Utilisation de ma cape d'invisibilité temporaire gagnée aux tasses.
Et utilisation de mon immunité fayot au cas où.

L'autre jour, Louis avait trébuché dans quelque chose d'invisible, en sortant d'un cours de potions. De très mauvaise humeur, parce qu'li détestait viscéralement la vieille mégère qui leur servait de professeur et sa matière d'empoisonneur, il avait de suite pensé qu'on lui avait encore lancé un sortilège dans son dos, mais, non, après une rapide étude de son environnement, il avait finalement comprit qu'il avait trébuché dans un bout de tissu transparent.
Une cape d'invisibilité. Un peu usée, mais une quand même.

C'était un objet magique, alors sa première réaction avait été de vouloir la brûler tout de suite et maintenant sur une des torches accrochées au mur pour éclairer les cachots ; puis, alors que les flammes frôlaient le tissu, il s'était ravisé. Et si, pour une fois, il pouvait retourner la magie contre les sorciers ?

En soit, Louis s'en fichait de sortir la nuit et de faire perdre des points à sa maison. Plus il commettait d'infractions, plus grandes étaient ses chances d'être renvoyé, même si il tenait à Andrea, Violet et Gertrude. Ceci dit, à force qu'il s'acharne à aller à l'encontre des règles, ses actes passaient inaperçus. En revanche, du vandalisme anonyme, ça pourrait faire son petit effet...

Ainsi, un soir, glissé sous la cape d'invisibilité, sa petite idée en tête, Louis s'était glissé dans la bibliothèque que l'on avait oublié de verrouiller. La première étape de son plan, c'était de marquer son passage.
Il se glissa entre deux grosses étagères, retira sa cape et sortit de la poche de sa robe de sorcier un gros tube de ketchup qu'il avait volé lors du dîner, et il commença à rédiger en gros caractères sur le mur :


Fier de son oeuvre, il alla jeter le tube de ketchup dans la poubelle, près du bureau du bibliothécaire. Quand même, il ne fallait pas polluer.
Louis retourna alors là où il avait abandonné la cape et se posa devant une étagère. Il prit le premier livre qu'il vit, Cent ans de métamorphoses, et déchira les pages une à une avec un grand sourire ravi. Alors, il entendit la porte de la bibliothèque s'ouvrir et, pétrifié, il s'empressa de se cacher sous sa cape d'invisibilité.

Respirant le plus faiblement possible, il vit passer devant lui un garçon, un livre à la main, qui semblait chercher quelque chose. Bien caché, Louis ne fut pas remarquer, et le garçon fit demi-tour. Louis le suivit discrètement, et... oh zut.
Il n'arrivait plus à ouvrir la porte.

Ok. Ok, pas de panique. Il était coincé dans une bibliothèque sorcière, avec un mini-sorcier, mais le tout avec une cape magique. Du coup, son plan n'était pas encore complètement tombé à l'eau. Il pouvait toujours continuer, caché, dans l'ombre, tel le guerrier gobelin dans les mines de la Moria...

Louis retourna entre deux rayonnes et fit tomber trois ou quatre livres par terre avant de courir dans une autre direction, pour distraire le garçon. Il arracha alors un nouveau livre à son étagère et le jeta sur la tête de l'étranger.

Frigg commença par faire la chose la plus logique qui soit : s'acharner sur la poignée en la tirant et la secouant dans tous les sens. Ensuite, Frigg fit la chose la plus logique qui soit, mais pour un sorcier :

« Alohomora ! Mince... C'est pas ça ? Alohora ! Alomori ! Allô Mori... Non mais n'importe quoi. OUVREZ-MOI ! »

Ça ne marchait pas. Un bruit sourd le fit sursauter. Le petit Serdaigle se retourna leeeentement en levant bien haut sa baguette, regrettant de ne pas se rappeler du sort qui rendait le Lumos plus puissant.

« A... allô ? »

C'était peut-être simplement le bibliothécaire qui faisait du rangement. Un rangement... radical. En suivant la source du bruit, qui se répétait, Frigg vit des livres écrasés au sol comme de pauvres oiseaux tombés du nid et morts sur le coup. La vision était horrible, mais pas autant que de réaliser que des livres étaient tombés des étagères, et qu'il n'y avait personne. Une seule réponse ? Elle était hantée. Une seule solution ? GHOSTBUSTERS. Frigg courut jusqu'à la porte et donna de grands coups sur le battant. Il n'avait pas de brevet de chasseur de fantômes et il n'avait même pas d'aspirateur ! Le boucan n'attira personne, en revanche il agaça l'esprit dans la pièce car le Serdaigle se prit un livre dans la tête. Parfaitement. Il chancela un peu, sonné, et se massa le crâne en gémissant.

