Y'a des gens qui ont du bol, à Poudlard. Y'a des gens qui ne voient pas que dormir la nuit dans un lit à soi est un luxe que tous les élèves n'ont pas. Et pendant que les braves gens dorment sur leurs deux oreilles, il y a des élèves qui doivent se débrouiller tant bien que mal pour dormir la nuit, et qui se retrouvent à squatter des fauteuils ou des sofas dans la meilleure des situations, ou qui se retrouvent à piquer une sieste quand ils ont une heure de trou dans la journée, ou alors à piquer du nez dans la bibliothèque alors qu'ils auraient du travailler. On s'habitue, en fait. On s'habitue à tout, on apprend à gérer. Et Flavian qui ne dormait pas dans un lit (puisqu'il n'en avait pas) savait où trouver des bonnes planques pour faire une bonne petite sieste quand il en avait besoin.

Mais les abrutis qui jouaient aux rebelles et qui voulaient pas dormir la nuit, qui faisaient des siestes dans des endroits bizarres pour défier l'autorité, il ne les voyait pas d'un très bon oeil. Enfin, il les méprisait pas plus que les autres, hein - Flavian méprisait tout le monde de manière juste et égale - mais il prenait un malin plaisir à leur pourrir la vie.

Madame Hardy faisait un très bon exemple, tiens. Madame jouait aux révoltés du système, à faire semblant de fumer pour se donner un air (à défaut d'une bonne odeur), et à dormir devant les profs tout en se défendant d'être paresseuse, Madame jouait les grandes alors qu'au final elle faisait tout pareil que tout le monde - elle travaillait un peu, juste assez pour ne pas redoubler son année, et elle se révoltait un peu, juste assez pour se faire remarquer, avant de rentrer dans le rang.

Flavian n'avait pas une très grande estime d'elle. Il ne lui avait jamais vraiment parlé, et d'ailleurs il n'avait pas envie de le faire - les quelques idées toutes faites qu'il avait à son égard lui suffisait. Elle était souvent la bonne personne au bon moment lorsqu'il voulait faire des blagues ou des moqueries, voilà tout. Et là, il avait bien envie de se moquer d'elle.

Faut dire qu'elle avait la mauvaise habitude de faire des siestes dans des endroits bizarres elle aussi, alors qu'elle avait un lit à elle. Flavian trouvait qu'il avait assez de bonnes raisons pour lui faire des misères. Vu que la pluie s'était mise à tomber en trombes, il s'était réfugié dans une sorte de masure misérable qu'on supposait hantée, et il l'avait trouvée là, ronflant tout son soûl. Il s'était posé tout près d'elle, et, sa baguette sortie, il avait murmuré tout bas:

"Aguamenti!"

En plein dans la figure! La Gryffondor se réveilla en sursaut, et il la regarda, d'un air très sérieux:

"Hé, tout va bien? T'es toute pâle! On dirait que t'as vu un fantôme! Faut pas dormir là, il paraît que l'endroit est hanté."

Avant de se fendre d'un grand sourire moqueur. On allait bien s'amuser aujourd'hui.

Flavian fixa du regard la Gryffondor qu'il avait réveillée en sursaut, et qui le regardait avec des yeux ronds comme ceux d'un crapaud. Il lui fit un grand sourire plein de dents, pendant qu'elle se mit à réfléchir - avant de se mettre à poser plein de questions.

Et Flavian se mit à rire.

"Je kiffe ton cerveau!" c'était pas un compliment. "T'as pas l'air d'une lumière, toi. Tu poses des questions mais tu sais pas pourquoi. Lui, il réfléchit, toi, tu parles, mais la connexion entre les deux, elle se fait pas trop. C'est la fumette non?"

Flavian fit quelques gestes moqueurs avec ses doigts, et puis il imita sa camarade de maison. "Oh, oh, oh, je vais poser une question! Ah non attends zut je parle pour rien dire! J'vais en poser une deuxième alors! Ah non zut!"

Et il se mit à sourire de nouveau, moqueur. Flavian la laissa fumer comme elle voulait, avant d'écouter la dernière question qu'elle avait à lui poser.

"T'es sûre que tu t'en fous pas non plus? Sinon, je te dirais la pluie, tout ça, mais peut-être que tu t'es pas encore rendue compte de quelque chose, je te laisse réfléchir à si tu t'en fous ou pas d'abord."

Elle était marrante, Laurence. Elle avait l'air passablement agacée de le voir, comme tous les autres, blasée peut-être, mais elle ne lui sautait pas à la gorge - c'était plutôt passif-agressif comme jeu, ça changeait de d'habitude, c'était plutôt drôle.

