Emmet ne savait pas trop s’il devait apprécier ou non la tournure des évènements. Il n’avait, à priori, pas vraiment ce puissant sentiment d’appartenance qui animait certains étudiants – même si faire parti de Serpentard était une victoire sur le chemin du cœur de son père, qui lui avait tapoté l’épaule quand il l’avait appris. Donc il ne détestait pas le fait de pouvoir rencontrer quelques Gryffondors – surtout les plus talentueux, téméraires et populaires, qu’il pourrait éventuellement utiliser à bon escient. Mais il n’appréciait pas non plus être privé de ses repères, de l’intimité de son dortoir et de sa salle commune, dans laquelle il avait si souvent étudié durant des nuits. Non, ce changement ne lui plaisait pas franchement, au final.

Icarus aux basques, il était donc parti à la recherche de la salle commune mais, hélas, ne parvenait pas franchement à en trouver l’entrée. Ils s’étaient déjà égarés deux fois quand l’Homme en Chien, son « wing men » avait repéré une bande de demoiselle qui lui avait fait tourner la tête. Fidèle à lui-même. Emmet soupira. Il ne savait pas trop ce qu’il pensait d’Iko. D’un côté, il devait bien avouer que le temps qu’il passait avec lui le changeait de son quotidien, et l’amusait relativement. De l’autre, il trouvait le gamin exaspérant et sans avenir – étrange, pour un Serpentard, le Choixpeau devait avoir bu trop de jus de Citrouille en lui assignant sa maison. Et il n’était pas sûr que ses relations avec une personne sans avenir survivraient à la fin de Poudlard. Enfin.

« Je ne t’appartiens pas. »

Il avait lâché ça d’un ton sec qui ne supportait aucune réponse. Il n’appréciait pas, mais alors pas du tout, certaines remarques d’Icarus. D’un regard, il le foudroya – ses yeux bruns tiraient un peu vers le rouge, rappelant ses origines de vampire, et ils avaient tendance à être très effrayants. Ignorant la fouine – ou le furet, ou peu importe le petit animal un brin ridicule sur son épaule – il s’apprêta à retenir son camarade quand celui-ci, décidément trop vif et trop rapide, courut presque jusqu’aux demoiselles pour leur sortir une phrase si mielleuse qu’elle en devenait écoeurante.

Emmet était fâché. Il rejoignit son compagnon, posa sa main sur son épaule et serra durement – c’était sa façon de montrer qu’une fois les demoiselles parties, il n’hésiterait pas à lui broyer les os pour avoir outrepassé ses droits. Mais l’énervement du Serpentard n’était appréciable que par le jeune homme, puisque ses yeux étaient devenus rieurs et son sourire léger était apparu. Humble, agréable et, somme toute, plutôt engageant, il reprit :

« Excusez-moi Mesdemoiselle. Mon camarade ici présent sort si peu souvent de son cachot qu’il en oublie les bonnes manières. Je vous présente Iko, je suis moi-même Emmet. »

Emmet ne souriait jamais beaucoup, de peur que les gens ne voient ses canines anormalement pointues – restes de sa mère. C’était dans ses yeux qu’il faisait passer le gros de son humeur. Relâchant la pression sur l’épaule de son petit soumis (dédicace !), il passa ses longs doigts fins sur son menton et reprit, l’air un peu gêné :

« Par contre, nous sommes vraiment perdus… Pourriez-vous… ?
- Suivez-nous, on va vous amener ! »

C’était une petite blonde qui lui avait répondu, tout sourire. Elle avait de très jolis yeux. En gloussant, les donzelles passèrent devant eux, et Emmet ne put s’empêcher de noter que l’une d’entre elles avait lancé un regard plein d’envie à son camarade. Il se pencha donc à son oreille, un peu en retrait, et lui glissa subrepticement :

« On règlera ça plus tard. Celle-ci craque sur toi, je me charge de Blondie. »

Finalement, c’était plutôt agréable, ce changement de dortoirs.

