Juliet écoutait les réponses de Ginkgo avec attention, essayant de déterminer s'il était en effet toujours amoureux d'elle ou non. Elle n'y connaissait pas grand chose, elle, juste ce qu'elle avait entendu dans les histoires, mais elle voulait être utile et aider le pauvre gentil centaure qui était devenu son ami. Il disait qu'il aimait tout le monde, mais il n'était sûrement pas amoureux de tout le monde, après tout il ne pleurait pas dès que les autres gens qui étaient dans la Grande Salle partaient. Mais la question restait, est-ce qu'il était amoureux d'elle ? Elle avait de la peine pour lui, il était tout chose, il se prenait la tête dans les mains comme s'il avait mal…

Mais elle continuait à prêter grande attention à tous les mots du gentil centaure. Et elle remarqua qu'il ne l'appelait plus "sa fiancée", mais qu'il la comparait à ses "amis" ! Même s'il la trouvait la plus belle de la terre (Juliet eut un petit rire lorsqu'il dit ça, c'était vraiment bizarre) ce n'était plus parce qu'elle était, ben, elle, mais parce qu'elle était humaine. Et puis il la prit dans ses bras à nouveau. La petite Juliet avait sans doute été plus étreinte en dix minutes que dans toute sa vie.

"Oui, bien sûr que je vais t'aider. Et, tu sais, je crois que tu n'es plus amoureux. Je crois que tu as eu une maladie de centaure, ou de sorcier, je sais pas, je connais pas bien les maladies de sorciers, mes parents à moi son moldus. Peut-être que tu as eu une maladie qui t'a fait tomber amoureux, et puis ensuite, c'est passé, et maintenant tu n'es plus amoureux. Parce que tu ne dis plus que tu n'aimes que moi, maintenant tu dis que tu aimes tout le monde. Et puis tu ne dis plus que je suis la plus belle, tu dis que les humains sont les plus beaux. Alors peut-être que si tu te sens mal c'est juste la maladie qui s'en va et ça fait un peu mal, comme quand on arrache un pansement, mais après ça ira mieux ? Ne t'en fais pas. Et puis si tu veux, tu peux me faire un câlin jusque'à ce que tu ailles mieux."

Juliet voulait que son ami le centaure soit content et qu'il ne soit plus tout perdu comme ça, parce qu'il n'avait pas l'air d'apprécier. Mais d'un autre côté, elle se demandait aussi, très égoïstement, s'il voudrait toujours être son ami quand il irait mieux. Après tout, quand sa maladie battait son plein il voulait l'épouser, maintenant qu'il allait un peu mieux il était son ami, et si quand il était guéri il la détestait ? Elle serait bien triste. Elle qui était si heureuse de s'être fait un nouvel ami aussi chouette. Ca ne lui arrivait pas souvent, à Juliet, de se faire des amis. La plupart des gens la trouvaient trop gamine et trop bête, et puis de toutes façons elle restait le plus clair de son temps avec sa meilleure amie Wendy, ce qui n'aidait pas non plus.

Mais quoi qu'il arrive, elle voulait que le gentil centaure guérisse. Elle lui tapota le dos et lui dit d'une voix rassurante :

"Là, là, ça va passer… Tu veux une chocogrenouille ? C'est bien le chocolat quand on est triste. Tu aimes le chocolat ?"

Son assiette était vide.
Elle l'était depuis un moment, il avait vu un bras de couleur bronzée plonger dedans et piquer allègrement la friandise qu'il avait tant attendue au début du repas. Mais Ginkgo la lui avait piquée. Il avait volé son clafoutis et l'avait englouti sous ses yeux. Andrea était resté bouche-bée un bon moment, contemplant les miettes restantes et n'avait pas vu son ami s'éloigner pour aller voir une jeune fille.

Il avait tourné la tête. Violet s'était aussi éclipsée sans demander son reste, sans même lui dire quelque chose.
Et il était resté tout seul à la table des Serdaigles, oubliant le brouhaha qui commençait à se faire de plus en plus bruyant.

