« Juste amis ? » Marmonne dans le vide Elise, les lèvres dans le creux de ses genoux. Ses yeux se redressent ; balayant ses mèches rebelles, devenues trop longues — et ce depuis trop longtemps. L’or se déverse sur sa tête, s’engouffre sur ses joues et dégouline contre sa peau — la préfète en serait presque mal à l’aise, si elle n’avait pas l’habitude ; l’habitude de cette couleur brillante et vétuste à la fois.

La sienne — depuis toujours.  

« Tu sais, je vous aime beaucoup. » Finit-elle par admettre, sa tête se penchant de côté, un pan de joue rebondissant contre ses jambes surélevées. Heureusement, ses fils dorés dissimulent le plus gros de sa moue — et elle ressemblerait presque à un enfant, à ainsi se plonger dans les confidences sucrées.

Son ton est pourtant si simple.
Si doux et si loin — à la fois. À la fois.
Pause — regard en biais, vers Sloan ; elle attend, un mot, un geste — reparlera après. Tant de temps devant elles, et c’est si bon, dans un sens, d’être ainsi mise, ainsi figée dans le temps ; dans le velouté d’une ou deux conversations sereines mais vivaces.

« Tu sais Sloan — » Et un soupir. Sujet délicat ; tons adoucis. Elise contente de biais sa cadette, sa tête dodelinant tout contre ses genoux ; ses cheveux dansant sur son visage et cascadant ou courbe se forme. « Il ne faut jamais se forcer, dans l’amitié. » Pas l’once d’un sourire — la phrase est trop pleine de sens pour se permettre de l’alléger. Puis, une esquisse plus tard : « Tu as le droit d’être capricieuse, d’être égoïste — tu as le droit de lui demander ce genre de choses ; de lui dire que jamais tu ne voudrais être séparée de lui. Tu as le droit de lui chuchoter ton affection comme tu as le droit de pleurer tes inquiétudes. Tu en as le droit. » Et c’était fort, comme instant, appuyé et sincère ; très doux et très bas. « Avec lui, tu peux. » Le regard de la blonde demoiselle se rehausse, vient trouver comparse : « Car il est spécial. Il t’est spécial. »

Rire très fin, très court — quasi inaudible. « Wesley n’est pas un lâche — et tant bien même est-il très niais, tant bien même sa crédulité pouvant jouer sur sa bonne humeur perpétuelle ; tant bien même cela peut-il amplifier son bonheur et illuminer ses paroles jusqu’à t’en éblouir, il reste Wesley. Wesley Jefferson — il reste ce garçon brun, cet être humain comme toi et moi. Il a un cœur, une âme ; et je suis certaine que t’entendre parler, de haut en bas, de fond en comble — oui, il aimerait bien ça. » Petit sourire, assez diffus pour frôler le brouillon.

Tu peux.
Tu pourras toujours, Sloan.
Il suffit d'y croire.

« Si tu ne veux plus en parler — » Arrêt, le temps d’une respiration, d’un regard aux prémices douces et sincères, quoique obstruées par quelques nuages ; ceux propres à Elise. « Alors n’en parlons plus. » Et elle aurait aimé lui demander ; sans doute, encore d’autres choses — le sujet était si vaste. Elle aurait voulu savoir, oui ; à quel point sa cadette aimait Wesley. Quelle forme d’amour était-ce ? L’avaient-ils seulement réalisé ? Y pensaient-ils seulement ? « La vie suit son cours ; qui vivra verra, n’est-ce pas ? » Petit soupir, simple sourire — « Déjà la fin d’année ; enfin, bientôt, pas encore tout à fait. Après ce sera ma dernière. Je me demande ce qu’il adviendra de nous. Des autres. La vie est si vaste. » Mouvement de main entrainant poignet ; fluidité éthérée revenant toucher bras ; enserrant genoux. Tête de côté ; cheveux s’affalant — c’était si tranquille.

Si tranquille, oui.
Juste un peu.

« Ouais. » Commenta simplement Elise aux propos de sa cadette — mais rien de méchant dans le ton, juste une réplique aux bordures banales et au souffle pensif ; quasi serein. Elle se souvenait des mêmes mots, ceux adressés à Lucas — elle se souvenait de ses demandes égoïstes, de ses propos frustrés. Elle se souvenait de sept années partagées ; avant — avant quoi, justement ?

Le vide.

Et c’était désagréable dans un sens ; elle ne voulait pas lâcher prise. Les relations étaient souvent si éphémères ; c’était comme si les personnes cherchaient à s’agripper pour un temps donné, sans jamais désirer trouver une relation sincères aux ourlets profonds. C’était dommage, dans un sens — et elle, elle voulait y croire ; aux durabilités et aux épanouissements communs. « Tu sais, j’ai l’impression que l’équipe colle bien. Après Birdy va hm. Tu sais — sans doute quitter l’équipe. On recrutera un nouveau joueur après ça ; j’espère que tout ira au mieux et. Enfin ; ce que je veux dire c’est qu’on a quand même remporté la coupe de quidditch tous ensemble. Si on l’a eue c’est pas juste grâce à quelques compétences personnelles élevées. C’est car on formait et qu’on forme encore à ce jour une équipe que j’espère des plus soudées. Ca peut pas juste ; juste se briser comme ça. » Et pour un petit sourire — la voix avait été basse, relativement lente ; aux modulations douces. Sa tête flottait encore tout contre ses genoux, ses cheveux dodelinant et fondant de toutes parts.

