Deux semaines qu'Icarus avait rencontré Cyryiel. Quatorze jours qu'Iko mangeait avec elle chaque midi et chaque soir. Trois cent trente six heures que le Serpentard discutait avec la Serdaigle entre les cours, pendant les pauses ou les week-ends. Un million deux cent neuf mille six cent secondes que le sorcier et la sorcière s'étaient rapprochés d'une façon étonnante. Le préfet adorait les moments passés avec elle et il en parlait tellement souvent à Emmet, qu'un soir, il avait failli l'étouffer dans son oreiller. Non pas que la chose était rare, bien au contraire, juste que Weibb n'en pouvait plus d'entendre encore et toujours les mêmes choses de la bouche du préfet.

C'était Samedi. Iko avait trouvé le courage d'inviter, comme promis, sa camarade à Pré-au-Lard, histoire de changer d'air. Les couloirs de l’école avaient beau être charmants, ils n'en restaient pas moins fait de pierre froide et de marbre brut. Le village sorcier avait se coté chaleureux qui en faisait un lieu très apprécié des élèves et dont les boutiques enivraient même les esprits les plus obtus. Icarus avait, pour la première fois de son existence, réalisé que choisir une tenue n'était pas toujours chose aisée. Il passa une bonne heure à osciller entre tel ou tel habit. Un vrai casse-tête pour quelqu’un qui n'en avait clairement pas l'habitude et dont le port de l'uniforme avait toujours été une bénédiction. Le Serpentard était loin, très loin, d’être riche et bien qu'il ne soit pas sans le sous, c'était tout comme. Auparavant d'une famille noble, la mort de son dernier parent vivant et le refus d'apposer son nom sur l’héritage familiale lui avait promis un futur des plus hostile.

Comme chaque jour, il était allé déjeuner avec les Poufsouffles. Étrangement, la Serdaigle n'était pas à sa table et, l'espace d'un instant, Icarus craignit qu'elle avait fini par changer d'avis. Son cœur se serra et c'est l’appétit coupé qu'il avala de force un toast et un verre de jus d'orange. Le visage un peu terne il se releva pour se diriger vers la sortie quand il la vit enfin. La préfete des Serdaigles. Sans un mot il reposa ses fesses sur le banc, ni-vu ni-connu, et mangea pour quatre. Le ventre enfin rempli, Iko sortit de la Grande Salle sans oser se faire voir de Cyryiel. Pourquoi ? Peut être parce qu'il voulait garder ce moment pour plus tard, quand ils seraient tout deux à Pré-au-Lard. Seuls.

Icarus lui avait donné rendez vous non pas au départ de l'école mais directement dans la rue principale. C'est donc dans cette grande avenue que le jeune sorcier attendait, un peu nerveux, la sorcière. Il avait tellement parlé avec elle, tellement rit, tellement rêvé, ces quatorze derniers jours que, d'un point de vue extérieur, rien n'aurait du le rendre si inquiet. Alors pourquoi ? Pourquoi ses mains tremblantes se fixaient sur un replis de son jeans pour donner l'air d'un calme maîtrisé ? Les choses avaient changé. Poudlard était redevenu calme et beaucoup d'eau avait coulé sous les ponts. Iko était libéré de ses angoisses depuis un certain temps désormais. Néanmoins il dut se parler à voix haute pour reprendre ses esprits.

« Qu'est ce qui t’arrive Icarus ? Calme-toi un peu, c'est juste une sortie ! »

Oui, juste une sortie comme tout les camarades en faisaient. Ses nerfs commencèrent enfin à se décrisper à mesure que les battements de son cœur reprenaient un cycle à peu près normal. Un soupir et le voilà à nouveau fier et bien posté sur ses appuis. Un soupir et la légère buée qui accompagne son souffle chaud.
Puis un courant d'air qui dissipe cette buée pour faire place à une jeune sorcière. Cyryiel. C'est à cet instant que tout ce qui avait soutenu le Serpentard s’effondra avec autant de résistance qu'un tas de neige en plein soleil. Icarus était la poudreuse, Cyryiel l'astre de feu.

