, qu’on soit fière d’elle, qu’on lui donne ce qu’elle voulait tant qu’elle faisait ce qu’on attendait d’elle. En grandissant endoctrinée par ses parents, très conservateurs, elle adopta leur point de vue sur tout et en tout.
Être une Daugherty, ça voulait dire être obstinée.
Et elle était obstinée à être irréprochable.

Evangeline est parfaite.
Ses bulletins scolaires ont toujours été remplis d’Optimal. Ses camarades se souviennent d’elle comme d’une véritable princesse de conte de fée, belle et gentille, rarement d’une pimbêche pourrie gâtée raciste. C’est qu’elle savait faire preuve de modestie et de subtilité. Bien évidemment, elle était comme tout le monde, il y avait des gens qu’elle aimait plus que d’autres — souvent des gens de son rang, et des gens qu’elle aimait moins — souvent des né-moldus, dans sang-mêlés ou des hybrides. Elle savait aussi cacher ses préjugés derrière de jolis sourires et des mots mielleux. Personne n’est complètement noir ou blanc, mais on pouvait apparaître doux comme un agneau de l’extérieur, pourtant pas si innocent à l’intérieur, relativement aisément.
On ne sait jamais ce qu’elle pense réellement, mais quand on sait de quelle famille elle vient, on s’en doute. Ceci dit, elle avait toujours fait de son mieux pour que cette réputation ne lui colle pas d’une mauvaise façon. Dans sa famille, c’est celle qui contrôlait le mieux ses émotions.

Evangeline est parfaite.
Juste après avoir été diplômée, elle accepta de se fiancer avec un Rosenbach. Ils se connaissaient depuis toujours, ils avaient grandi ensemble, et bien entendu le fait qu’ils aient grandi si près l’un de l’autre n’a jamais été anodin. Pour les deux familles, c’était l’occasion parfaite : les Daugherty devaient à tout prix redorer leur blason après le fiasco d’Amadeus qui a fait scandale, et les Rosenbach trouvaient qu’ils ne s’en sortaient pas trop mal d’avoir pu mettre le grappin sur une des rares sang-purs qui acceptait encore les mariages arrangés, d’autant qu’elle n’était pas la pire de tous : elle était plutôt jolie, était éduquée, savait également parler français et russe et était membre de l’organisation international du commerce magique, en plus de faire de nombreux dons de charités à de nombreuses associations, aux hôpitaux et aux orphelinats.
Sa vie était toute tracée, elle n’avait jamais dévié du droit chemin, et avançant pas à pas vers un avenir tout aussi merveilleux que prévisible. Se marier, avoir des enfants, être une charmante hôtesse de maison et se faire jalouser par les autres.

Evangeline est parfaite..
Dommage que son fiancé soit gay.
 

Evangeline Ylvana Amalya Daugherty est la deuxième née des enfants Daugherty., juste après Amadeus, et donc la première fille. A seulement un an d’écart, il n’y avait pas spécialement eu de préféré au début, les deux enfants étaient choyés et gâtés, destinés à de grandes choses aussi. C’est un peu plus tard que les choses commençaient à tourner au vinaigre. Alors qu’Amadeus se montrait de moins en moins motivés par les leçons à domicile qu’ils eurent très tôt, Evey restait sage et docile, attentive. Il ne fallut pas beaucoup plus pour que leurs parents finissent par avoir une préférée.

C’est que les parents Daugherty fonctionnaient au mérite : plus ils étaient fiers, plus ils faisaient des louanges et offraient des cadeaux. De ce fait, Evangeline était complètement pourrie gâtée et le centre d’attention total de ses parents, tandis qu’Amadeus était un peu laissé de côté. Ils ne l’aimaient pas moins, seulement ils attendaient moins de lui. Pourtant Evey ne ressentait pas un poids particulier fasse aux attentes de ses parents. Elle avait été complètement endoctrinée par les contes de fées, par les idéaux sur la pureté du sang, sur l’image qu’elle devait avoir et à quel point l’honneur de la famille était important.

Quant à sa relation avec Amadeus, eh bien, elle était plutôt tendre au début. Amadeus restait son frère, il était maladroit, plus réservé qu’elle, mais il était infiniment gentil, et il ne semblait pas jaloux non plus. Même quand deux autres enfants Daugherty naquirent, Evey restait plus proche d’Amadeus. De toute façon, elle ne voyait pas l’intérêt de rester avec ses cadets encore bébés, elle avait beaucoup trop de choses à apprendre et pas assez de patience pour des enfants braillards avec qui elle ne pouvait pas parler de toute façon. Plusieurs fois elle avait essayé de convaincre Amadeus de s’impliquer davantage dans son éducation, « pour la famille », et plusieurs fois il faisait des efforts. C’était pourtant évident qu’il n’y prenait aucun plaisir, pas comme elle.

