No light { Calvin

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Calvin resta debout au milieu du couloir, son regard attiré par une énième bulle de couleur qui passait par ici. Elles étaient belles, ces couleurs. Vives, elles invitaient au sourire, à la joie, au bien être. Calvin aimait croire que s'il avait été une bulle de savon, il aurait été une bulle grise. Sans couleur. Sans doute sans intérêt également, à part celui de trouver quelqu'un qui réussirait à le colorer, justement.

Calvin ne sourit pas. Il ne souriait jamais de toute façon. Il était presque sûr que le jour où il essayerait de le faire, ses lèvres se déchireraient parce qu'elles n'auraient pas l'habitude de faire ce mouvement. Pourtant la question l'amusait. Pourquoi est-ce qu'elle voulait savoir ça ? Pour tout lui envoyer à la figure la prochaine fois ? Elle ne comprendrait même pas pourquoi tout ça le touchait autant.

-Je crois que le pire est quand on me traite de monstre, parce que ça, je ne peux rien faire contre.

Son père avait été un monstre et dans excès de colère, il avait rendu son fils à son image puisqu'il ne pouvait pas modeler son caractère. Calvin était aussi pourri à l'extérieur que son père avait pu l'être à l'intérieur et cette pensée ne pouvait pas le quitter, revenait en surface à chaque fois que l'insulte revenait. Il ne voulait rien avoir à faire avec son père. Il ne voulait pas être associé à lui.

-On se lève tous du mauvais pied, parfois, mais ça ne rend pas l'agression de quelqu'un plus justifiable.

Il retenait la colère de trancher dans sa voix. C'était le genre raisonnement qu'aurait pu avoir son père. le battre juste parce qu'il n'était pas d'humeur aujourd'hui. Torturer sa soeur simplement parce qu'il s'était levé du mauvais pied.

Date d'inscription : 05/02/2014

« On se lève tous du mauvais pied, parfois, mais ça ne rend pas l'agression de quelqu'un plus justifiable. »

Elle ne savait pas trop pourquoi elle s’y attendait ; elle s’y était attendue au moment-même où elle avait prononcé la phrase. C’était quelque chose qu’on lui disait souvent, d’ailleurs. Quelque chose auquel elle avait droit presque tous les jours, dans tous les regards et dans tous les reproches. On est tous comme ça. Ça arrive à tout le monde. Amy détestait ce genre de réponses plus que tout au monde.

« On n’est pas tous pareils, Calvin. »

Sa voix était étonnamment douce. Sa lassitude avait atteint un degré tel qu’elle ne voulait même plus hausser la voix. Ce qu’elle venait de lui dire, pourtant, elle l’aurait crié de toute la force de sa voix, de tout son cœur elle pensait ce qu’elle disait. Tout le monde n’est pas pareil, personne ne vit la douleur, la déception ou la colère comme le vivrait quelqu’un d’autre que lui. Se lever du mauvais pied n’avait été qu’une expression, parce qu’elle ne trouvait pas les mots. Parce qu’elle n’aurait jamais pu les trouver.

Elle s’était excusée auprès de lui ; elle lui avait dit qu’elle ne le connaissait pas pour le traiter de la sorte. Il aurait dû faire pareil. Il n’aurait pas dû l’agresser de son incompréhension, c’est ce qu’elle pensait au fond d’elle à cet instant précis.

Mais tout le monde l’agressait, personne ne comprenait. Il disait qu’il voulait l’aider, mais elle n’était même pas sûre qu’il ait les nerfs pour l’écouter, ne serait-ce qu’essayer de comprendre ce qu’elle voulait tant bien que mal transmettre à travers ses expressions mal trouvées.
Se lever du mauvais pied. C’était tellement un euphémisme.

« Tu ne peux pas m’aider. Tu ne pourras aider personne si tu es aussi intolérant vis-à-vis des humeurs des autres et de leurs problèmes. »

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-Je sais.