« Salut Cyryiel. Comment tu vas ? »

C'est tout ce que ses lèvres, légèrement tremblantes, réussirent à prononcer. C'était la pointe d'un iceberg et dont la base avait élu demeure dans son cœur affolé. Ça faisait deux semaines. Deux semaines qu'il essayait de comprendre. Deux semaines qu'un secret avait fleuri, dans un coin de son esprit, illuminé par un grand Soleil. Deux semaines que cette petite fleur était resté inconnu aux yeux du jeune homme...

Icarus avait vu des choses magnifiques dans sa vie. De la naissance d'un jeune poulain à un match international de Quidditch en passant par des paysages Irlandais à couper le souffle. Oui, il pouvait sans grande difficulté identifier ce qui était simplement beau et ce qui était extraordinaire. Alors pourquoi, quand ses yeux se posèrent sur Cyryiel, les mots lui manquèrent ? Une simple robe bleu et des collants gris n'avaient rien d'extraordinaire d'un point de vue objectif. Alors pourquoi, pour lui, cette demoiselle, ainsi vêtue, valait mille fois mieux que tout ce qu'il avait vu jusque là ? Pourquoi le mot extraordinaire semblait fade pour la décrire ? Encore et toujours, le mystère planait comme une brume opaque autour d'une réponse qui semblait à porté de main et pourtant si loin. Iko ne l'avait pas lâché du regard et c'est d'une voix un peu rêveuse qu'il répondit à sa camarade. Réponse qui ne devait pas être bien compliquée à prononcer. Juste un « Ça va bien merci ».

« Tu es superbe. »

Baffe mentale. C'était simple mais apparemment trop pour le Serpentard. Aligner quatre mots sans laisser son inconscient prendre le dessus était une épreuve ardue pour un jeune sorcier aussi ravi qu'émerveillé. Il lui fallut quelque secondes avant de se reprendre et corriger le tir même si c'était déjà trop tard.

« Heu ! Je vais bien merci ! A vrai dire, ça fait un petit moment que je voulais jeter un œil à la Boutique de farces et attrapes Zonko. Ça te déranges si on commence par là ? »

Le préfet aurait pu se rattraper avec ça. Sauf que la fixer, avec cet air toujours aussi envoûté, n'était sûrement pas la meilleure idée. Une minute plus tard, Icarus se reprit et bougea enfin. Miracle. Avec un sourire encore un peu rouge, il tendit la main vers Cyryiel pour l'inviter à le suivre. C'était déjà mieux, tu passais moins pour un gros idiot pour le coup. L'air frais avait sans doute apporté un petit coup de pouce pour raffermir les pensées du sorcier. Toujours sans perdre l'expression de ses joues, il posa les yeux sur la Serdaigle tout en avançant dans l'avenue.

« Et toi ? Il y a un endroit ou tu veux aller ? Je veux dire, plus qu'un autre ? »

Tant de possibilités et tant de chemin différents. C'était ça Pré-au-Lard, un labyrinthe de petites boutiques tout aussi farfelues les unes que les autres et avec un potentiel tout aussi charmant. Iko réfléchissait déjà ou ils pourraient se poser et se désaltérer pour faire une petite pause. Les trois balais était une idée comme un autre même si l'intimité d'une auberge était proche du zéro. A moins d'y être installé dans un coin de la pièce, ce qui avait peu de chance d'arriver. Il y avait aussi le Salon de Madame Piedodu ? Les rougeurs du Serpentard s'enflammèrent à nouveau sans prévenir et Icarus rentra légèrement le cou dans son pull. Ses yeux se posèrent discrètement sur le visage de Cyryiel, comme pour voir si elle appréciait sa compagnie. Mais une question était toujours plus simple non ? Et un jeune homme comme lui encore plus facile à convaincre...

« Alors...Tu es contente d’être ici ? »

Sauf que le préfet ne s’arrêta pas là et voulu masquer sa question par une autre, plus commune.

« Et tu as bien dormi sinon ? »

Il s’inquiétait toujours autant pour elle. Cyryiel lui avait pourtant dit plusieurs fois que ses nuits s'étaient calmées mais Iko posait toujours la question. Le jeune sorcier était soucieux de sa santé. La petite fleur tentait de percer la brume qui l'entourait, vaillante et décidée à se révéler au soleil.

