Louis ne voulait pas lâcher l'affaire. Wendy ne l'avait pas vraiment convaincu, et il pensait à juste titre qu'elle n'allait rien faire du tout, alors il faisait de son mieux pour la pousser à agir, en lui renvoyant sa lâcheté dans la figure sans aucun tact. Wendy se recroquevilla encore un peu plus. Mais ils étaient vraiment arrivés au bout de cette discussion, et c'est avec soulagement que la petite sorcière l'écouta parler d'autre chose, de son meilleur ami Andrea.

Andrea était à Serdaigle – la Poufsouffle s'était attendue à ce qu'il soit à Serpentard lui aussi, elle en fut un peu surprise. Ils n'étaient ni dans la même maison ni dans la même année, et ne pouvaient pas passer autant de temps ensemble que Juliet et Wendy. Mais ils avaient l'air de bien s'entendre quand même, et de beaucoup se ressembler aussi, et Andrea faisait de son mieux pour aider Louis avec les cours. Wendy se mit à sourire un peu.

« J'ai une meilleure amie, moi aussi ! » commença-t-elle en guise de réponse. « Mais elle ne se bat pas. Elle pense que tout le monde est gentil, et elle veut être amie avec tout le monde. Et elle adore les animaux, et elle aime beaucoup aider les gens, et elle est très jolie, et on passe tout notre temps ensemble. On se connaît depuis toutes petites tu sais, et on a le même âge, donc on est entrées à Poudlard ensemble, et on a été mises dans la même maison. On a eu de la chance ! On est dans le même dortoir du coup, et on a choisi des lits côte à côte ! Et moi aussi je l'aide avec les cours parce qu'elle a du mal, comme toi et Andrea. Ma meilleure amie, elle s'appelle Juliet. Elle est vraiment formidable. »

Parler de Juliet agrandit le sourire de la petite. Wendy aimait beaucoup sa meilleure amie. Elle savait toujours ensoleiller ses journées. Rien que la voir lui permettait de chasser au loin toute sa tristesse et ses malheurs, comme s'ils n'étaient plus que des mauvais souvenirs. Wendy était heureuse avec elle.

« Mais sinon, je n'ai pas d'amie pour me défendre, non. » conclut-elle. « Il y a Alix, qui vient me voir parfois, pour savoir si tout va bien, parce qu'elle sait que je me fais embêter. J'aimerai beaucoup être son amie. Elle est formidable Alix, c'est la grande fille aux cheveux blancs qui est capitaine de Quidditch, et elle a une batte et elle a pas peur de se battre même si elle ne cherche pas la bagarre en fait. Je voudrai être comme elle. Mais on ne se parle pas beaucoup. Elle est en septième année, et elle a ses amis et tout, c'est normal qu'elle n'aie pas envie de passer du temps avec moi. Et puis l'année prochaine elle s'en va, parce qu'elle aura fini ses études à Poudlard. Mais parfois elle m'aide. Elle est vraiment très sympa et tout le monde l'aime beaucoup. »

Wendy ne venait jamais la voir pour lui parler de ses ennuis, et elle lui racontait rarement ses malheurs quand Alix faisait l'effort de prendre de ses nouvelles. Elle avait peur de l'embêter. Et elle avait le sentiment que Nanette s'en prenait à elle pour atteindre Alix. Alix était intervenue lors de leur toute première rencontre, et Nanette s'était très vite désintéressée de la petite Poufsouffle pour essayer de provoquer la grande. Wendy s'en sentait un peu coupable. Elle avait l'impression de causer des ennuis à son aînée jaune. Et elle ne le voulait pas, et elle taisait tout ce qu'elle pouvait pour ne causer du tort à personne.