Calvin était quelqu'un de différent de son père, si haït, si cruel, si pitoyable aussi. Calvin était quelqu'un de différent de sa mère, si faible, si inutile, si terriblement incapable de protéger les êtres qu'elle avait mis au monde. Calvin n'avait pas ces vices. Calvin était quelqu'un de droit, quelqu'un qui détestait la violence, quelqu'un qui croyait en la justice et qui essayait de la répandre le plus possible autour de lui.

-Je ne suis pas intolérant vis-à-vis de tes humeurs ou de tes problèmes, Amethyste. Je suis intolérant vis-à-vis de tes actes et c'est là toute la différence.

On n'attaquait pas les gens juste par caprice. Surtout pas devant Calvin. Il voulait bien régler le problème d'Amethyste, ou au moins essayer de le régler, mais ça serait en jouant selon ses règles, et pas celle de la fille aux cheveux bleus.

-Je crois en la discussion, je crois aussi que si tu veux vider tes nerfs et ta colère sur tes affaires, tu peux le faire, je n'ai pas mon mot à dire. En revanche, si tu t'en prends aux autres, c'est très différent. Ils ne demandaient rien à personne. Je suis peut-être vieux jeu, mais je ne pense vraiment pas que les agressions soient une bonne chose.

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« Voudrais-tu dans ce cas devenir mon punching-ball ? Ou bien préférerais-tu qu’on s’assied ici et qu’on se raconte nos problèmes mutuels ? Je devrais aussi aller m’excuser auprès de cet élève, qu’en penses-tu ? »

Amethyste plaisantait, bien évidemment. Ça lui arrivait rarement, de plaisanter avec un ton aussi amer. Pourtant, quelque part elle se devait d’admettre que Calvin disait vrai. Mais ses actes, elle ne pouvait ni les contrôler, ni les réprimer. Elle savait qu’elle agissait de manière irresponsable, surtout pour une fille de son âge. Pourtant, parfois le trop-plein prenait le dessus sur elle, parfois – souvent, elle perdait le contrôle. Personne ne pouvait la blâmer pour ça parce que personne ne pouvait comprendre. Ni Calvin, ni aucun autre ne vivaient dans sa peau. Un douloureux pincement au cœur la surprit alors qu’elle se ressaisissait en silence ; Caesius lui comprenait. Lui seul comprenait, d’ailleurs. Il ne donnait jamais l’impression de la blâmer pour ses éclats, il se contentait de les subir avec un sourire. Personne d’autre que lui ne faisait ça.

« Bon, dis-moi ce que tu comptes faire, maintenant. Je reconnais mon tort, à toi de me dire ce qui vient ensuite. »

Elle devenait lasse, ça se sentait dans sa voix et dans ce qu’elle disait. Elle s’en fichait d’aller en retenue, de toute façon la journée ne s’annonçait pas du tout glorieuse. Elle devait terminer ses devoirs d’Arithmancie de toute façon, ça lui fera une occupation. Elle verrait Caesius, avec un peu de chances. Elle sentait que si elle lui parlait elle irait sans doute mieux après.

« Franchement si tu veux m’envoyer en retenue, vas-y, fais-le, je m’en moque un peu à vrai dire. Si tu veux retirer des points à ta propre maison, fais-le aussi, je ne vais pas t’en empêcher. »

Elle haussa les épaules et s’accola au mur en le fixant droit dans les yeux. Ça devait le mettre mal à l’aise, mais l’idée n’effleura pas l’esprit d’Amethyste. Toute force de résistance la quittant finalement, elle s’abandonna complètement à lui.

« Si ça peut te faire te sentir mieux pour le reste de la journée, alors fais-la, ta bonne action. »

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Calvin fit la moue, se demandant si au moins elle comprenait qu'il n'était pas son ennemi dans cette histoire, mais juste un type qui faisait son boulot du mieux qu'il pouvait. Il y avait toujours des trublions dans le château, des gens qui voulaient absolument transgresser les règles et faire des interdits. Lui, il se contentait d'appliquer les règles et de les punir lorsqu'ils faisaient ça.