Icarus inspira un bon coup et expira dans un silence agréable. C'était peut être inutile mais il avait l'impression d'évacuer son stress de cette façon. Il ne voulait pas gâcher ce moment sous prétexte que ses nerfs n'en faisaient qu'à leurs têtes. Le voilà à présent calme et serein. Un coup d’œil vers Cyryiel emballa son cœur sans pour autant lui faire perdre ses moyens et c'est donc le sourire aux lèvres qu'il s'étira avec un soupir de bonheur. Iko était de retour.
Pourquoi avait-il été si nerveux ? C'était encore un peu flou dans sa tête mais déjà nettement plus précis. Ça ne faisait que deux semaines mais il avait l'impression d'être plus proche d'elle que n'importe qui d'autre.

« Dans ce cas Zonko puis Honeyduckes ! On verra plus tard pour la suite ! »

Il était heureux Icarus et ça se sentait. Un magnifique sourire éclaira son visage quand la Serdaigle lui confia qu'elle était ravie d’être ici. Lui aussi n'avait pas mit les pieds dans ces rues depuis quelques temps même si les cours n'en étaient pas la raison. Bien que la routine était peu à peu revenu à l'école, ses nuits, elles, n'étaient toujours pas aussi reposantes qu'autrefois. Les cauchemars avaient doucement fait place à des réveils nocturnes sans aucune raison apparente, comme si son corps cherchait à communiquer avec lui sur un point important. Mais quoi ? C'est la question qu'Iko se posait durant des heures, seul, dans un des fauteuils de la salle commune. Avec un rire amusé, il apporta une réponse à Cyryiel.

« Bien sur que je suis content ! J'attendais cette sortie avec impatience ! »

C'était peut être gênant de dire ça mais c'était la vérité et le préfet avait pris l'habitude de parler librement avec elle. Oui, il était ravi, oui il avait attendu ce moment depuis deux semaines et non il n'en avait pas honte. Pour lui, la sorcière était importante, c'était...une amie ? Le mot sonna bizarrement dans sa tête mais il oublia vite ce sentiment quand sa camarade reprit la conversation. Rassuré de voir qu'elle avait dormi paisiblement il soupira avant de reprendre, toujours aussi honnête.

« Je ne fais plus de cauchemars. Mais je ne dors pas pour autant. Je sais pas, c'est comme si quelque chose m’empêche de m'endormir, tu vois ce que je veux dire ? »

Doucement il s'approcha d'elle et joua avec une de ses mèches. Une petite habitude qu'il avait pris depuis la toute première fois. Ça avait toujours eut le don d'apaiser ses tourments. Cyryiel semblait un peu...étrange ? Certes leur discussion n'avait rien de grandiose... Un brin inquiet, Icarus s'approcha encore d'elle pour voir si elle n'était pas fiévreuse. Apparemment non. D'un mouvement il reprit une courte distance et, juste avant de pousser la porte de chez Zonko, glissa quelque chose plus pour lui même que pour elle.

« Mais il m'arrive de bien dormir aussi. Quand je rêve de toi par exemple. »

Sans apporter plus de précision il la poussa délicatement par la taille pour la faire rentrer dans la boutique. Boutique qui fut étonnamment pleine de gens. C'est vrai qu'il faisait assez froid dehors mais le Serpentard ne s'attendait pas à voir autant de monde. Un adulte le bouscula légèrement et il se colla contre Cyryiel pour l'éviter un minimum. C'est à peine si ils pouvaient se déplacer.

« Quelle foule ! Viens ne me perds pas de vue on va monter à l'étage pour respirer un peu. »

Et là, sans vraiment savoir pourquoi, il prit sa main dans la sienne. C'était pour ne pas qu'ils soient séparés pensa Icarus. Mais au fond, pour la première fois depuis quatorze jours, il savait que ce n'était pas l'unique raison. Ses doigts se refermèrent doucement sur ceux de la Serdaigle...

Apparemment, Icarus n'était pas le seul à veiller près du feu certaines nuits. Savoir qu'une autre personne partageait les mêmes impressions avait un coté rassurant même si le Serpentard aurait préféré que Cyryiel dorme mieux que lui. Il se promit de l'aider dès qu'il en aurait l'occasion. Commencer par lui offrir une belle journée en sa compagnie était déjà un bon début non ?