« C'était pas gentil ! Qui est là ? »

Avec sa baguette, il remonta prudemment une allée de livres en suivant, il l'espérait, la trajectoire inverse du livre volant. Peut-être trouverait-il le coupable et peut-être ne serait-ce pas un fantôme. Il l'espérait très fort. Que pouvait-il faire d'autre ? Personne n'entendrait ses appels, il semblait coincé ici jusqu'au matin. Impossible pour lui de ne pas savoir avec qui ou quoi il était condamné. En remontant l'allée, il se rappela du sort qu'il cherchait et déclama haut et fort :

« LUMOS MAXIMA ! »

Juste en face de lui, sur le mur, des lettres ensanglantées traçaient un message cauchemardesque :


« AAAAH ! »

Un démon de l'enfer ! Frigg courut en sens inverse, cogna quelque chose et s'effondra au sol, complètement sonné. Son petit cœur de grenouille ne pouvait en supporter davantage.

Louis, bien caché sous sa fichue cape magique, regarda le petit garçon frapper la porte. Il avait peu.r Le mini-sorcier avait peur ! C'était une plutôt bonne nouvelle : son plan fonctionnait. D'accord, ce n'était pas très gentil, le hobbit le soulignait, mais ce n'était qu'un petit sacrifice pour atteindre son but final : l'abandon de la magie par les sorciers.

Visiblement, le garçon cherchait l'auteur des jets de livre. Louis se gardait bien de toujours se tenir éloigné de lui : hors de question qu'il le percute. Pourtant, lorsqu'il se mit à courir en découvrant le message du jeune Serpentard, Louis ne put réagir assez vite et fut culbuté par le corps fou du gamin.
Profitant que sa cape ne soit pas tombée et que l'autre soit un peu étourdi, Louis se releva promptement et reprit ses distances. Il s'empressa de se glisser derrière le cadet et fit tomber un livre du bureau du bibliothécaire absent.

Ceci étant dit, il devait communiquer. Il ne pouvait pas écrire, cela voudrait dire sortir sa main de sous la cape. Par contre, il pouvait parler, pour peu qu'il réussisse à déformer sa voix. Louis chercha du regard ce qui pourrait lui être utile et finit par trouver un morceau de parchemin qu'il décida de rouler pour un faire un porte-voix. C'était mieux que rien. Il prit alors sa voix la plus grave et clama, toujours invisible :

- Tu oses perturber la sommeil du grand.... du grand quoi, d'ailleurs ? Vite, il fallait réfléchir ! ... du fantôme du grand tueur de sorcier Balrog ! J'ai brûlé des sorciers qui font dix fois ta taille et ton âge et je suis prêt à recommencer ! Treeeeeemble !

Et, sait-on jamais que le garçon soit assez courageux pour chercher la provenance de la voix, Louis se glissa dans un autre coin de la bibliothèque, et en profita pour souffler une bougie au passage.
Il n'avait pas du tout, mais alors pas du tout prévu ça, mais les choses pouvaient bien devenir amusantes, finalement.

- J'ai dis : trembleeeeez !

Et, encore une fois, il se déplaça, et fit tomber, cette fois-ci, un encrier.

Frigg, assommé par le coup, resta allongé quelques instants. Que pouvait-il faire contre un esprit maléfique ? S’il avait su qu’il y en avait un dans la bibliothèque, il... il ne serait jamais entré, même en pleine journée. Ou alors il aurait demandé à se faire accompagner. Il était sûr que ses cousins Garfield et Kalev savaient se défendre contre ce genre de créatures. Ils devaient bien apprendre ça, à Poudlard. Si ça se trouvait, c’était normal de trouver des esprits mécontents un peu partout. Un bruit sourd le fit sursauter et Frigg se releva prestement et chercha sa baguette à tâtons. Il ne pouvait pas rester là ! S’il se laissait assommer, qui sait ce que l’esprit ferait ? Il pouvait l’attacher et le torturer à coups de chatouilles ! Ou pire... détruire tous les livres ! Quelle horreur ! C’est alors que la créature parla, d'une voix profonde et caverneuse. Ou du moins, rendue profonde et caverneuse par la peur et l’imagination débridée de Frigg :

« Tu oses perturber le sommeil du grand.... du fantôme du grand tueur de sorcier Balrog ! J'ai brûlé des sorciers qui font dix fois ta taille et ton âge et je suis prêt à recommencer ! Treeeeeemble ! »