-Oui, je vais t'envoyer en retenue. Pas pour me sentir mieux, mais parce que tu le mérites et que tu as mal agis. Tant que tu n'auras pas compris ça, tu continueras à recevoir des retenues et je crois que tu as grand besoin de l'intégrer.

Il ne détourna pas le regard, peu intimidé. Il exerçait sa fonction ici, il n'était pas Calvin l'élève qui doutait de lui-même, mais Calvin le préfet qui appliquait à la lettre le règlement. Il n'aimait pas spécialement Amethyste, pour ne pas dire pas du tout. Mais d'une façon plus générale, il avait assez pitié d'elle. Elle et tous les récidivistes qui ne savaient pas vivre en société selon des règles que la société avaient établie pour leur bien être.

-Tu iras faire ton heure avec le professeur Mantis. Ce n'est pas une bonne action. C'est la seule action possible à faire pour moi. Je ne viendrais pas te parler de devoir, mais c'est la seule chose que je suis d'accord pour reconnaître.

Date d'inscription : 05/02/2014

Amethyste sourit.
Son angoisse lui remontait légèrement au ventre, pourtant. Des retenues, elle en avait eu par centaines. Elle avait eu pendant toute sa scolarité plus de retenues que n’importe quel autre élève, elle en était certaine.
Si tu penses faire la chose la plus juste, pourquoi est-ce que tu te justifies, Calvin ?
Elle ne savait pas. Elle était persuadée que ses mots n’avaient eu aucun impact sur lui. Elle n’avait jamais compris les préfets, surtout ceux de Serpentard. Athene était lourde, stricte, mais elle était aussi juste et surtout, parfois, compatissante. Amethyste elle-même le reconnaissait, Athene avait fait preuve de patience avec elle, avant de jeter l’éponge et d’abandonner. Et encore, elle admettait même qu’elle avait eu raison de le faire. Calvin, lui, ne semblait pas vraiment faire attention à ce qu’Amethyste disait, et donnait l’impression de seulement vouloir faire son devoir, sans penser à rien à part ça. Elle se disait que la différence était finalement flagrante – Athene, elle, faisait son devoir, mais pas pour le simple fait de le faire. Elle le faisait parce qu’elle se souciait réellement des élèves. Même si la plupart des cas son attention n’était pas vraiment désirée, et que la croiser dans les couloirs n’était pas une bonne idée, Amethyste savait qu’elle méritait qu’on la respecte.

« Je persiste à croire que c’est pour toi que tu le fais. Comme si tu avais été programmé pour le faire. »

Elle s’assit sur le rebord de la fenêtre et regarda à travers. Elle pouvait voir les serres de là où elle se tenait. Elle sourit à nouveau. Elle ira peut-être y faire un tour, après.

« Tu vois, d’autres préfets font leurs devoirs comme tu dis, mais parfois ils ne laissent pas le règlement l’emporter sur tout. Dans certaines situations le règlement n’apporte pas de solutions, et dans ces cas-là il faut faire appel au bon sens. À la compréhension. »

Encore une fois elle avait pensé à Athene – car c’était la préfète qui l’avait le plus collée à la peau, et qui le fait encore. Pendant une période elle avait été si déterminée qu’elle ne la lâchait pas d’une semelle. Amethyste pensait même, parfois, qu’Athene avait vu du bon en elle. Et parfois aussi, mais plus rarement, Amethyste admettait qu’elle avait tort d’agir aussi violemment avec elle, malgré toutes ses tentatives pour la calmer.
Et même lorsqu’elle abandonna tout espoir de la calmer de son hystérie, elle ne la lâchait pas d’une semelle pour autant, et parfois il lui est arrivé de la laisser s’en sortir avec une bourde, quand Amethyste voulait bien se justifier. Parce qu’elle était compréhensive. Contrairement à Calvin.
Amethyste finissait toujours par détruire, méthodiquement et avec beaucoup de fracas, toutes ses relations.

