J'ai reçu une lettre ♪

Un Patronus qu’il ne connaissait pas l’avait abordé alors qu’il se dirigeait vers la Grande Salle pour y prendre son déjeuner. Trois mots étaient restés ancrés dans l’esprit du Gryffondor alors qu’il écoutait le message. Super Gryffy. Salle commune. Important. Autant vous dire qu’il était à l’heure au rendez-vous.

Carys Wheler était une fille de sa classe. Il ne lui avait jamais vraiment parlé, elle était plutôt discrète, et Romeo étant ce qu’il était, il se retrouvait souvent attiré par les gens aussi bruyants que lui. Mais il savait qui était Carys Wheler. Il se demandait pourquoi elle avait besoin de lui. Ou de Super Gryffy. Il avait hésité à mettre son costume, mais c’était Romeo qu’elle avait appelé. Alors Romeo était arrivé.
Il y avait un air presque inquiet sur son visage lorsqu’il entra dans la salle commune. Elle avait dit que c’était important… Pourvu que ce ne soit pas grave ! Après tout, le boulot de Romeo – et de Super Gryffy – était de sauver les demoiselles en détresse. Vous pensez bien que s’il y en avait une, là, qui lui demandait de venir, c’était sûrement pour se faire sauver !
… non ?
Mais laissez-le rêver, enfin.

"Carys ?"

Elle était penchée près de la cheminée. Romeo s’arrêta à quelques pas d’elle, la scrutant avec curiosité. Que faisait-elle ? Il ne vit pas tout de suite ce qu’elle avait en main, elle le salua. Romeo sourit d’une oreille à l’autre.

"Salut !"

Il s’apprêtait à prendre son air de super sauveur ou de chevalier servant (ça revenait au même) pour lui demander ce qui n’allait pas, s’il pouvait faire quelque chose pour elle, mais il la vit sur le point de parler. Il se rappela que Carys était quelqu’un de discret, sûrement un peu timide, et comme Romeo n’était pas totalement indélicat, il la laissa faire.

"J'ai quelque chose à te demander..."
"Ah ?"

Regard interrogateur. Puis il vit l’enveloppe. Il se demanda s’il y avait un rapport. Il sentit le malaise de sa camarade de classe, aussi, mais ne réalisa pas vraiment que ça avait un lien. Il y avait des gens plus timides que d’autres, qui avaient beaucoup de mal à avoir une conversation normale sans regarder sans arrêt leurs pieds. Ce n’était pas quelque chose que Romeo connaissait, et pourtant il savait ce que ça faisait de chercher ses mots parfois. Même si la plupart du temps, il disait juste la première chose qui lui venait à l’esprit.

"Tout ce que tu veux !" proposa-t-il avec son grand sourire.

Il était tout simplement ravi de pouvoir rendre service. Tout le monde n’aimait pas son côté pot-de-colle, tout le monde n’aimait pas Super Gryffy non plus, alors quand on lui demandait spontanément son aide, Romeo était tout simplement heureux.

j'aurais dû, cette lettre
ne pas l'ouvrir peut-être

Ҩ

Romeo scruta avec intérêt l'attitude de sa camarade. Timide, elle l'était indéniablement. Il avait pu le voir en cours. Mais il ne pensait pas qu'elle serait gênée à ce point… Qu'avait-elle de si embarrassant à lui demander ? Il patienta jusqu'à ce qu'elle lui tende l'enveloppe qu'elle tenait, et le regard du Gryffondor se fit plus intéressé. C'était donc bien cela ! Une lettre… Pour lui ? Romeo n'avait jamais reçu de petits mots de ce genre, même avant de connaître le monde magique. Ici à Poudlard, il envoyait son Patronus ou un hibou délivrer un message. Parfois en classe, les filles se passaient des mots et pouffaient de rire dans son dos, mais il n'y avait jamais vraiment prêté attention. Il n'avait jamais passé de billet d'une personne à l'autre en classe, et heureusement ! Avec sa naïveté naturelle, il aurait sûrement ouvert le papier en se demandant ce qu'on lui voulait, sans savoir que c'était peut-être indiscret. Ou alors, il se serait fait prendre par Emerald (ne lui demandez pas pourquoi son nom lui venait en premier…) qui lui aurait demandé de faire partager à tout le monde ce qu'il essayait de cacher. Et alors la personne concernée l'aurait boudé, chose insupportable pour ce bisounours de Romeo.