Le sourire rêveur il monta l'escalier de la boutique sans lâcher la main de la Serdaigle. Les étagères regorgeaient d'objets tous aussi étrange et inquiétant les uns que les autres mais ce qui attira le regard d'Iko était dans un recoin de l'étage. La dernière fois qu'il était venu il n'avait pas eu le temps de faire son achat et s'était promis d'y remédier aujourd'hui. Il y avait nettement moins de monde à présent et donc plus aucune raison de garder ses doigts dans les siens. Cyryiel avait les yeux posés sur un présentoir et n'avait pas retiré sa main. Le préfet était bien comme ça et c'est avec les joues écarlates qu'il resserra doucement sa prise sur sa main. Il ne voulait pas la lâcher.

« Ce que je cherche et juste la bas »

Il avait une voix très calme et pointa du doigt le recoin qu'il observait un peu plus tôt. Il marcha dans sa direction et se glissa entre deux énormes piliers, toujours suivit de la demoiselle. Ils se retrouvèrent dans une sorte de minuscule pièce, sans fenêtre, assez sombre et surtout, seul. Il y avait à peine la place pour deux et Icarus lança une petite sourire d'excuse.

« Je ne me souvenais pas que c'était si étroit ici »

Un peu maladroit, il avança sa main libre vers une des étagères pour attraper une petit fiole. L'étiquette mentionnait : Potion de hoquet. Avec un rire très léger, Iko montra sa trouvaille à la préfète.

« Il se trouve que la potion de hoquet, appliquée sur les cheveux, a un effet lissant tout aussi remarquable qu'une potion prévu à cet effet. Mais moins cher ! »

Le Serpentard n'était pas riche et il avait appris à faire des économies là ou il le pouvait. C'est à ce moment précis qu'il se rendit compte de sa position. Il était juste en face de Cyryiel. Ses yeux droit sur les siens. Sa main refermée sur la sienne. Étant donné la promiscuité de la pièce il était presque collé à elle, une petite quinzaine de centimètre les séparait l'un de l'autre. Icarus sentait ses joues s'enflammer en même temps que son esprit. Certaines choses, jusque là encore brouillées, semblaient apparaître avec beaucoup plus de netteté qu'avant. Toutes ces questions qui flottaient dans sa tête sans trouver de réponses. Toutes ses interrogations qu'il avait un peu ignoré jusqu'à maintenant. Peut être que la réponse était sous ses yeux ?

Iko n'avait pas bougé. Il attendait sûrement un signe, une réaction, une parole de Cyryiel pour savoir quel chemin emprunter...

Cyryiel avait posé son front contre lui sans dire un mot. Sans lâcher sa main non plus d'ailleurs. Une  vague de bonheur réchauffa le cœur d'Icarus malgré l'absence total de compréhension. Ses bras avaient essayé de l'enlacer, retenu au dernier moment par un éclat de raison, même si au fond de lui c'était à contrecœur. Discrètement, il s'était un peu penché en avant pour respirer l'odeur de la demoiselle. Ses sens s’enflammèrent dans un feux d’artifice étonnant, terminé par un long frisson qui remonta le long de son dos. Iko faillit perdre pied quand il entendit la Serdaigle lui poser une question. Amusé par la réponse, il reprit simplement à sa suite.

« Désolé de te décevoir mais je n'en suis pas encore à m'asperger de potion ! Des Serpentards de premières années ont pensé que ça marchait en l'envoyant au visage de quelqu'un. Heureusement pour moi, il faut l'ingérer. »

Sur le coup, il avait donner une retenue à chacun des deux élèves mais après s’être rendu compte que ses cheveux s'étaient laissé coiffer un minimum, le préfet était revenu sur sa décision par clémence. Cependant le plus important aujourd'hui c'était que Cyryiel ne semblait pas dans son assiette. C'est vrai que la pièce exiguë pouvait réveiller quelques phobies. Très délicatement il posa la fiole sur une étagère et glissa un doigt sous le menton de la demoiselle pour lui relever la tête. Il avait été très tendre pour ne pas la brusquer. Icarus approcha son visage encore plus près d'elle pour discerner ses couleurs. Moins de dix centimètre entre eux.

« Tu vas bien Cyryiel ? »

Il était inquiet. Iko tenait sa main dans la sienne, son menton dans l'autre et ses yeux rivés sur elle. Son cœur battait si fort que ses oreilles en vibraient. Un sentiment à la fois familier et lointain, inquiétant et doux.  La dernière fois qu'il avait ressenti ce genre de chose, il lui avait fallu un moment avant de s'en relever alors était-ce prudent de l'approcher encore ? N'était-ce pas stupide de toucher le feu après s'être brûlé une première fois ? Le doute plana une seconde avant que le sorcier n'ouvre les yeux. Icarus avait toujours été un peu stupide. Un gentil et stupide Serpentard, apprécié de beaucoup de gens. Il était comme ça, pourquoi changer ?