Maman, il allait mourir ! Il rampa jusqu’à la table la plus proche et se cacha dessous. Balrog, Balro- comme... comme un balrog ? Ça existait pour de vrai ? Et dans le château ? La créature souffla une bougie. Il possédait le pouvoir du feuuuu ! Forcément, forcément... ça se tenait. Mais Frigg n’était pas Gandalf, que pouvait-il faire contre un monstre pareil ? Même si ce n’était que le fantôme d’un balrog... il devait être très puissant. Que faisait-il ici ? Frigg entendit un nouveau bruit sourd et se déplaça de tables en tables, à quatre pattes, pour rester en mouvement et donc potentiellement en sécurité si l’envie prenait au balrog d’essayer de lui lancer des trucs à la figure. Il vit l’encrier écrasé au sol et visualisa mentalement les dégâts que cela causerait sur du parchemin neuf, ou pire, sur des livres ! Non, il ne pouvait pas laisser faire ça. S’il se cachait jusqu’au retour du bibliothécaire et que Balrog détruisait la bibliothèque ? On lui demanderait pourquoi il n’avait rien fait, et il serait puni, on écrirait à ses parents, peut-être même qu’on le renverrait chez lui pour toujours ! Alors que, si ça se trouvait, tout le monde savait qu’il y avait un esprit ici et qu’il ne fallait pas le déranger. Ça devait être commun, à Poudlard, ce genre de situations. Et Frigg avait été assez stupide pour réveiller la créature - il ne savait pas comment. C’était de sa faute. Il devait faire quelque chose ! Il se redressa vivement, et se cogna contre la table sous laquelle il était caché.

« Aïe ! »

Balrog l’avait sûrement localisé à présent ! Mais lui aussi, il pouvait le suivre aux bruits qu’il faisait. Frigg s'éloigna de la table et se releva précautionneusement, en serrant bien sa baguette. Il se guida aux choses que l’esprit maléfique renversait pour estimer sa position. Quand il fut à peu près certain d’être près de lui - mais pas trop, au cas où il devait fuir en courant - il se redressa de tout son haut, a.k.a. cent-quarante courageux centimètres, pour se poster devant une étagère pleine de beaux livres et écarter les bras :

« C’est… c'est pas bien ce que tu fais, je peux pas te laisser détruire la bibliothèque et je... je... » Qu'est-ce que Gandalf aurait dit à sa place ? S'il avait su que les balrog existaient, il aurait prêté un peu plus d'attention au passage dans les mines de la Moria ! « Jeeee suis un serviteur du feu secret, détenteur de la flamme d'An- de la flamme qui est pas maléfique, et toi tu as le feu sombre alors retourne brûler des livres dans l'ombre ! Lumos maxima ! »

Il fallait vraiment qu'il révise ses répliques. Frigg était presque certain qu'il avait beaucoup moins de classe que Gandalf dans La communauté de l'anneau, et pourtant à se tenir là devant les rayons, il sentit la force du magicien gris passer en lui, et il eut le courage de crier :

« VOUS- NE- PASSEREZ PAAAAAS ! »

Louis, caché sous sa cape d'invisibilité, leva les yeux au plafond lorsque le petit garçon qu'il malmenait se plaça entre lui et une étagère pleine de livres pour l'empêcher de leur faire du mal. Les leçons de moral, Louis n'aimait pas beaucoup ça ; encore moins lorsqu'elles ne venaient pas de ses parents, seuls figures d'autorité à laquelle le né-moldu se soumettait volontiers. Louis n'était jamais plus docile que lors des vacances d'été.

Bon, les réprimandes passaient encore, mais le sortilège, beaucoup moins. Aveuglé, Louis eut un mouvement de recul et se cogna contre l'étagère derrière lui. Sa cape menaça de glisser, mais il continuait de la tenir fermement entre ses doigts pour ne pas révéler son identité au grand jour et, ce, malgré la réplique culte que venait de clamer le petit sorcier en face de lui.

Louis était vraiment surpris. Cette petite chose connaissait Gandalf. Cette petite chose connaissait le Seigneur des Anneaux. Cette petite chose avait de la vraie culture en elle. Louis fut presque tenté d'arrêter ce petit stratagème et de se poser pour discuter des grandes aventures de la Terre du Milieu, mais les petites étoiles qui brillaient dans ses yeux lui rappelaient qu'il venait d'être agressé par un sortilège.
Du coup, vexé, il prit un livre derrière lui dans les rangées et le jeta à travers la pièce.

- Tu oses imiter Gandalf le Blanc, le plus grand des magiciens, misérable sorcier ? Cette insulte ne peut pas rester impunie ! Tu es né mille ans trop tôt pour me vaincre ! Tremble ! Pour te faire comprendre tes torts, je vais brûler les livres de cette bibliothèque un à un !

Le jeune Serpentard s'efforçait de prendre sa voix la plus virile et la plus terrifiante ; ce qui était u peu raté, en partie du fait qu'il était un adolescent, et que sa voix, il la contrôlait mal, et qu'il n'était pas difficile d'entendre les petits dérapages de celle-ci. Balrog l'adolescent en train de mut, ça manquait un peu de prestance.
Bon, ceci dit, c'était mignon de faire des menaces en l'air, mais il n'avait pas le pouvoir de brûler toute cette fichue bibliothèque de sorciers. Par contre.... il pouvait peut-être se servir un peu de l'autre garçon ?