Emmet observait la petite blonde qui marchait devant lui. Il n’avait pas d’yeux pour aucune autre, c’était celle-là qui le tentait… Et, surtout, c’était celle-là qui avait eu l’air de vraiment l’apprécier. Perdu dans ses pensées, laissant Icarus faire la conversation – c’était à ça qu’il servait, après tout – le demi-vampire fixait le cou devant lui. Elle avait un cou faim, envoûtant, et il ne pouvait s’empêcher de saliver devant elle… Il avait vraiment, vraiment envie de la mordre.

Comme si elle avait entendu ce désir, elle se retourna brièvement et lui lâcha un sourire épanoui. Emmet sentit son cœur battre plus fort – parce que oui, malgré tout, il avait un cœur ! Décidément. Il avait vraiment envie d’y gouter. Et c’était un peu pathétique de perdre ses moyens dans l’espoir de récolter quelques gouttes de sang chaud… Ah, décidément, il maudissait ses origines vampires. Il secoua la tête, pour retrouver ses esprits, et accéléra légèrement pour venir aux côtés de la blonde. Nul besoin de mots entre eux – ce n’était pas le genre de séducteur qu’était Emmet. Il se contenta, sciemment, de laisser leurs mains se frôler. Un échange de regard, un sourire en coin, des yeux qui dérivent vers la bouche… Elle avait très bien compris, vu les rougeurs sur ses joues.

Tranquillement, il rentra dans la salle commune des Gryffondors… Et dut bien reconnaître que c’était beau et chaud, à l’image de leurs demoiselles. Ses yeux bruns rouges parcouraient les murs, émerveillés, jusqu’à ce qu’il entende sa blonde pouffer. Elle se moquait probablement de leurs têtes, eux qui dévisageaient la pièce avec intérêt. Il se tourna donc vers elle et, après qu’elle lui eut expliqué qu’elles montaient se changer, répondit, enjôleur :

« Merci, on vous attendra ici. »

Evidemment, par « on » il voulait dire lui, et par « vous » elle. Mais vu la façon dont il la regardait, il n’y avait pas de doutes possibles. Elle se retourna et, obnubilé, il put regarder encore un peu la courbure de son cou. Délicieux. Jusqu’à ce que sa félicité soit rompue par le vieux serpent qui lui servait d’homme de main. Il lâcha la demoiselle – qui reviendrait vite – du regard et se concentra sur Icarus. Presqu’affectueux, il l’écouta parler, rougir, et caetera, se pavaner comme un paon dans un zoo. Et puis, vif comme l’éclair, il se leva, attrapa Iko au cou et le plaqua brutalement contre un mur.

« Je sais ce que je fais. »

Il était parfois avare de mots, Emmet. Il approcha son visage de celui d’Icarus, dévoilant légèrement ses dents, tentant d’ignorer l’appel de ce cou palpitant et rajouta :

« Elle est à moi, ne t’avise pas de me le salir. »

Puis il relâcha sa prise, se détendit, s’épousseta et, tout naturellement, retourna s’asseoir sur les fauteuils. C’était quelque chose qui arrivait souvent, entre eux. Il était l’une des rares personnes qui supportait les crises de colère de Weibb. Son air calme revint sur son visage et il demanda simplement :

« Viens t’asseoir, et sois naturel. Tu comptes profiter de ta demoiselle ? Parce que si tu le fais, je m’installerai dans un autre dortoir. »

Il soupira doucement. Il ne parvenait pas à oublier ce cou.

Emmet s’était radouci. Ses crises de colère étaient sporadiques, tout comme ses crises de gentillesse ou de discussion. Conscient des risques qu’il prenait, Icarus marchait un peu sur des œufs, et il prenait garde à ne pas trop titiller le vampire. Brave petit. Plus calme, donc, il se contenta d’acquiescer aux paroles du Serpentard. C’était comme ça, entre eux : l’un parlait tout le temps quand l’autre se contentait de quelques gestes et regards. Ils étaient, en quelques sortes, complémentaires… Ce qui faisait d’eux d’excellents coéquipiers. Perdu dans ses pensées, les yeux sur le feu crépitant, Weibb ne se formalisa même pas des tentatives de son camarade de lui enseigner le flirt et la maîtrise de soi. Il répondit simplement :