Encore un an.
Et après ?

« Elise sentait les secondes passer ; défiler et couler hors de sa portée. La préfète n’avait jamais été quelqu’un de très visible — du moins le pensait-elle. Aussi, son sourire paisible, mince aux ourlets sincères frémit sous la question de sa cadette. Sa tête dodelina quelque peu, laissant se répandre coulis doré plus qu’il ne l’était déjà — ainsi ensevelie sous ses cheveux ; sa joue grignotant ses genoux, l’aînée se permit une nouvelle esquisse ; plus large, plus calme — peut-être même plus évasive. « Ça va. »

Il était clair que Sloan n’obtiendrait jamais son dû.
Celui s’exprimant par diverses profondeurs.

« Je vais bien. » Renchérit doucement la capitaine ; toute menue sur sa chaise, oubliant de moitié son visage taché et dégoulinant d’immondices peu charmantes. Que pouvait-elle bien ajouter ? Elle n’avait rien à dire — rien à son propos, du moins. Elise n’avait plus l’habitude, celle un peu grise et tendre des expressions intimes. Pourtant, cette absence d’oreilles attentives ne la dérageait pas — il lui semblait avoir fait un pas en avant.

Un pas si grand qu’il semblait engloutir nombreux de ses confrères.
Ils ne voyaient rien. Elle même ne s’en préoccupait que peu — peut-être qu’avec le temps ; la fin d’année approchant et les vacances se sentant, l’on finirait par noter les modulations de son être ; de sa démarche et de ses tenues qui lui devenaient peu à peu coutumières. Nouvelles habitudes. « Les gens changent, Sloan. L’égoïsme s’arrête quand l’on ne fuit plus ces transformations. » Pause. « Ou peut-être est-ce l’enfance — la puérilité enfantine, j’entends. » Petit sourire, petit soupir — « Enfin, je ne sais pas vraiment ; tout est si partiel. »

Elle était comme une statue paisible.

« Sloan cherchait quelque chose qui n’avait pas lieu d’être — du moins, était l’opinion d’Elise à cet instant précis, tant bien même elle ne le formulait ni ne l’exprimait d’une quelconque façon visible. Et c’était sans doute un peu ironique, de se dire que sa cadette qui ne se préoccupait pas véritablement des autres tentait de le faire à l’instant ou tout allait bien. Elise n’était pas de ces êtres qui se confiaient de manière aisée, ou compliquée — elle était de ceux écoutant ou brisant la glace, observant ; surtout. De ceux que la solitude ne dérangeait pas, car elle se formait de par le regard porté au loin sur tout autre. Aussi avait-elle fini par apprendre, par retrouver au fil des ans ; au gré des années que la compagnie était tout aussi bien — tout aussi chaude. Tellement plus rassurante, peut-être ; aussi.

« Je pensais juste à haute voix. » Finit-elle par sourire mollement, l’esquisse ne montant pas totalement jusqu’à ses rétines. Elle se sentait si lourde, à cet instant ; sentant le poids de son visage dégouliner sur ses genoux, agrémenté de ces coulis divers et dorés assez longs pour grignoter à chaque mouvement diffus un peu plus d’espace. « Elise, capitaine ; préfète — je me demande si l’an prochain je conserverai tous ces titres. Serai-je encore préfète ? Destituée ? Un rang au dessus ? L’été va être long. »

Et si court à la fois.
C’était toujours comme ça.

Spoiler:

« À l’évocation des vacances, plus grandes et plus concrètes ; celles que l’on partageait avec d’autres, Elise s’était crispée. Cela avait été infime ; murmuré au creux de ses muscles et susurré aux commissures de ses articulations. Aussi s’était-elle forcée à expirer, plus lentement ; plus doucement — ce que lui proposait sa cadette n’était pas bien méchant. Tout au contraire, c’était même sans doute un peu alléchant. Aussi avait-elle souri, avec lenteur et simplicité ; n’achevant totalement son esquisse, la coupant de quelques vers prononcés à la volée : « Ce serait bien, si l’on pouvait se voir cet été, oui. Il y a tant de choses à faire ; hors de ces murs, dans un sens. » Et elle s’était interrompue ; pour reprendre son souffle, permettre à ses poumons de s’imbiber d’air nouveau — pur, quasi frais. Il ne faisait trop chaud. « Puis je suis déjà majeure depuis quelques temps, donc les activités sont plus vastes ; c’est assez pratique. Le transplanage, aussi ; d’ailleurs. Je me suis beaucoup entrainée, je devrais bientôt être capable de prendre quelqu’un avec moi ; je crois. Ca dépendra du jugement de mes parents, je suppose. » Petit rire, vétuste ; poussiéreux. C’était toujours ainsi, quand les paternels étaient usés à cet escient. « Peu de gens ont déjà vu ou j’habite. Enfin, nous nous retrouverons sans doute dans une allée plus mouvementée et active que celle de mon quartier. » Pouvait-on seulement décrire ça de quartier ? Peut-être ne le faisait-elle qu’à l’égard de Vance ; n’habitant pas trop loin, ni totalement trop près. Il fallait qu’elle le voit, lui aussi ; cet été. Assurément.

Elle n’y manquerait pas.
N’y manquerait plus. « Tu vas aller voir Wesley, aussi ?» Interrogative ; regard intéressé. Dis-moi.