« Si il y a le moindre souci, dis le moi d'accord ? Je suis là !»

En attendant sa réponse, le préfet laissa son esprit divaguer tandis que ses yeux couvaient gentiment la sorcière. Emmet lui avait longtemps parlé sur cette chose qu'il devait oublié. Il y avait mit tant d'énergie qu'Iko s'était laissé convaincre durant un certain temps. Mais tout ça était déjà loin non ? Ses cauchemars, ses angoisses et ses problèmes s'étaient volatilisés depuis plusieurs semaines après tout, pourquoi ne pas lâcher un peu de leste ? Si seulement il avait eu de la famille, le sorcier aurait certainement envoyé une lettre pour demander conseil. Cependant il n'y avait que deux chiens dans sa maison. Et puis, qu'aurait-il écris ?

« Salut, j'ai besoin de vos conseils. Il se trouve que je commence à... »

A quoi ? Ne fais pas l'innocent Iko. Tu n'as jamais su mentir...

Le sourire de Cyryiel était comme un petit cadeau du ciel pour Icarus. Depuis leur rencontre, il n'avait cessé d'apprécier l'expression de la joie sur ses lèvres, comme si il y trouvait tout ce qui lui faisait défaut. Alors elle avait bien imaginé le jeune sorcier en train de se jeter des potions aux visage pour en observer les effets ? Au fond c'était typiquement le genre de Felix et comme Iko passait pas mal de temps avec lui, ce n'était donc pas si étonnant de se représenter la scène. Elle souriait et il ne put s’empêcher de rire doucement, euphorique face à cette demoiselle si amusante, si chaleureuse et si proche.

« Je pense que je prends bien assez de risque au Quidditch pour ne pas m'en rajouter ! De plus la chance ne semble pas vouloir me quitter ces temps ci. »

Oui, il parlait d'elle, c'était on ne peut plus évident. Sa rencontre avait donné un second souffle au Serpentard et il l'en remerciait secrètement chaque jour qu'il passait en sa compagnie.
C'est donc tout naturel pour lui de s’inquiéter de son état. Le préfet écouta avec attention pour être sur que tout allait bien. Apparemment il n'avait pas à s'en faire bien que la fin de sa phrase ce soit perdu en chemin dans un silence étonnant. Icarus laissa ses yeux plonger dans ceux de la Serdaigle avec une touche de bonheur et d’inquiétude. Délicatement il laissa sa tête se pencher en avant pour poser son front contre celui de Cyryiel.

« Que tu le veuilles ou non je m’inquiètes pour toi. Tu es beaucoup trop... »

Insouciante ? Distraite ? Gentille ? Rêveuse ? Non, tout simplement beaucoup, beaucoup, beaucoup trop...

« ...importante. »

Ses mots résonnèrent comme des aveux tandis que ses doigts resserrèrent légèrement leur prise sur la main de la préfete. Et maintenant Icarus ? Si la flamme te brûlait à nouveau tu ne pourrais t'en prendre qu'à toi même, tu en as conscience ? Doucement les lèvres du jeune sorcier bougèrent à nouveau.

« Enfin, je veux dire...»

Il n'y avait rien d'autre à dire. Iko laissa le silence reprendre sa place avec une unique pensée en tête. Pourvu qu'elle ne lâche pas sa main. Ce n'était pas demander grand chose n'est ce pas ? Il sentait les mèches immaculées de Cyryiel se mêler aux siennes à mesure que les minutes passaient. Sans bouger, Icarus voyagea dans ses souvenirs. Le souvenir de ses deux dernières semaines. Le jour ou ils avaient mangé ensemble pour la première fois. La soirée ou ils s'étaient retrouvés dans le parc pour discuter juste avant de retourner dans leur salle commune respective. Le matin ou Icarus avait fait le pitre à la table des Poufsouffle et qu'il avait vu, du coin de l’œil, la Serdaigle rire à sa propre table. Le week-end dernier ou ils avait passé la journée entière dans la tour d'astronomie à parler de tout et n'importe quoi.