- Néanmoiiiiins, Balrog le Pourfendeur de Sorciers est d'humeur généreuse ce soir. Si tu acceptes d'obéir au moindre de ses ordres, il épargnera tous les livres présents ici. Tu n'auras aucune autre chance de sauver les bouquiiiiins !

Le mot "bouquins" partit un peu dans les aigus. Fichue voix, ce soir.

Frigg n'eut pas le temps d'apprécier le résultat plutôt réussi de son sort, un livre en pleine figure lui ôtant toute pensée cohérente pendant une bonne minute. Il tituba en pressant ses mains contre son visage, sonné par le choc et la douleur. Ça faisait mal, bon sang ! Le poids du savoir, probablement. Frigg gémit alors que le Balrog se relevait, plus fort que jamais apparemment. Il n'avait fait qu'attiser le feu de sa colère et maintenant, sa vengeance serait terrible !

« Non ! » chouina Frigg en comprenant qu'à cause de lui, tous les livres seraient brûlés et la bibliothèque détruite.

Il ne pouvait pas laisser faire ça ! Mais il n'était qu'un tout jeune sorcier et on venait de lui décalquer un livre sur la tronche, il n'était pas au mieux de sa forme et de ses capacités. Que pouvait-il face au grand Balrog ? C'était déjà un miracle qu'il ne l'ait pas transformé en côtelettes.

« Néanmoiiiiins, Balrog le Pourfendeur de Sorciers est d'humeur généreuse ce soir. Si tu acceptes d'obéir au moindre de ses ordres, il épargnera tous les livres présents ici. Tu n'auras aucune autre chance de sauver les bouquiiiiins ! »

Il avait une voix un peu bizarre, le Balrog. Frigg cligna des yeux mais la peur était encore la plus forte. Il réfléchissait du mieux qu'il le pouvait pour savoir ce qu'il pouvait dire, mais il semblait évident qu'il n'avait aucune autre option : il devait se rendre et obéir au monstre.

« B-bien ! Je ferai ce que tu dis mais ne détruis pas la bibliothèque ! Tu dois promettre », déclara naïvement le gamin, comme si on pouvait marchander avec une créature de mille ans d'âge.

Il faillit lui demander de se montrer mais il n'était pas sûr que ses yeux de mortels souffrent la vision d'un monstre venu tout droit d'un autre temps, et d'un autre univers aussi. Frigg avait les larmes au yeux, mais il ne savait pas exactement si c'était la douleur ou la peur qui lui donnait envie de pleurer. En tout cas, il n'avait pas envie que les livres soient détruits... ou que lui-même soit détruit. Ou pire.

D'être renvoyé.

Louis ricana sous cape ; c'était le cas de le dire. Il ricanait surtout intérieurement, pour ne pas que sa formidable couverture soit grillée, parce qu'il tenait à ce que l'autre gamin le prenne pour le grand Balrog, mais ça ne l'empêchait pas vraiment de jubiler. Il avait la main mise sur un innocent petit sorcier ! Ce n'était clairement pas le cas tous les jours. Louis se devait d'en profiter. Une si belle occasion, ça ne se laisse pas filer. Le Serpentard étouffa un bâillement avec sa main.

- Le Divin Balrog compte sur toi ! Il sait récompenser ses fidèles serviteurs ! Si tu obéis ses ordres, tu ne le regretteras pas ! Il accomplira ton plus grand voeu !

Bon, ça c'était la partie complètement mensongère, mais chut. Déjà, Louis comptait ne réaliser les rêves de personne, et surtout si cela demandait d'employer la magie. En attendant, il n'avait jamais promis d'être honnête, et faire rêver son nouvel esclave n'était pas un grand mal.

Du coup, il restait à trouver un ordre efficace à lui transmettre. Quelque chose d'utile pour ses plans. Rien contre le professeur Emerald, histoire que ça ne se retourne pas contre lui, déjà. Ni contre Waltham, il s'entendait trop bien avec le professeur de sortilèges. Ni la vieille harpie aux potions, elle serait capable de les empoisonner. Par contre, il pouvait semer un peu la zizanie dans les couloirs.

- Ouvre graaaand tes oreilles jeune humain ! A la prochaine nuit de pleine lune tu t'infiltreras dans dans les toilettes et tu écriras avec de la peinture rouge sur les murs un poème d'insultes à la magie !

Quelle bonne idée. C'était très bien, ça. Restait à voir si le garçon en aurait le courage. Peut-être qu'il fallait accentuer la menace ?

- Je t'avertis une dernière fois : si tu désobéis, la bibliothèque BRÛLERAAAAA.

Louis voulut émettre un rire sardonique, mais il toussota en avalant de travers.