La magie se manifesta très tôt chez les deux aînés, au plaisir des deux parents. Ceci dit, comme Amadeus fut le premier à montrer ces signes, il devint temporairement le centre d’attention de la famille, les Daugherty avaient appelés tout le monde pour fêter l’évènement. C’était la première fois depuis qu’elle était née qu’Evangeline passait inaperçu aux yeux de ses parents… Et elle ne le prenait vraiment pas très bien. Il semblerait que, si Amadeus n’avait jamais particulièrement été jaloux de sa sœur, il a suffit d’une seule journée pour qu’Evangeline le devienne.
Aussi, elle démontra qu’elle aussi pouvait faire de la magie alors que son père portait un toast en l’honneur de son frère, en faisant exploser le verre de son père.

Quand tous les invités rentrèrent chez eux, Evey se fit sévèrement gronder pour son manque de maturité et de discernement, de l’embarras dans lequel elle les avait mis et de son manque de respect ; ils ne l’avaient pas élevée comme ça. Elle supplia qu’on la pardonne, jura que ça ne se reproduirait pas, qu’elle ferait attention et qu’elle serait sage, mais elle fut quand même punie. Amadeus était venu la voir, il sentait quelque part que c’était de sa faute, mais Evey ne l’écouta pas.
Quelque chose s’était brisé entre eux.

Pourtant les choses reprirent son cours. Evey finit par se réconcilier avec son frère, du moins en apparence, car elle préférait qu’il continue à être gentil avec elle plutôt qu’il lui fasse concurrence. Amadeus continuait de ne pas atteindre les espérances de ses parents, et Evey faisait tout pour regagner leur attention, et un jour l’occasion se présenta. Ici, l’occasion s’appelait Jasper Rosenbach. Jasper avait un an de plus qu’Amadeus, et donc deux ans de plus qu’elle. Elle l’avait déjà vu quelque fois, à la table pour enfant chaque fois qu’une famille distinguée organisait un dîner, mais il y en avait tellement justement, des enfants, qu’il ne s’était pas vraiment distinguée de la masse pour elle. Récemment cependant, il venait de plus en plus souvent à la maison, pas que pour des réceptions ou des dîners, mais parce que ses parents et les siens semblaient bien s’entendre et discuter, beaucoup. Jasper était gentil, très gentil. Pour Evey, qui n’avait que huit ans à l’époque, c’était déjà un grand, il connaissait plus de choses qu’elle et il savait tout faire bien, pas comme Amadeus. Il n’en fallut pas beaucoup pour qu’elle tombe amoureuse, même si ça n’était qu’une amourette de gamine.
Mais leurs parents voyaient ça d’un bon œil.

Jasper et Evangeline continuaient de se voir régulièrement, ils jouaient ensemble, parlaient ensemble, mangeaient ensemble. Evangeline pensait naïvement que c’était juste « bien », parce qu’elle pouvait voir son amoureux parfait presque tous les jours. Jasper était un peu plus grand et avait déjà une idée de ce que ça voulait dire, car ses parents le taquinaient — le poussaient vraiment, dans cette direction. Il préférait ne voir ça que comme un jeu d’enfants, même quand il promit à Evangeline de l’épouser plus tard.

Vint enfin le moment d’aller à Poudlard. Amadeus avait été envoyé chez Gryffondor un an plus tôt, et elle avait été envoyé chez Serpentard. Les choses n’étaient pourtant pas simple ; déjà parce que son frère se faisait victimiser, et ensuite parce que sa famille souffrait de nombreux préjugés comme quoi ils étaient particulièrement racistes et colériques. Et pour être tout à fait honnête, c’était vrai, Evey le savait, seulement elle ne jugeait pas particulièrement que c’était une mauvaise chose. En revanche, elle savait que ça voulait dire. Premièrement, défendre Amadeus voulait dire être de son côté, et donc se faire victimiser aussi… Le mauvais plan. Ça ne lui faisait pas particulièrement plaisir, mais elle allait devoir laisser les choses comme ça, si ce n’est se moquer aussi. Deuxièmement, il allait falloir qu’elle soit irréprochable et montre qu’elle n’était ni raciste, ni colérique, ce qui s’annonçait déjà bien plus difficile.