« Ce n’est qu’une feuille de papier après tout. Il y’a bien plus au-delà. »

Elle pensait à Caesius. Les sentiments qu’elle avait pour lui étaient irrévocablement une offense au règlement. Mais ils dépassaient surtout et de bien loin tous ces papiers.

« Si quelqu’un s’attaquait à ta sœur dans le monde moldu, ou à quelqu’un qui te tient à cœur, et qu’il avait fallu que tu brandisses ta baguette pour la défendre, tu ne le ferais pas juste parce que c’est contraire aux règles ? »

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Calvin haussa un sourcil. Amethyste pouvait bien penser ce qu'elle voulait, mais si quelqu'un avait programmé Calvin pour être ce qu'il était, c'est bien lui. Qui aurait pu l'aiguiller vers cette voie sinon ? Son père ? HA ! Ridicule. Son père était en prison, pas près d'en sortir après avoir passé la moitié de la vie de Calvin à lui apprendre que la justice n'existait pas. Sa mère ? L'idée était toute aussi ridicule. Elle, elle ne lui avait rien appris à part le silence et l'art de disparaître.

-La compréhension ? Les autres préfets font bien ce qu'ils veulent, mais ce n'est pas avec de la compréhension qu'on règle le problème. Est-ce que je devrais aller voir l'élève que tu as attaqué pour lui dire que tu ne seras pas punie parce que je me suis montré compréhensif ?

Est-ce qu'il aurait du se montrer compréhensif avec son père ? Est-ce que ça l'aurait fait s'arrêter ? Des fois il n'y avait rien à comprendre. Calvin avait appris à la dure que tant qu'on ne punissait pas, il y avait récidive. Cependant il voulait bien admettre quelque chose : Amethyste n'était pas son père.

-Je veux bien me montrer compréhensif avec toi. Je ne te connais pas. Je ne sais pas ce qui c'est passé dans ta vie, peut-être as-tu tes raisons d'être comme tu es, tout comme j'ai mes raisons d'être comme je suis, mais le fait est que même en te comprenant, tu as fait une faute et maintenant tu dois en assumer les conséquences. C'est comme ça que ça marche. Mon rôle est de faire comprendre aux élèves que leurs actions, les bonnes comme les mauvaises, ont des conséquences qu'il faut assumer.

On aurait dit qu'elle pensait que ça lui plaisait de se balader dans les couloirs avec un air patibulaire pour punir quiconque posait le pied en dehors de la sacro-sainte ligne du Règlement Intérieur de Poudlard. Il ne savait pas de quoi Amethyste voulait parler. Il ne comprenait pas ce qu'il y avait derrière la feuille de papier, comme elle le disait.

La mention de sa sœur n'eut pour effet que de le renfermer une fois de plus. Elle ne savait rien de ce qu'il avait fait pour sa sœur et c'était mieux comme ça. Aurait-elle pu rester debout devant cette porte à sa place, si elle avait été dans son cas ? Et lui, qu'aurait-il du faire ? Attaquer son père ? Il n'avait pas d'arme et son père possédait sa baguette.

-La légitime défense n'est pas interdite. Par contre ce que toi tu as fais ça l'est. Si je dois un jour lever ma baguette pour défendre ma sœur, je le ferais, mais je n'irais pas m'en prendre à qui que ce soit sans raison vitale. En tout cas, certainement pas parce que j'ai des problèmes d'humeur.

Amethyste n'avait pas l'air d'être une fille véritablement méchante, mais elle était agressive et ça n'était pas une bonne chose. Elle devait apprendre à se contrôler et il était sûr qu'elle avait les moyens de passer outre cette envie de violence. Il fallait juste qu'elle trouve comment. En attendant Calvin serait là pour lui faire comprendre que ça n'était jamais une bonne solution et que tout avait toujours des conséquences.

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