C'était rassurant, c'était chaud et surtout, c'était doux. Tout ce qu'il avait vécu depuis sa rencontre n'avait été que bonheur. Certes, ses nuits étaient toujours aussi stressantes mais les journées en valait bien la peine. Même les entraînements de Quidditch de sa Capitaine étaient devenu plus joyeux grâce à cette demoiselle. La main qui était toujours sur son menton se libéra de ses entraves et croqua à pleine dent la liberté nouvelle. Elle glissa le long de la joue de Cyryiel comme si c'était la chose la plus naturelle au monde. Icarus retenu sa respiration.

Et maintenant ?

L'inquiétude que la Serdaigle manifesta à son égard toucha Icarus avec plus de délicatesse qu'une plume. Il savait qu'elle faisait attention à lui, Il ne savait pas qu'elle le faisait autant. C'est vrai que durant les entraînements, et même si l'équipe tentait de masquer la tension qu'Iko amenait avec lui, les cognards perdus était monnaie courante. La plupart du temps, son talent suffisait à les renvoyer même dans des cas difficiles mais il arrivait qu'une de ces saletés arrive dans son angle mort et pour le coup, lui cause quelques blessures bien douloureuses. C'est en gardant son sourire si chaleureux que le Serpentard reprit tranquillement :

« Les cognards ne sont les amis de personnes tu sais ? Et quand je parle de chance...C'est évidemment de toi que je parle. »

Icarus aurait du être plus explicite mais pour lui il n'y avait pas plus clair. C'était limpide non ? Chaque matin, les Poufsouffle charriaient le préfet à grand coup de clin d’œil en direction de la table des Serdaigles sans que le sorcier n'y comprenne quoi que ce soit. Désormais, le sens de cette mascarade ridicule était monté au cerveau. Il ne s'en était pas rendu compte mais il y avait l'Icarus avec les élèves et l'Icarus avec Cyryiel. Non pas qu'il adaptait son comportement pour l'un ou pour l'autre ! Juste qu'avec la préfete, il était détendu, à l'aise, joyeux et surtout toujours un peu coloré des joues. Il n'y avait que lui pour ne pas s'en rendre compte et même Emmet avait du remarquer la chose vu son état ronchon des derniers jours.

Ils étaient toujours là. Liés par une main, liés par les rougeurs de leurs visages respectifs. La distance entre eux était une longue autoroute aux yeux d'Iko, une longue autoroute qu'il aurait pu franchir d'un mouvement sans se torturer la tête plus que nécessaire. Sauf qu'il ne voulait pas reproduire les mêmes erreurs. Sa main libre voulut imiter sa sœur et c'est donc avec douceur qu'elle se glissa dans celle de Cyryiel. Une des mèches blanche glissa sur la joue du préfet et provoqua un nouveau frisson, léger et doux. La question demeurait toujours. Et maintenant ? Il y avait tellement de possibilités, tellement de choix qu'Icarus était perdu. Il ne voulait pas se tromper, il ne voulait pas prendre le mauvais chemin , il ne voulait pas retrouver le sentier de la souffrance.

Alors qu'elle voie prendre ? La prudente ? La directe ? La timide ou l'assurée ? Aucune ne semblait trouver grâce puisque qu'aucune n'étaient naturelle. Les épaules du Serpentard s’affaissèrent légèrement, signe que le sorcier laissait tomber les réflexions pour laisser agir son instinct.

« Cyryiel, comment tu me trouves... ? »

C'était loin d’être précis comme question et en plus de ça, prononcé si doucement qu'aucune personne normal n'aurait pu l'entendre. Ce n'était pas comme ça qu'il voulait faire. Un demande ou une question ce n'était pas ce qu'il désirait. Le sorcier ne voulait ni imposer, ni soumettre, ni même proposer. Ce à quoi son cœur aspirait était un consentement mutuel, évident...Naturel.

C'est donc dans la quête de ce petit trésor que son visage s'approcha encore. Son visage ? Non. Ses lèvres. Il avait réduit de moitié l'espace qui les séparait, les yeux clos comme pour se protéger d'une peine et  savourer un bonheur. Même la personne la plus naïve au monde devait comprendre son geste. Cyryiel l'avait comprit, il le savait. Icarus sentait son souffle chaud, la chaleur des ses mains dans les siennes et la douceur de ses mèches sur son front. Iko attendait. Quoi ? Juste ses lèvres.