Puis ça tombait pas mal, la pluie. Flavian était coincé ici pour un moment - oh, bien sûr, il aurait pu faire un impervius sur ses affaires ou quelque chose dans le genre, mais pourquoi s'embêter quand on pouvait embêter quelqu'un d'autre, plutôt? Le jeune gryffondor comptait bien rester ici, à tenter de faire sortir Laurence hors de ses gonds. Ca lui semblait être une façon formidablement distrayante de passer l'après-midi.

Elle était drôle, Laurence. Il y avait dans son attitude une sorte de mépris hautain envers Flavian. Le jeune homme ne savait pas si c'était juste pour lui, ou si elle regardait tout le monde de haut comme ça. Quoiqu'il en soit, à ses yeux, elle illustrait bien tous les problèmes du monde sorcier. Y'en avait pas un pour rattraper l'autre.

Il la regardait avec un air tout aussi méprisant qu'elle. Flavian ne la tenait pas en très haute estime.

"J'fume pas, non." répondit-il. "Toi, par contre, t'as pas l'air de pouvoir te retenir."

Un sourire - elle s'en rendait peut-être même pas compte.

Mais ce n'était pas par là qu'il allait l'avoir. Flavian avait bien envie de lui faire péter un câble, comme il s'amusait avec tout le monde autour de lui. C'était même pas personnel. C'était juste par principe. Comme ça.

M'enfin, quand même, il pouvait toujours partir à la pêche aux informations. C'était une piste comme une autre.

"Si faut que tu te caches dans un coin pour tirer tout ce que tu peux sur tes clopes, ça va finir par te causer des ennuis. Mais j'dis ça, c'est juste un conseil, hein. On s'inquiète pour toi, chez les rouges. On a un peu pitié de l'état dans lequel tu te trouves."

Flavian avait l'air sincèrement hypocrite. On n'était qu'au tout début de ce petit jeu, celui où il farfouillait dans la vie d'autrui pour trouver où ça faisait mal quand on appuyait.

Laurence lui faisait un gentil cours sur ce que c’était qu’une crise d’ado banale et Flavian haussait les épaules. Il le savait que les gens jugeaient les autres sur des préjugés – souvent plus bêtes encore que le personnage ou la personnalité que les autres aimaient se donner. Tout le monde le savait, et tout le monde le vivait – et le personnage que Laurence jouait ne donnait pas envie à Flavian de mieux la connaître. Mais après tout, c’était partagé: ni l’un ni l’autre n’avait envie de mieux se connaître, et ils n’étaient ensemble ici que coincés par la pluie.

C’était dommage qu’il n’arrive pas à l’énerver, parce que voir Laurence péter un cable aurait été plutôt drôle. Mais Flavian était bon perdant (pour cette fois-ci): il ne trouvait pas comment faire, et il voulait bien l’admettre. Ce petit jeu commençait à l’ennuyer, en fait. Il aurait aimé passer à autre chose, mais la pluie continuait à tomber.

Laurence aussi tentait de le mettre en colère. Il en avait déjà entendu plein, des mauvais traits d’esprits sur sa transité – sur le fait qu’il dorme dans la salle commune plutôt que dans les dortoirs, sur les prénoms qu’il avait eu, avant, sur ce qu’il pouvait bien avoir entre les jambes, tout y était passé, et elle ne faisait pas dans l’originalité. Mais elle continuait, et lui continuait de la regarder d’un air mauvais.

“Tu sais, quand quelqu’un te dit que tu le fais chier, c’est une façon de parler, ça veut pas dire que c’est littéralement vrai. Je te le dis, hein, juste en tant que conseil, parce que j’ai le sentiment que tu dois souvent demander aux gens s’ils ont envie d’aller aux toilettes.”

Flavian, toujours aussi délicat.

“Mais non, non, pourquoi m’écouter parler quand tu as tant de choses intelligentes à dire. Continuons donc. Je suis donc capricieux et malheureux, c’est ça? T’as découvert ça toute seule? Je pourrais te renvoyer la balle, va fumer dans les dortoirs plutôt que de faire un caprice, mais, comme tu dis, on s’en fout. J’ai beaucoup plus envie de t’écouter juger ma vie, raconte-m’en plus.”

Laurence était en train de se promettre des semaines d’emmerdes. Elle devait se sentir plutôt fière, à taper dans les sujets faciles comme ça. Mais le Gryffondor était rancunier, et il n’allait pas laisser passer ce genre de choses-là. D’inconnue, elle était passée sans le savoir à cible privilégiée pour toutes ses farces de mauvais goût. Et il n’était pas dit qu’il s’amuse à lui lancer des mauvais sorts aujourd’hui, enfermés qu’ils étaient dans la cabane hurlante.

Il avait bien envie de lui faire manger des limaces, en fait, ouais. Ca lui semblait de plus en plus attirant comme idée.

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 Désolé de la longueur :/