Elle y parvint cependant. Elle ne pouvait pas grand-chose pour son frère, elle était embarrassée de le voir se faire martyriser par les autres mais ne voulait pas non plus lui porter secours de peur de tomber dans cette case aussi, et elle avait promis qu’elle ne ferait plus honte à la famille. Evey paraissait aussi particulièrement gentille, sans doute trop pour quelqu’un de cette maison, mais elle savait sourire, prêter, aider, rendre service, être mielleuse, intelligente aussi… Pour la plupart des gens de son âge, ça suffisait pour être dans la catégorie « gentille » en tout cas. Et même si la plupart des choses qu’elle disaient étaient fausses et hypocrites, si la plupart des choses qu’elle faisait étaient à contrecœur, si la plupart de ses sourires étaient factices, au moins, elle avait le mérite de réussir à sauver les apparences.

Il y avait aussi Jasper à Poudlard, et deux ans de différence commençaient à faire changer les choses. Jasper préférait rester avec des gens de son âge, et il traitait Evey de plus en plus comme une enfant, ce qu’elle prit très mal, mais elle ne pouvait pas se montrer aussi puérile qu’elle en avait l’air s’il voyait les choses ainsi. Elle prit sur elle, tenta d’être aussi mature que possible, jolie aussi… Elle cherchait tout simplement à lui plaire, puisque son amourette s’était transformé en bien plus que ça. Elle ne comprit que bien plus tard que tout cela avait été prévu par ses parents et ceux de Jasper, et ça n’avait plus énormément d’importance, si ce n’est qu’elle était sûre que Jasper lui reviendrait, quoiqu’il arrive. Elle veillait à ce qu’il ne l’oublie pas et à ce qu’ils gardent des liens « amicaux », ils se voyaient toujours souvent pendant les vacances où, loin de ses amis, il était plus chaleureux.

En cinquième année, il y eut des articles un peu partout dans les journaux à propos d’Orestes Ainsworth, comme quoi il abusait totalement de sa légilimencie pour extorquer des informations à tout le monde pour son job. Il ne lui en fallut pas plus pour demander au professeur Emerald de l’aider à devenir Occlumens. C’est qu’en plus d’être une sang-pure à Serpentard, elle était aussi une cousine du côté de sa mère, ça jouait en sa faveur. Apprendre à devenir legilimens était tentant également, mais chaque chose en son temps, elle ne voulait pas avoir une mauvaise réputation comme Orestes, autant garder ce genre de capacités secrètes.

Jasper avait été diplômé pour sa part, mais il lui envoyait régulièrement des lettres. Il était employé dans l’organisation internationale du commerce magique grâce à ses connexions. Etrangement, ils se parlaient beaucoup plus aussi. Et lorsqu’elle-même fut diplômée de Poudlard avec tous les honneurs, il lui fit sa demande.
Inutile de dire que les deux familles étaient enchantées. Il était question de préparer le mariage, mais Jasper préférait attendre, prétextant qu’Evey était encore trop jeune pour ça. En attendant, elle habitait encore avec sa famille, et sauvait encore les apparences. Une de ses principales occupations était de donner aux œuvres de charités et aux associations, et ce encore une fois dans le but de se faire bien voir et chasser les préjugés quant à sa famille.

Le problème fut quand Amadeus, qui s’était fait petit jusque là, revint soudainement d’un voyage en annonçant qu’il voulait épouser une vélane. C’était sorti de nulle part, comme ça, personne dans la famille n’en n’avait entendu parler avant. Evidemment, ce fut le chaos dans la maison, tout le monde était absolument contre. Evey prit même son frère à part pour lui parler de tout ce qui était vraiment en jeu ; ce n’était pas que l’honneur de la famille, c’était la réputation aussi, le fait qu’il se ferait harceler par les journalistes, que cette vélane était sans doute une croqueuse d’homme qui n’en n’avait que pour sa fortune car qui voulait se marier après deux mois seulement ?!
Amadeus n’en fit qu’à sa tête.

Aujourd’hui, encore et toujours, Evangeline tente tant bien que mal de rattraper le scandale de son frère. Elle donne encore plus aux œuvres de charités, aux associations, à l’orphelinat aussi. Elle donne des entrevues aux journalistes, accepte de faire la couverture de temps en temps, donne des conférences, assiste à toutes les réceptions, garde des connexions et s’en crée. Elle a été lauréate du sourire le plus charmeur par Sorcière-Hebdo cette année. Elle attend toujours son mariage avec Jasper. Elle ignore toujours qu’il est gay.
Et elle ignore toujours que tout n’ira pas comme elle l’entend.