Andrea était resté assis tout seul pendant un très long moment sans savoir ce qu'il attendait. Puis le bruit de la salle l'avait interpellé et il s'était enfin décidé à lever la tête. Seulement pour voir des gens roucouler près de personnes qui avaient l'air absolument terrifié et ça se lisait sur leur visage qu'elles cherchaient désespérément à fuir. Et ils étaient plusieurs. Beaucoup même. Tellement nombreux que plus personne ne faisait attention à lui qui se morfondait sur son banc.

Quand il comprit ce qui se passait, puisqu'il était plutôt futé pour un gamin de treize ans, il avait renversé son assiette en grognant et était parti chercher son imbécile de centaure d'un pas impérieux.
Trop reconnaissable. Il voyait sa chevelure rosée et son derrière de cheval à vingt kilomètres, il ne pouvait pas le duper en essayant de se dissimuler derrière quelqu'un. Et pourquoi se dissimuler d'ailleurs ? Ce n'était pas comme s'il était armé d'un plateau en argent qu'il avait attrapé sur la table des Serpentards. Sans compter son air meurtrier !

— Toi.

Ça persifflait et c'était menaçant. À cet instant, on avait presque du mal à croire qu'il était en troisième année et parfaitement inoffensif pour la plupart, si on oubliait ses aptitudes au combat rapproché.
Oh oui, mordre et frapper étaient ses spécialités et n'importe qui pouvait en pâtir même avec ses bras frêles. C'était un miracle qu'il ne soit pas à Gryffondor avec cette agressivité digne d'un lion à qui on piquait sa proie.

— Inutile de te cacher, je te vois, Ginkgo.

Il était trop imposant pour pouvoir se cacher derrière une si petite Poufsouffle. Tiens d'ailleurs, n'était-elle pas dans sa classe ? Ses bouclettes cramoisies ne lui étaient pas inconnues. Mais là n'était pas la question.
Sans faire attention à la pauvre Juliet, il se retrouva près du centaure, son fameux plateau en argent à la main.
Et sa voix explosa.

— SI JE TE PRENDS À ME VOLER ENCORE MON DESSERT, JE TE JETTE DANS LE LAC.

Dans un grand bruit métallique qui résonna dans toute la salle, le plateau s'abattit sur la tête d'un Ginkgo qui n'avait absolument rien demandé. Mais un centaure avait difficilement mal et Andrea le savait très bien, alors il avait mis toute sa force, quand bien même c'était celle d'un adolescent prépubère.
Il avait frappé tellement fort que le plateau vibra et le déboussola quelques secondes, ce qu'il cacha en serrant les dents. Au moins, ça avait le mérite d'étourdir ce benêt pour qu'il puisse le traîner en dehors de la Grande Salle. Personne ne les remarquait vraiment, certains étant encore sous l'effet de leur dessert et menaçant d'agresser sexuellement ceux pour qui ils avaient le béguin.

En reniflant, il se tourna vers la jeune Poufsouffle qui avait dû subir la bêtise de Ginkgo sous l'influence d'une pâtisserie empoisonnée.

— Pardon pour le dérangement, hein. Je crois qu'il a été intoxiqué.

Sans attendre plus de temps, il lâcha son arme et tira le centaure avec lui en dehors de la salle. Par le bras, sinon il lui aurait depuis longtemps arraché ses cheveux roses.
Et on l'entendit grommeler dans sa barbe imaginaire au fur et à mesure qu'il s'éloignait, glissant presque sur le carrelage comme il n'arrivait pas à tirer correctement le centaure trop lourd pour lui.

— Non mais je rêve, gngngn. T'as encore avalé une connerie et en plus t'embêtes les gens. J'ai vu plein de gens perdre la tête à cause de leur clafoutis. Oh je devrais peut-être te remercier pour l'avoir mangé à ma place, mais tu m'as planté tout seul grrrrrrrrr. En plus Violet est partie, je suis resté là comme un con et. MAIS BON SANG TU AVANCES OUI ?