« Je me contrôle parfaitement… »

Etrange, sachant qu’il venait de se lever brutalement et de plaquer l’autre contre un mur. Mais comme il était agacé depuis un bon quart d’heure, on pouvait dire qu’il avait su conserver ça pour quand ça ne lui nuirait plus. Le feu l’obnubilait tant qu’il ne réalisa pas que la salle se remplissait au fur et à mesure, et que les demoiselles étaient de retour. Il ne s’en rendit compte que quand une main fraîche se posa sur son cou, lui tirant un tressaillement de surprise. Il se retourna doucement et plongea ses yeux sanguins dans ceux, bien plus doux, de la blondinette. Elle ne l’avait donc pas oublié.

Emmet avait envie de tenter le diable. Ce rapprochement avec les Gryffondors, la quantité de personne présentes et tous ces chamboulements lui donnaient envie de tester son contrôle. Aussi céda-t-il sa place à la demoiselle, avant de s’asseoir sur l’accoudoir du fauteuil. Nonchalant. Et avec un accès privilégié sur son cou. Volontairement, il laissa sa main traîner, de sorte que chaque mouvement de la demoiselle l’effleure. Très vite, l’autre se colla contre elle. Il n’y avait pas plus explicite que le langage du corps.

Amusé par ce théâtre physique, Weibb laissait les mots à Icarus. C’était un personnage très mondain, qui avait toujours eu cette capacité à combler les vides, à captiver une audience et à créer une ambiance détendue. Décidément. Que foutait-il chez les Serpentards ? Deux ou trois fois, il répliqua et répondit, toujours d’une phrase courte, suivie d’un échange de regard. Ah, la vie paraissait si simple, comme ça… Jusqu’à ce qu’Iko ne décide de briser cette douce monotonie.


« Voyez vous, Ce gaillard est un vrai tombeur dans notre maison. Désirez vous que je vous raconte la fois ou lui et moi avons fini en retenue pendant une semaine à cause d'un malentendu avec un fantôme, une fée et un scrout à pétard ?»

Un tombeur, lui ? Est-ce qu’il avait seulement conscience qu’il était en train de ruiner ses chances ? Et quelle était cette histoire de scr… Non, il n’oserait pas, quand même ? Emmet se rembrunit légèrement, quelques secondes. C’était fugace. Et puis, enfin, il prit la parole, coupant court à toute histoire désolante qui aurait pu être racontée, d’une voix douce et presque enjouée, dissimulant aisément à quel point il était embêté… Un menteur professionnel.

« Voyons Icarus, ne m’associe pas à tes fabulations. Mesdemoiselles, je vous le dis. Le vrai tombeur, c’est Iko. »

Il était temps de rendre la monnaie de sa pièce à ce beau parleur qui avait failli le mettre dans l’embarras. Aussi, après avoir envoyé un coup d’œil perfide à Icarus, raconta-t-il gaiement :

« Je me souviens d’une fois où je l’ai vu ramener 3 demoiselles dans le dortoir. J’étais ébahi. Qu’il ai une nouvelle fille à son bras toutes les semaines, d’accord, mais trois d’un coup ! Vous vous frottez à quelqu’un d’expérimenté ! »

Il rit, observant les réactions du groupe. Deux filles prétextèrent qu’il se faisait tard, et qu’elles feraient mieux d’aller se coucher, mais sa proie était toujours présente, toute comme Emma, qui couvait Iko d’un regard de croqueuse d’homme. Emmet se serait presque laissé aller à rire, s’il n’avait pas eu peur de voir ses dents révélées. Il se pencha vers la chevelure soyeuse de sa conquête et lui murmura dans le creux de l’oreille :

« Je crains d’en avoir trop dit… Je ne suis pas très à l’aise avec tout ça… »

Ce soir, il jouait la carte de l’homme sensible. Il savait que c’était ce qu’elle voulait. Il était fort, à ce jeu.