« Tout le monde est gentil à Poufsouffle, tu sais. On ne se bat pas vraiment, sauf Calypso et Alix, je crois. Même Kalev, qui est dans l'équipe de Quidditch, donc il a sûrement peur de rien, il est tout gentil. »

Wendy fronça imperceptiblement les sourcils. On ne disait pas du mal de Juliet. Juliet, elle était parfaite comme elle était. Elle ne se ferait jamais tuer par un centaure enragé, parce que d'abord les centaures ne devenaient pas enragés, et qu'ensuite elle savait se tenir en société quand même. La preuve, le dernier centaure en date à l'avoir approchée était tombé amoureux d'elle et n'avait jamais eu aucune intention de la tuer, bien au contraire. Ce qui ne plaisait pas non plus à Wendy, d'ailleurs. Mais voilà, Juliet elle était tellement bien que même les centaures l'aimaient. Louis parlait sans savoir. Il était un peu orgueilleux, en fait.

Et la suite de ses paroles montrait bien qu'il n'avait rien compris : Wendy ne disait rien pour n'attirer d'ennuis à personne. Si Juliet savait, elle en serait toute fâchée, et chercherait à confronter l'autre Serpentarde dans un couloir – pour finir elle aussi tête la première dans le couloir marécageux. Et ça Wendy ne le souhaitait pas. Elle ne souhaitait pas non plus imposer ses problèmes aux plus grands de sa maison – ils ne se connaissaient pas tant que ça, quand même, la petite fille avait plutôt tendance à les admirer de loin. Et Alix qui était déjà impliquée se faisait régulièrement embêter. Elle était assez forte pour s'en occuper (c'était Alix) mais quand même. Elle n'avait rien réglé et n'avait récolté que des ennuis. Wendy ne souhaitait ça à personne.

Wendy agissait, à sa manière. Elle taisait le problème pour mieux l'étouffer – c'était une manière de le combattre. Et si elle ne disait rien, personne n'avait de raison de s'inquiéter. Il y avait juste des moments comme celui-là, où elle avait besoin de pleurer un bon coup avant de se remettre à sourire. Elle regrettait vraiment d'avoir avoué ses problèmes à Louis. Il avait eu l'air d'être gentil, mais en fait il était dur et il ne comprenait rien. Il réglait ses problèmes d'une toute autre façon qu'elle, en fonçant dans le tas tête baissée et poings brandis, et ne semblait pas saisir qu'on puisse penser différemment. Louis quitta la salle l'air profondément agacé. C'était tant mieux. Wendy aussi était soulagée qu'il s'en aille.

C'était d'autant plus agaçant de se faire dire la morale comme ça qu'elle sentait qu'il avait un peu raison, au fond. Wendy était lâche, elle le savait, et elle aurait du affronter ses problèmes plus directement, et plus courageusement. Elle aurait du en parler aux préfets. Ou aux profs, ou à quelqu'un, quelqu'un qui puisse vraiment agir. Elle avait un peu honte d'elle-même et de sa conduite. Et Louis qui ne l'écoutait pas et qui en venait directement à ses solutions toutes faites (et s'énervait quand elle n'y mettait pas tout son approbation dès le début) n'arrangeait pas les choses. Louis n'aimait bien Wendy que quand elle était d'accord avec lui, en fait. Il aurait mieux fallu qu'il ne vienne pas lui parler, et qu'il la laisse pleurer toute seule. Tout avait bien commencé pourtant, ils avaient eu l'air de bien s'entendre. Elle avait été vraiment bête de se sentir un peu à l'aise avec lui et de se confier. Elle avait failli se faire un ami ; et non, et elle se disait que c'était probablement mieux comme ça. Wendy ne savait pas quoi penser de leur rencontre.

Enfin il était parti maintenant. Tant mieux, au final, pensait-elle, tant mieux. Wendy se sentait encore plus fatiguée qu'avant. Wendy n'avait aucune envie de se lever et d'affronter le reste de la journée. Il allait bien falloir qu'elle le fasse, pourtant, les cours allaient reprendre qu'elle le veuille ou non ; mais elle avait encore un peu de temps, pour rester assise, là, juste un peu plus, sans pleurer, sans rien faire, en espérant que personne d'autre ne vienne la déranger.

Cette journée commençait vraiment mal.