La question était posée. La réponse ne devrait plus tarder.

Icarus avait retenu un rire quand Cyryiel lui annonça que les deux avaient tout simplement une part de chance dissimulé en eux. C'était amusant d'imaginer un sorte de jauge qui fluctuait en fonction de l'usage qu'on en faisait. Peut être que Felix avait une jauge inépuisable ? Si c'était le cas, Iko était ravi de voir que, pour une fois, sa malchance avait tourné pour faire place à un peu de joie et de bonheur. Un peu de Bleu. Un peu de Cyryiel ?

Le préfet était désormais là, les yeux clos, le visage paisible dans l'attente d'un peu de chance. Sans savoir comment ni pourquoi, il sentit qu'elle avait laissé l'obscurité gagner son regard à son tour. C'était bon signe non ? C'est à ce moment précis que les mains de la sorcière se libérèrent, non pas violemment mais avec une froideur épouvantable. Iko se raidit en s'éloignant un peu d'elle, le visage inquiet. Elle était si pâle et sa voix...Sa voix n'était pas la même.

Cyryiel prononça quelques mots, un poème peut être ? Bien qu'il ne soit pas vraiment doué dans les matières mystique comme l'Astronomie ou la Divination il avait déjà étudié un peu la chose. Ce qu'il avait sous les yeux n'était clairement pas une farce et encore moins un fait naturel. C'était une prophétie. Le Serpentard n'était pas du genre à prendre peur face à ces phénomènes encore brumeux. Non, ce qui retourna son estomac, blanchit sa peau et crispa ses muscles c'était uniquement sa propre interprétation des paroles de la Serdaigle.

Comment ne pas ce sentir visé quand la seconde d'avant ils étaient si proches l'un de l'autre ? Dans sa tête c'était évident et de la même façon qu'on dit qu'après la pluie vient le beau temps, ici, aujourd'hui, c'était tout le contraire. Un bonheur éphémère suivit d'une tristesse sans fond, voilà les mots qui furent marqués au fer rouge dans la tête d'Icarus. Si il avait été objectif il aurait d'abord établit qu'une prophétie ne concernait pas forcement les personnes présentes lors de son apparition. Sauf qu'il n'était pas objectif, ou plutôt, n'était pas en état de l'être.

C'est donc dans un silence de mort qu'il retrouva Cyryiel, perdue, un peu amnésique aussi. Si seulement son entraînement d'animagus était finalisé, il aurait pu se transformer et essayer de réprimer l'angoisse qui dévorait son cœur. Non. Il ne pouvait pas et il ne le voulait pas. La préfete était juste là, face à lui, complètement dans le brouillard et lui, il s'était promis d’être la pour elle. C'est donc avec tout le courage qu'il put rassembler que ses lèvres, blêmes, bougèrent enfin pour offrir à la demoiselle un sourire de réconfort.

« Tu as eu une...absence. En quelque sorte. Comment tu te sens ? »

Il posa sa main sur la tête de la jeune sorcière pour caresser ses cheveux immaculés. Quel étrange sentiment que voilà. Icarus sentait son cœur saigner en silence alors qu'il était juste content d'être là pour elle, juste heureux de pouvoir lui apporter son aide dans un moment pareil. Sans rien ajouter il lui prit la main pour la raccompagner dehors, laissant sa fiole de hoquet dans un coin. A quoi bon. La fraîcheur de l'air caressa son visage quand il passa la porte de chez Zonko. Sa main gardait toujours celle de la Serdaigle avec prudence et d'un pas léger, il la conduisit dans une rue adjacente et très peu fréquentée. Toujours très calmement, Iko l'invita à s'asseoir sur un banc à coté de lui. Son regard se perdit dans l'horizon.

« Je ne sais pas si tu es au courant, je ne sais pas si ça va te faire plaisir ou non mais je sais que je dois t'en parler. Tu viens de dire une prophétie, à l'instant, dans cette petite pièce. »

Il ne mentionna pas son contenu. Comment aurait-il pu ? Sa tête glissa doucement entre ses mains pour finir rivée vers ses pieds, cachée derrière le rideau de ses mèches en bataille...Il attendait la réaction de Cyryiel et ferait en fonction. Il voulait juste qu'elle soit heureuse, le reste n'était pas important.