Icarus s’en sortait bien. Il avait menti le plus éhontément possible, et même Emmet aurait pu jurer que ses paroles étaient vraies. C’était dans ces moments-là que Weibb comprenait pourquoi son camarade avait fini chez les Serpentards. C’était un menteur. Il se sortait de toutes les situations possibles et imaginables en trompant son monde. L’espace d’un instant, il se demanda à quel point il était lui-même manipulé, mais effaça cette idée de sa tête. Iko était bien trop con pour ça. C’était plus simple de se dire ça que de commencer à se méfier.

Très vite, le gamin se remit à faire la conversation, parlant des salles communes, et caetera. De temps à autres, Emmet acquiesçait, d’un signe de tête ou d’un petit grognement, mais il dévorait sa blonde des yeux. Plus la nuit tombait, plus il avait envie de planter ses dents dans son cou. C’était incroyable… Pourtant, ses ascendances vampires étaient chez son grand-père, c’était quand même loin, non ? Absorbé par le battement du sang de Blondie – il n’avait même pas retenu son nom, c’était plutôt pathétique – il faillit rater la question d’Icarus.

Il lui lança un regard interrogateur, après s’être forcé à se reconcentrer sur autre chose que le rythme entêtant – et plutôt rapide – de sa femelle. En quelques secondes, il vit les rougeurs sur les joues d’Icaca, le regard d’Emma, gourmand, et il comprit la question. Elle avait uniquement été posée parce qu’Iko se sentait mal à l’aise. Il hésita quelques instants à le laisser se débrouiller seul, mais finalement, dans un moment de bonté rare, il décida de répondre.

« Notre salle commune est tout à fait différente. Elle est sous le lac, donc par les fenêtres, on ne voit pas le soleil mais on le devine à travers l’eau. C’est assez sombre. Régulièrement, on voit des poissons qui passent… Certains sont assez effrayants. Tout – mur, sol, plafond – est fait de pierres, et pour nous permettre de voir, de grosses lampes rondes sont pendues à des chaînes qui devaient servir à torturer les ennemis de Poudlard, avant… Elles projettent une lumière aux couleurs de notre maison, verdâtre. »

Il avait commencé à prendre une voix lugubre – qu’il faisait particulièrement bien – et s’amusait à voir la bonne ambiance retomber, laissant place à une légère crainte. Emma se collait à Icarus pour se rassurer, ce qui amusait l’autre au plus haut point. Sans abandonner ce ton, il continua :

« Les fauteuils sont noirs, en cuir délavé, et l’âtre de la cheminée est décorée de serpents gravés. La légende dit qu’un Fourchelang pourrait animer ces serpents, et les envoyer tuer ses ennemis, fourbes – Légende complètement fausse pour ajouter à l’ambiance. La décoration est faite de crânes et d’armes magiques. On dit que chaque arme magique a tué un ennemi des Serpentards, et que chaque crâne appartenait à l’un d’eux… »

Silence. Et puis, Emmet se radoucit, frotte doucement l’épaule de sa demoiselle, qui frémit, et reprend joyeusement :

« Mais tout ça, ce n’est qu’une légende, et on se charge d’animer l’endroit ! »

Emmet est un champion de l’histoire bidon, mais il se fait tard, et inventer tant de choses le fatigue. Alors, poliment, il se lève et déclare, un brin moqueur :

« Mes leçons commencent tôt demain, Icarus et moi allons nous coucher. Bonne nuit à vous Mesdemoiselles, n’hésitez pas à revenir nous voir si vous avez besoin de distraction… Ou de réconfort. »

Quel charmeur. Sans lui donner la chance de rester, Emmet attrape l’épaule d’Icarus et, tandis qu’il bredouille ses au-revoir, l’entraîne vers les dortoirs avant de s’esclaffer, une fois hors de portée de voix :

« Dis donc, quel tombeur Iko ! Heureusement que j’étais là pour l’empêcher de te manger tout cru ! »

Emmet observa Icarus s’indigner de son comportement. Comme il n’y avait personne alentour, et que le Serpentard avait sûrement du remarquer ses dents pointues, vu le nombre de fois où il lui avait crié dessus, il se permit un sourire un peu plus franc, dans lequel on entrapercevait ses canines. C’était un sourire clairement amusé, un brin ironique et un peu flippant – les dents étaient entièrement à blâmer, pas le manque d’habitude des muscles de visage contractés par Weibb. Et c’était tout. Il avait réussi à esquisser une mimique joyeuse, il ne fallait pas non plus lui demander de parler.

C’est alors que, pénétrant machinalement dans le dortoir, il réalisa le nouvel agencement des choses. Ah oui, c’est vrai. Il y avait eu un échange, et ils se trouvaient deux fois plus nombreux dans le même petit espace, ce qui expliquait la position « gay échangiste » des lits – c’est-à-dire pleins de lits, excessivement proches, remplis d’hommes qui puaient la sueur et/ou ronflaient. Nickel. Espérant qu’aucun de ses nombreux camarades de chambre n’ai l’idée de pratiquer une quelconque activité nocturne – même solitaire – tant que l’endroit serait dans cette configuration, Emmet s’approcha précautionneusement de son lit – près de celui d’Iko – et y balança son sac.

Aux aguets, il observa le rebond de l’animal. Oui. Bon. Ni trop, ni pas assez : le lit n’était ni une planche de bois, ni un trampoline. Circonspect, le demi-vampire s’approcha et, avec une craintive délicatesse, vint poser son arrière train – fort séduisant au demeurant – sur les draps propres mis en place par les elfes. C’était étrangement confortable. Perturbé par cette constatation, il se permit quelques rebonds de test avant de s’étaler de tout son long... Il y avait une énorme barre dans son dos. A la fois furieux et content de pouvoir y redire quelque chose, il se redressa, s’apprêta à pester et réalisant que la fameuse barre était en fait son sac. Il n’avait donc rien à redire.

« Oh, non. Comme dirait un célèbre moldu : « Tout vient à point à qui sait attendre ! ». »

Vif comme un serpent, il se changea, de sorte qu’Icarus ne puisse pas voir son corps de dieu grec (dont certains muscles auraient fondu) et s’installa sous sa couette. Au chaud. Il était temps de dormir. Résolu et bien trop confiant, il se lova dans ses draps, s’enroulant dedans tel une saucisse dans un hot dog, et ferma ses deux yeux bruns-rougeâtre dont la couleur – on ne le répètera jamais – était assez originale. Apparemment, la disparition des prunelles n’était pas un signe assez évident pour Icarus. Il aurait peut-être du dire bonne nuit ou un truc comme ça. A la première phrase, Emmet répondit par un grognement – qui voulait dire « D’accord tais-toi je dors » mais qui, manifestement, avait été interprété comme « Mais oui tes questionnements sont super intéressants et il semblerait que ce soit l’heure et le lieu parfaits pour ça donc n’hésite pas et continue à affabuler je suis là pour répondre à toutes tes questions « - à la seconde, il laissa planer un long silence.

Qu’est-ce qu’il voulait faire plus tard ? Emmet n’y avait jamais réfléchi. Il n’avait pas de réelle passion dans sa vie, et sa motivation principale était de plaire à son père, ce qui expliquait sa réussite dans la majeure partie des matières. En fait, ce qu’il voulait ne comptait pas. Ce qui était important, c’était ce que son père voulait. Lui aurait adoré travaillé dans l’Histoire de la Magie, faire des recherches, comprendre la société des sorciers… Mais c’était bien trop peu prestigieux. Alors, il répondit :

« Je voudrais rentrer dans le Ministère… »

Sa voix était un peu triste, même s’il avait tenté de le dissimuler. Décidant que la méthode de l’Autruche était la meilleure, il ferma les yeux, décida de se retourner… Et heurta une boule de poil du nez. Un cri fort féminin lui échappa – adieuuu crédibilité – tandis que son cœur s’emballait, jusqu’à ce qu’il reconnaisse le furet d’Iko, apparemment aussi effrayé par cette soudaine rencontre que lui. Chuchotant avec énervement – oui oui, c’est possible – il attrapa l’animal sous le ventre, se retint de le lancer et le posa sèchement sur le lit de son comparse :

« Putain d’animal de mes deux, tu peux pas les ranger au moins tes poilus ! Sale gamin ! »

Il enviait Iko. Lui aussi voulait être un sale gosse… Mais son père n’accepterait pas.

Avait-il vraiment proposé de dormir avec lui ? Ou bien les oreilles d’Emmet l’avaient trahi ? Connaissant son camarade, il n’y avait pas de doute qu’il avait bien dit ça. Le Serpentard resta circonspect quelques secondes. Quelle réaction adopter ? Il hésitait entre s’énerver – encore – ou une solution plus douce et plus radicale. Finalement, il opta pour la deuxième, se retourna, caressa doucement la joue de son ami – tendrement, même – et lui susurra :

« Je ne serai pas contre… »

Il laissa le silence gênant s’installer, avant de quitter son attitude pour adopter un sourire ironique, où ses petites canines pointaient. Franchement, Icarus avait-il vraiment cru à ça ? Lui qui le connaissait assez pour l’avoir vu séduire un certain nombre de femelles, et jamais aucun mâle ? Il était si crédule et naïf. Résigné à ne pas dormir, le petit malin – oui oui, il mérite ce surnom – écouta l’autre parler. Il sentait sa déception quand il avait dit qu’il irait au Ministère. Et il sentait même… Un ton de reproche ?

Emmet se rembrunit. Il n’aimait pas ce reproche flottant, ça lui rappelait son père. Il n’avait pas l’intention de s’aplatir devant Icarus comme une purée de pomme de terre sous un steak haché. Weibb Junior se s’aplatissait que devant Weibb Senior. Aussi décida-t-il de couper court à cette journée de merde – bon, okay, c’était une bonne journée jusqu’à maintenant. Il laissa poliment Iko terminer – c’était quelqu’un de poli – avant de répondre sèchement.

« D’accord. »

Bon. C’était pas très sympa. Remontant sa couette jusqu’à ses oreilles, les sourcils irrémédiablement froncés, il se retourna de nouveau, présentant son dos – qu’il avait fort joli – à l’autre serpent et décida résolument de dormir. Toutefois, connaissant l’intuitivité exceptionnelle de l’autre idiot – capable de ne pas comprendre qu’il était de mauvaise humeur et de continuer de babiller ses bêtises – il lâcha un :

« Je suis fatigué, bonne nuit. »

On avait l’impression que ces quelques mots lui avaient arraché la gueule.

Emmet avait pris la difficile décision d’assumer sa fatigue et de fermer sa grande gueule, pour éviter de laisser son côté méchant ressortir pour de bon. Après tout, Iko restait quand même un genre de pote… Ou plus comme ce bouffon qui distrayait le roi. Il était amusant, et le demi-vampire ne souhaitait pas perdre ses quelques heures de rire quotidiennes. Il laissa donc les mots lourds de conséquence d’Icarus tomber dans le vide, s’écraser contre ses oreilles sans jamais atteindre son cerveau. Mieux valait ignorer ses conneries infantiles de Monsieur Je Sais Tout.

Drappé dans son air bougon, Emmet fixait le mur avec la même application que celle qu’il mettait en cours. Il détaillait chaque fissure, chaque tâche, se disant que si jamais il devenait un elfe de maison, il saurait exactement où laver dans cette pièce. De plus, ses yeux, habitués au noir et aussi perçants que d’habitude, couraient sur les lits et enregistraient pour lui le positionnement de chaque élève Gryffondor… Ce genre d’information pourrait toujours servir.

« Tu aimes le clafoutis ? »

A ce jour, Emmet aimait encore le clafoutis – bien qu’un événement ultérieur impliquant en plus des cerises et du Fluffy lui ferait vite changer d’avis. Mais à quoi bon répondre à ce genre de question ? il avait décidé de bouder et de ne rien répliquer – c’était ce qu’il y avait de plus sage à faire. Feignant le sommeil, donc, le demi-vampire intensifia le souffle de son sommeil et laissa même quelques ronflements percer dans sa voix. Comme s’il ronflait…