2 • ONESHOT

Il avait voulu dire non,
quelque chose dans ses os avait crié oui. S'il l'avait écoutée, il ne savait pas exactement quelle part de son âme était allée au devant de sa peur. Peur - c'était la première fois que ce mot naissait dans le fond de sa chair, c'était la première fois qu'il sentait un frémissement. En inscrivant son nom, en regardant le tableau, en entrant dans la salle,
Ben avait peur, c'était évidence.

Il ne savait pas tout à fait de quoi. Il fit taire sa peau, qui frissonnait, en montant sur l'estrade. Il préféra arborer son usuel air dédaigneux, même face au gentil Ronove.

Les décors étaient rutilants, les couleurs des maisons chatoyaient. L'odeur était la même, plus ample, les spectateurs se rassemblaient, plus échaudés ; et puis il y avait autre chose - c'était un peu différent.
Ben pensa aux regards délateurs qui lui brûlaient les tempes, il pensa aux murmures de ceux qui attendaient l'esclandre prochaine. Ils humaient l'air dans une fébrile expectative, parce que Ben Whitsett s'enflammerait, sans doute, une nouvelle fois.
Mais le tyran semblait éteint -

« - Expelliarmus.

L'immensité de la salle, le bruit cartilagineux de ses doigts autour de sa baguette, les résonances de chaque cri et des souffles de tous. Un mélange étrange, une nébuleuse de choses, un trop-plein. Un magma qui lui incendiait les bronches. Son adversaire s'était protégé.

Le vertige lui venait, sans doute la vastitude de l'espace. La nausée aussi - tous ses organes étaient au bord de ses lèvres. Ben était ébaubi, écœuré ; il avait l'impression de ne pas savoir ce qu'il faisait là. C'était pourtant très simple, et très familier, de lever le poignet et la langue pour énoncer un sort. C'était un duel, et il fallait qu'il se réveille. Il fallait qu'il tue cette torpeur, et qu'il gagne.

Il ne connaissait pas la formule lancée par le concierge. Elle lui parut tout à fait grotesque. Et comme si la douceur et la bienveillance s'annihilaient dès qu'ils le touchaient, l'effet ne vint étrangement pas.
Il baissa ses épaules fatiguées, éleva ses yeux rouges.

- Incarcerem.

Les cordes se nouèrent, s'entrelacèrent. Une force magique emprisonna Ronove avec une agressivité transposée des bras du gryffondor jusque dans les liens.

Ben garda ses deux pupilles en hauteur. Elles luisaient comme deux lampions d'enfer. Elles étaient des braises qui ne s'éteignaient pas, persistantes, refusant l'étouffement ; elles était terribles.
C'était étrange - Ben ne ressentit aucun plaisir à voir l'adulte en position de faiblesse. Son orgueil s'écroulait, inexplicablement, comme un pilier de cendres. Il observa avec distance et silence, avec lenteur, avec une neutralité si douce qu'elle en devenait affreuse.

C'était peut-être ainsi, muet, ombrageux, disparaissant sous sa propre mollesse, que Ben était le plus effrayant. C'était peut-être au centre de son propre malheur qu'il devenait réellement ignoble. Il évita les oiseaux frondeurs qu'un Ronove inquiet lançait à ses trousses ; et chassant une plume du creux de son épaule, il leva une main livide et murmura.

- Confundo.

L'autre se protégea, vif. Ben n'oubliait pas qu'il se battait contre plus grand que lui.
Il appelait ses instincts, il les invoquait avec force. Sa tête de glace et de marbre ne bougeait pas, même ses cheveux cendrés restaient immobiles. Ben souhaitait le retour de son lui habituel, abject, vil, pesant. Il se sentait fantôme, erratique personnage qui n'entendit ni les cris des élèves ni l'écho de ses propres pas. Il voulait chasser ce mal-être imbécile, il voulait se savoir, avec lourdeur, reprendre substance.

Où était ce tyran imperturbable qui lançait les plus acides diatribes ? Il cherchait encore l'éclat de son dédain, tâtonnait pour trouver sa gloriole. Mais pour l'heure, il évitait à nouveau - inexplicablement - le sortilège lancé par Ronove, lui aussi raffermi. Tous deux aspiraient au sérieux. Et à la victoire, le doute était impossible.

Ses dents se montrèrent. La voix de Ben éclata, elle était plus forte qu'avant.

- Confringo.