Le soudain pessimisme d'Astrid fit hausser les sourcils à Kalev. Pourquoi envisager le pire ? Pourquoi songer à cette possibilité ? C'était contre-productif. Et puis, quand on se donnait les moyens, on pouvait toujours réussir à obtenir la vie convenable dont on rêvait. Il était vrai que ça prenait parfois un peu de temps, mais c'était possible. Non ?

Distrait par son offre de sortir, Kalev ne rebondit pas sur ces pensées maussades, mais il ne doutait pas qu'elles continueraient de le travailler un peu et qu'il allait prendre soin de lui demander régulièrement si ça allait.

- Bonne idée, oui ! Une idée de ce que tu as envie de faire ?

En attendant sa réponse, inutile de rester planter là. Kalev se leva et suivit Astrid dehors, où la foule continuait d'arpenter les rues. Il y avait toujours tellement de monde, à Londres, que Kalev ne s'y sentirait probablement jamais vraiment chez lui.

- Tu sais quoi ? Si j'avais été plus intelligent, j'aurais fini prof à Poudlard. Ou concierge, si la place était libre.

Il n'en démordait pas : Poudlard était le meilleur endroit au monde. On avait beau lui dire que c'était juste le temps qu'il s'habitue, lui, il savait que Poudlard aurait toujours une grande place dans son coeur. C'était la maison.

- Tiens, t'aurais pas envie de reprendre le travail de ta tante, si tu ne peces pas dans le Quidditch ? C'est chouette aussi d'enseigner ce qu'on aime aux autres, non ?

Kalev avait adoré initier son cousin au Quidditch. Et jouer. Et être l'assistant de l'Erudit ; et les repas dans la Grande Salle, et les siestes dans le parc, et se perdre dans les couloirs. Il fallait qu'il arrête d'y penser, le mal du pays allait encore le frapper.

Kalev grimaça. Il n'était pas très fan de théâtre. Parce qu'il aimait beaucoup la poésie, on pensait parfois à tort qu'il aimait tout lire, et lisait beaucoup, mais c'était plutôt le contraire. Lire avait tendance à l'ennuyer, et peu de genres et d'histoires le captivaient réellement. Le théâtre était le pire de tous. Et du coup, même voir une pièce plutôt que de la lire, ça avait tendance à le refroidir un peu.

- Si ça te dérange pas, je préfère le parc. Ou, ouais, une autre boutique. Quoi ? Bonne question. A part le Quidditch et les animaux, Kalev n'avait pas de grands intérêts... oh. Genre l'animalerie, réalisa-t-il. J'ai envie de voir des bébés furets.

Jupiter avait beau être le furet le plus mignon du monde, il n'était plus tout petit, comme lorsqu'il l'avait obtenu. Et il devait avouer songer depuis quelques temps à adopter un autre furet. Il avait besoin de présence avec lui, et il avait largement le temps - et l'amour - pour s'occuper d'un deuxième furet. Regarder, dans tous les cas, ne tuerait personne.

Leur destination statufiée, Kalev se concentra de nouveau sur la conversation. Il était un peu décontenancé par les comparaisons d'Astrid.

- Le prend pas mal, mais Carthaigh et Waltham ont jamais été mes préférés. Si je devais être un prof, je pense que je préfère être quelqu'un comme l'Erudit, qui te donne envie de faire des efforts et qui t'écoute toujours. Ou un Lovecraft. Je sais que personne l'aimait, et franchement il me fichait les chocottes, mais c'était un type vachement intéressant, je trouve.

Il était sensible à la poésie, lui aussi, après tout. Pas quelque chose qu'on imaginait quand on voyait sa tête. Kalev garda cette information pour lui. Même si Lovecraft n'était plus son professeur, et ne pouvait guère lui faire de mal, Kalev préférait reste prudent et emporter ce secret dans sa tombe.

- Mais sinon, mon truc, c'était plutôt les métamorphoses, ouais. Et j'étais pas si mauvais en sortilèges, même si la notation d'Emerald disait le contraire. Le prend pas mal, mais ton directeur de maison est plus fait pour être gardien d'Azkaban que prof.

Durant ses jeunes années, Kalev était terrorisé par Emerald. Puis avec le temps, il s'était habitué. Plus ou moins. Mieux valait en rire qu'en pleurer, comme on disait. Au moins, il n'avait jamais mis sa menace de le faire nourrir les sombrals avec des furets morts à exécution. Il l'aurait vraiment mal vécu.

- D'aileurs, dis-toi que tu pourras jamais être moins éthique et responsable qu'Emerald. Ou Stathos. Ou même Mantis, ça a beau être ma directrice, elle est pas non plus toujours un bel exemple.

Astrid ne pouvait décemment pas faire pire que ce trio. A moins de se transformer en mage noire assoiffée de pouvoir et aigrie. Et encore.