Mais la lettre ne lui était pas adressée. C'était pour Super Gryffy. Le visage de Romeo s'illumina à ce nom, et il aurait vraiment fallu être débile pour ne pas comprendre que cela lui faisait extrêmement plaisir. Quant à lier son identité à celle du super-héros à la cape rouge de l'école… il n'y avait qu'un pas.

"Oh, Super Gryffy est euh… super occupé en ce moment, mais je lui transmettrai ! C'est bête que ton amie n'ait pas osé lui donner directement, il est gentil tu sais."

Il ne disait pas ça pour se lancer des fleurs, mais parce qu'il était désolé que sa double-personnalité puisse impressionner au point de demander à une amie de transmettre un simple message (croyait-il). C'est vrai quoi, Super Gryffy était un héros, il ne pouvait qu'être gentil ! Romeo ravala la remarque alors que Carys enchaînait :

"Je peux te faire confiance pour ne pas la lire ?"
"Bien sûr !" Il dessina une croix sur son cœur à la manière des enfants Moldus : "Croix d'bois, croix d'fer, si j'mens j'vais en enfer !"

C'était avant de réaliser qu'il allait être forcé de la lire pour Super Gryffy.
Et merde.
Il essaya de se rattraper pour rassurer Carys sans se donner mauvaise conscience :

"Je… je ne la ferai lire qu'à Super Gryffy."

Après tout, ce n'était pas parce qu'il ne savait pas faire la part des choses entre vie privée et vie de héros, jusqu'à rendre la justice sans son costume, qu'il ne pouvait pas faire un effort ! Il fallait bien apprendre un jour ! Tous les héros avaient une double identité et si Batman allait aux réunions de Wayne Entreprises dans son costume de chauve-souris, ça se saurait. C'était donc à Romeo de déplacer définitivement Super Gryffy dans la case "vie de justicier de la nuit" (ou du jour) et d'avoir une vie à lui, la vie de Romeo, celui qui ne lisait pas les lettres qui étaient destinées à sa super double identité ! Ahem. Heureusement pour tous les deux, Carys avaient l'air au moins aussi nerveuse que lui, ce qui arrangeait bien les affaires de notre Romeo qui pouvait se concentrer sur ses paroles pour oublier sa gêne.

"… elle n'a rien de louche, mais elle est peut-être un peu étrange et sans doute un peu beaucoup inutile et… Et je parle pour rien. Ahem !"

Un peu étrange ? L'attitude de Carys l'était, en tout cas, et Romeo se demanda un instant si ce n'était pas un piège. Après tout, il ne la connaissait pas tellement, peut-être cachait-elle son jeu, peut-être y'avait-il une bombe dans l'enveloppe et… ! *Tu es Romeo, pas Super Gryffy.* Super Gryffy avait des tas d'ennemis, forcément, sinon ce ne serait pas un héros, duh ! Mais c'était à lui de se méfier, pas à Romeo. Romeo était Romeo. Il n'était que le messager. Et si sa diabolique Némésis essayait de recruter des élèves de sa maison pour le piéger, ça se saurait ! Un petit rire nerveux lui échappa.

"Ne t'inquiète pas Carys, quoi que ce soit, je suis sûr que ça fera super plaisir à Super Gryffy. Il ne reçoit pas beaucoup de courrier alors… enfin, je trouve ça chouette. Et lui aussi, sûrement !"

Qui eut cru qu'ils auraient été deux à se faire passer pour ce qu'ils n'étaient pas ? Pas Romeo en tout cas, qui ne perçut absolument pas la maladresse de son interlocutrice.

"Merci à toi d'avoir transmis la lettre ! Tu veux que, euh… enfin, ton amie attend une réponse ?"

Il rangea délicatement l'enveloppe dans une de ses poches et ajouta :

"Je la donnerai ce soir à Super Gryffy, quand je le verrai. Enfin, ce sera sûrement ce soir, même s'il a pleins de trucs à faire, il sort souvent la nuit, pour patrouiller dans les couloirs, rendre la justice, tout ça… tu vois ce que je veux dire ?"

Romeo parlait lui aussi beaucoup, un peu pour ne rien dire, mais surtout pour cacher sa nervosité. Il avait l'impression de trahir sa deuxième identité, ce qui était un concept assez difficile à envisager. Super Gryffy n'allait pas lui botter les fesses parce qu'il avait lu la lettre qui lui était adressée, enfin !

HJ:

Spoiler: