Parce que ce jour-là Kalev avait un rendez-vous, il s'était débrouillé pour ne pas avoir d'enfant à garder. Etant donné qu'il s'agissait des vacances, cela aurait pu se montrer assez compliqué, mais il avait finalement eu de la chance que la proposition d'Astrid tombe sur une des fois où il devait habituellement être la nourrice des enfants Waltham, ceux-ci restant avec leur père pour les vacances. C'était d'ailleurs toujours aussi perturbant de babysitter les enfants de son ancien professeur de métamorphoses. Vraiment perturbant. Heureusement que les enfants étaient plutôt sages et mignons, surtout le plus grand des deux.

Et, du fait qu'il avait appris à comprendre qu'Astrid ne supportait guère d'attendre, il avait bien pris soin de se réveiller tôt et de ne pas traîner au lit contrairement à ses habitudes. Seulement, il se retrouva finalement tant en avance qu'il décida d'en profiter pour faire un peu de cuisine ; il commençait à savoir préparer pas mal de gâteaux sympathiques qu'ils pourraient manger après leur shopping, se dit-il. Alors il s'y lança, et oublia de surveiller l'heure.

Tant et si bien qu'il arriva en retard malgré tout.

A son arrivée, Astrid ne manqua pas de le lui faire remarquer, et Kalev encore un peu essoufflé d'avoir courut pour la rejoindre ; lunettes sur le nez, grosse écharpe autour du cou parce qu'il ne faisait jamais assez chaud en dehors de l'été, et cheveux en bataille, comme chaque fois qu'il partait un peu trop dans la précipitation.
Il lui adressa son plus grand sourire désolé et joignit les mains en signe de repenti.

- Pardooooon, à la base je te promets que j'étais à l'heure, j'étais même en avance ! Mais du coup j'ai voulu nous préparer des sablés et des muffins et j'ai plus du tout fait gaffe à l'heure... mais du coup j'ai à manger. Et j'ai reçu ma paye, et je suis libre tooooute la journée.

Voilà, le mea culpa était fait. Il espérait que ça passerait. Bon, Astrid n'était pas un monstre, contrairement à ce que les premières apparences pouvaient laisser penser à certains, alors elle devrait réussir à lui pardonner. Comme les fois précédentes. Et puis, il n'y avait pas que les hommes que l'on pouvait acheter par l'estomac, non ?

- Ah oh et, j'oubliais, réalisa-t-il soudainement. Fais toi à l'idée que je déteste transplaner, vraiment. Du moment que mes pieds peuvent m'emmener où je veux je m'en satisfait bien. Pour venir à Pré-au-Lard ok, mais pour rester dans Londres, j'évite. Je crois que je t'ai déjà dis que je m'y suis repris à deux fois pour mon permis ? Je suis vraiment pas à l'aise avec ce truc. La désartibulation ça me tente vraiment pas, et puis ça ruinerait la journée, non ?

Astrid trouverait sans doute ça ridicule, mais bon. Il y avait bien des moldus qui avaient le mal des transports, pourquoi pas des sorciers anxieux avec le transplanage ? Enfin, bon, maintenant qu'ils étaient tous les deux là, restait à voir par quoi Astrid voudrait commencer, puisque c'était elle qui dirigeait les opérations.

Oui, oui, il ferait des efforts pour ne plus arriver en retard ; peut-être. Au moins pour elle, parce que ça avait vraiment l'air de lui déplaire, beaucoup. Kalev se demanda vaguement si elle offrait les mêmes sermons à ses joueurs lorsqu'ils arrivaient en retard sur le terrain. Peut-être que cette année à être lui-même capitaine et à avoir du mal à respecter ses propres horaires ne l'aidait pas beaucoup à arriver à l'heure à ses rendez-vous. Pour peu qu'il puisse assez ça un rendez-vous.
Parce que oui, Astrid était une fille, il l'avait bien remarqué, pas de problème ; de toute façon, une fille, ça avait plus de caractère qu'un garçon, à Poufsouffle, c'était génétiquement prouvé, alors il s'en était d'autant plus rendu compte. C'était un peu ridicule, d'ailleurs.

- Tu saiiiis si cette fille théorique a vraiment si mal aux pieds que ça, outre le fait que personne ne l'oblige à porter de talons, elle peut aussi transplaner par elle-même. Il y a autant d'excellentes sorcières que d'excellents sorciers. Moi c'est pas question, mais si elle ça l'arrange, c'est sa liberté. Kalev haussa les épaules. Je suis d'ailleurs persuadé que tu transplaneras bien mieux que moi, parce que tu es moins trouillarde.

Finalement, c'était bel et bien ça son problème : dans le transplanage, sa trouillarde prenait le dessus sur son flegme. Il avait beaucoup trop peur d'atterrir chez des inconnus, surtout des moldus, ou dans un pays perdu, ou pire encore, vraiment pire, finir désartibulé.
C'était en fait assez miraculeux qu'il ait osé faire du Quidditch aussi longtemps. Peut-être parce qu'on l'avait mis sur un balai volant avant même qu'il ne comprenne ce qu'était la peur. Enfin, l'heure était aux boutiques, pas aux dangers du monde. Alors tout en suivant Astrid dans la boutique, il pensa silencieusement que ce n'était pas comme s'il cherchait particulièrement à être sexy. Ce n'était pas un mot qui lui collait vraiment. Pas du tout même. Il trouvait ça un peu artificiel.

Les boutiques, par ailleurs, ce n'était pas vraiment son univers, et il s'y sentait peu à l'aise ; alors presque instinctivement, il remonta son écharpe sur son visage et se rapprocha d'Astrid. Il n'avait aucun goût, il en avait bien conscience. C'était bien pour ça qu'il ne s'embêtait pas spécialement à acheter de nouveaux vêtements. Ni la mode sorcière ni la mode moldue ne l'avaient jamais foncièrement intéressé. Maintenant qu'il était adulte, il avouait beaucoup regretter la simplicité qu'apportait le fait de revêtir un uniforme pratiquement chaque jour de la semaine.

- Je sais qu'on n'a pas encore vraiment commencé, mais bon courage pour réussir à me trouver des trucs. Y'a pas beaucoup de choses dans lesquelles je mets peu de bonne volonté, mais dans le registre vestimentaire, je suis vraiment nul et j'ai aucun intérêt pour.

Bon, pour autant il n'allait pas tirer la tête ni traîner des pieds, mais il fallait qu'elle se prépare mentalement au fait que ça risquait de prendre du temps si elle voulait faire les choses correctement.

Kalev n'était pas tout à fait d'accord avec Astrid concernant le transplanage. Si c'était un élément qui participait à l'indépendance d'une personne, ça ne faisait pas tout. Il le comprenait, doucement, en devant se prendre en main, maintenant qu'il avait quitté Poudlard et la maison de ses parents. L'indépendance, c'était penser à fermer sa porte à clefs et se cuisiner de bons plats. L'indépendance, c'était ne pas avoir peur seul dans son appartement, et payer son loyer tout seul. C'était avoir un salaire. C'était gérer ses problèmes. C'était grandir, en quelque sorte. Par contre, il ne pouvait pas la contredire sur le fait qu'il n'était pas toujours fiable, dans le sens où il peinait parfois à se gére lui-même, alors autrui ? Pourtant, il s'estimait être un bon ami, et s'il échouait à être aidant, il avait au moins le mérite d'y mettre tout son coeur.

- Je ne vois pas où est le mal à ce qu'une fille soit indépendante, conclut-il de sa réflexion personnelle. Je trouve ça au contraire rassurant qu'elle puisse réussir dans des domaines où je suis assez nul. Y'a pas que les filles qui cherchent des personnes sur lesquelles elles peuvent compter. Les garçons aussi. Moi aussi. On se repose tous un peu sur les autres... non ?

Son but n'était pas réellement de la contredire pour le plaisir de la contredire, mais il ne pouvait pas acquiescer simplement ; ce n'aurait pas été honnête. Il accompagna toutefois sa remarque d'un sourire, peut-être pour l'inciter à comprendre qu'il n'était pas contrarié mais aimait juste bien argumenter. Ce genre de discussion n'était pas déplaisante. Aucune discussion n'était déplaisante, en soit, puisque cela signifiait qu'il y avait quelqu'un à ses côtés avec qui échanger.

- Mais j'avais raison, t'es vraiment douée. La session d'entrainement, j'ai fini chez des moldus. J'ai cru qu'ils allaient faire une crise cardiaque.

Kalev écarta négligemment deux pans de vêtements portés par des cintres, peu convaincu par ce qu'il voyait. Est-ce qu'une tenue vestimentaire dépendait vraiment de la confiance en soi ? Peut-être bien. Il ne savait pas vraiment, parce qu'il ne s'était tout bêtement jamais posé la question. Il n'avait jamais ressenti le besoin de se pencher sur le sujet. C'était amusant, malgré tout, d'entendre ses remontrances, parce que Kalev ne considérait pas qu'il manquait autant de confiance en lu que ça ; surtout comparé à avant, et surtout comparé à d'autres.

- Je sais que j'ai pas l'aura d'Orion, ou la tienne, mais je suis pas non plus siiii désespéré que ça. Il rit et haussa les épaules, puis remonta ses lunettes. Enfin bref. J'ai pas un salaire de dingue mais j'ai décidé d'un sacrifier une partie ce mois-ci pour notre quête alors je peux me faire un peu plaisir temps que ça reste raisonnable. Au pire mon frère arrondira les angles.

Après tout, un grand-frère, ça pouvait aussi servir à ça, de temps en temps. Bon, d'accord, il squattait déjà éhontément son appartement, mais ce n'était pas une raison. Ce n'était pas comme s'il allait s'acheter des vêtements tous les mois de toute façon, ce n'était définitivement pas sa passion.

- Et toi, lança Kalev, tu comptes aussi t'acheter des trucs aujourd'hui ou pas du tout ?

Bizarrement, il trouvait l'idée assez sympathique de ne pas être le seul à devoir s'ennuyer à faire des essayages. Et puis, il aurait moins l'impression d'abuser du temps d'Astrid si elle se faisait aussi un peu plaisir.

Kalev la regardait sélectionner des vêtements dans les étalages sans trop trouver mot à dire. Il imaginait que faire son difficile avant même d'essayer serait assez mal vu, et plutôt contre-productif. Il devait donner sa chance au goût esthétique d'Astrid, bien qu'il n'était pas forcément convaincu par ce qu'il voyait entre ses mains. Elle usait encore de ses sens sur-développés de capitaine, c'est ça ?

- Tu sais, j'ai été capitaine aussi, et je suis pas certain de savoir repérer le potentiel. Je pense plus que c'est ton caractère naturel, ou quelque chose comme ça. Il haussa les épaules. Même si je trouve que Fifi et petit Wes sont doués, il se peut que ce soit juste mon avis et que personne d'autre ne le partage, va savoir. Et peut-être que pareillement, tu es la seule à voir du potentiel en moi. Il marqua une pause, perplexe. Même si c'est un peu pessimiste pour moi et que j'ai espoir que mes amis croient en moi, quand même.

Ce en quoi Kalev ne croyait toujours pas, par contre, c'était ce relooking. A bien y réfléchir, il aurait mille fois préféré accompagner Astrid toute la journée pour que, elle, fasse les boutiques, en son nom propre, plutôt que de devoir lui-même se décider sur quoi porter. Il regrettait vraiment, vraiment beaucoup l'uniforme.

- Si on finit vite, i y aura peut-être moyen que tu prennes du temps pour toi aussi, non ?

En fait, Kalev aimerait vraiment bien que ça se finisse vite, en toute honnêteté. Comme ça, par la même occasion, la galère serait finie pour un petit bout de temps. Passer du temps avec Astrid, c'était hautement sympathique ; trouver chaussure à son pied, bien moins.

- Tu saiiis, si tu avais vu Orion, je suis sûre que tu aurais pleuré et tu aurais voulu le traîner ici aussi. C'est bien pour lui qu'on le prenne toujours en photo en uniforme de Quidditch, parce que si tu critiques mes furets et mes blaireaux, tu devrais voir ses pulls à lions et ses chaussettes à chatons.  Même si ces derniers temps, il a pour lubie d'imiter le style d'un de ses meilleurs amis. Le frère d'Alix, si tu connais ?

C'est vrai que maintenant qu'il y pensait, il ne se souvenait pas avoir raconté ça à Astrid jusqu'à maintenant.

- Parce que tu vas peut-être trouver ça drôle, mais le frère d'Alix, celui de Garfield et le mien ont à peu près le même âge, sortent de Gryffondor et sont inséparables.

C'était une coïncidence qui continuait toujours de faire sourire Kalev. Le monde était tellement, tellement petit, que c'en était presque ridicule.

Une troisième génération à Serdaigle ? Certainement pas ! Kalev entendait encore sa mère affirmer haut et fort qu'elle avait eu bien assez de deux fils à élever, dont aucun assez ambitieux pour suivre les traces de leurs parents, et devenir de brillants médicomages issus de Serpentard. Leur parcours n'empêchait en rien cette femme de chérir ses garçons, mais quand même, ils auraient pu faire un effort, répétait-elle souvent. Devenir médicomage, ce n'est pas si sorcier que ça, dans le fond.
En fait, quand il regardait, Astrid lui rappelait parfois un peu sa mère, à radoter sur la facilité de certaines choses, la difficulté d'autres, mais surtout à se vouloir être un guide. Dans l'absolu, ce n'était pas dérangeant. Ce qui l'était un peu plus, c'était cette habitude de plus en plus récurrente de l'infantiliser, ce que Kalev devait avouer ne pas forcément apprécier.

Avec un sourire doux mais un ton franc, il se permit donc d'interrompre brièvement sa camarade :

- Astrid, s'il te plaît, ne me traite pas comme un enfant. Je ne peux pas me vanter d'être un parfait adulte, mais je n'ai plus douze ans. Je suis grand. Au moins d'âge, si ce n'est pas en taille. Plus que toi, même.

D'un an, certes, et il s'en fichait assez éperdument, mais puisqu'il voulait rappeler à Astrid qu'elle n'avait pas à le tenir par la main comme un petit garçon, c'était peut-être bon de le souligner. Kalev n'avait rien du tout contre la taquinerie Seulement, il commençait lentement à prendre ça comme un manque de respect. Il n'était pas nigaud au point de salir ses vêtements comme un gamin, et, de plus, au pire des cas, il y avait la magie pour se charger de ça. Peut-être avait-elle l'habitude de s'occuper de frères plus jeunes qu'elle, il n'en savait rien, mais à présent, c'était lui la nounou pour petits sorciers.

Ceci dit, Kalev ne voyait aucun intérêt à faire tout un foin de cette histoire et se rendit aux cabines d'essayage sans broncher, même si ça ne lui plaisait pas vraiment. Il tenta de former un premier ensemble, continuant la conversation.

- Les amis d'Orion ont bien plus de chances de lancer une mode que lui, si tu veux mon avis, puisque ce sont eux qui inspirent mon frère. Je ne pense pas te l'avoir déjà dis, mais si Orion n'est jamais à la maison, c'est parce qu'il passe sa vie chez Andrew et Horacio.

Kalev s'était changé, mais son premier constat, avant même de parler d'esthétique, fut qu'il avait froid. Parce que le printemps approchait, peut-être, Astrid avait sélectionné des vêtements légers ; seulement Kalev était frileux. Atrocement frileux. Et il ne manqua pas de le faire savoir.

- Astrid, dis, tu es au courant quand même qu'on vit certes sur une île, mais pas vraiment de celles où il fait très chaud ? Tu as conscience aussi du fait que je déteste le froid, hein ? Sur dix mois passés à Poudlard, j'en passe neuf avec un, voire deux pull, et une écharpe.

Il pensait que sa tendance à faire l'oignon avait été assez flagrante comme ça, puisqu'il était un des rares, lorsque tout le monde se mettait en t-shirt, à continuer de porter pull et écharpe.

En vérité, c'était Kalev qui ne comprenait pas comment elle faisait pour avoir chaud dans un endroit pareil, dans une saison pareille. La différence majeure, peut-être, était qu'il était habitué à être le frileux de la bande incapable de s'adapte aux températures du moment. Il ne comprenait pas, mais il était habitué.
Il chercha la veste dont elle parlait, un peu triste malgré tout qu'on le prive de ses pulls adorés, mais l'enfila sans trop broncher, satisfait d'avoir de nouveau sur le dos la couche minimale de tissu nécessaire à sa survie.

Quant à son avis sur la question, excepté ses petits problèmes de manque de chaleur, il n'était pas forcément tout à fait fixé. Il avait un peu de mal à se décider, parce que c'était assez inhabituel, en soit, pour lui, de devoir s'imaginer porter tous les jours des vêtements qu'il n'avait jusque là jamais vu de sa vie.

- Disons que ça change et que je me serais attendu à pire, conclut-il finalement.  Mais tu ne me feras pas porter ça en hiver. J'en ai pas encore assez marre de la vie pour accepter de mourir congelé, même pour l'amour de ton sens de la mode.

Il lu adressa un sourire amusé, mais demeurait tout à fait sérieux dans ses propos. Il n'était pas du tout fermé à l'idée de changer ses habitudes, bien que cela le perturbe un peu, mais il y avait des limites ; et son confort en était une très haute et une très solide, de limite.
Kalev essuya ses lunettes, sur lesquelles il avait posé un doigt par inadvertance. Depuis qu'il avait quitté Poudlard, il ne metait plus aussi souvent qu'avant ses lentilles, mais dans ce genre de moment, il se souvenait de pourquoi il les adorait, ses lentilles.

- D'ailleurs j'ai appris qu'il y avait eut un match de Quidditch en pyjama, cette année ? Je ne sais pas comment vous avez fait. Je monte pas sur un balai sans un pull, une écharpe, une bonne paire de gants et de grosses chaussettes. L'attirail de Quidditch de base, version laine épaisse, en soit. Le jour où on a joué dans les grands vents, si j'avais pas été aussi concentré, je serais mort de froid.

Kalev ne comprenait toujours pas qu'il ait pu autant aimer jouer au Quidditch en dépit de son caractère frileux et trouillard. Un des mystères de sa vie. Sans doute parce qu'il l'avait pratiqué jeune avec son frère, puis avec des amis formidables. C'était le genre d'atout qui rendait n'importe quelle activité plaisante, ou presque. Il y avait certaines retenues d'Emerald qui n'étaient plaisantes avec personne, surtout si elles impliquaient des furets morts.

Kalev n'avait pas immédiatement compris ce qui était en train de se dérouler ; quelques secondes plus tôt, il saisissait à peine du bout des doigts le nouveau vêtement qu'elle lui présentait, et maintenant, il était caché dans la cabine avec Astrid, bien plus paniquée qu'à l'accoutumée. Kalev ne saisissait pas du tout quel genre de drame était en train de se jouer, et essayait difficilement de remettre les informations dans le bon ordre dans sa tête, posant le vêtement précédent sur un crochet destiné à cet usage.
Le frère d'Astrid, donc, c'était ça donc il était question, n'est-ce pas ? Kalev chercha à capter le regard d'Astrid pour en savoir plus, mais elle espionnait l'individu en question à travers la fente du rideau. Qu'est-ce qu'il y avait de si dramatique à ce que son frère soit là, en fait ? Elle lui avait pourtant défendu bec et ongle adorer sa famille. Est-ce qu'elle avait eu un froid avec quelqu'un depuis ?
S'adossant à une paroi de la cabine, il osa poser la question.

- Tu t'es disputée avec ton frère ?

C'était soit ça, soit... soit une raison qui dépassait complètement son imagination. Après tout, il connaissait très peu Astrid et sa famille, dans l'ensemble. Tout le monde avait ses problèmes.
En réponse à ses propres questions silencieuses, il haussa les épaules, puis remit enfin ses lunettes sur son nez. Ses lunettes, tiens, c'était un sujet qu'il avait bien eu envie de remettre sur le tapis avant qu'elle ne le pousse dans la cabine. Quitte à devoir attendre que son frère s'en aille, autant tenir la conversation.

- Je suis habitué aux lentilles, oui, c'est pas vraiment le problème, amorça-t-il de but en blanc en dépit de la situation. C'est juste que j'ai pas trop le courage de les mettre en ce moment. Et puis il y a aussi le fait que lorsque je suis en retard, j'évite de perdre du temps à mettre mes lentilles quand j'ai mes lunettes à portée de mains.

Par ces mots, il faisait bien évidemment allusion aux reproches qu'Astrid lui avait adressé en début d'après-midi, et sa propre remarque le fit sourire. Il n'était pas spécialement fier d'arriver en retard, mais au moins, il minimisait les dégâts. A sa façon, certes. L'effort demeurait là malgré tout.
Enfin, l'explication était donnée, mais maintenant, ça l'interrogeait. Est-ce qu'Astrid avait fait cette remarque juste parce qu'elle l'avait surpris à nettoyer ses lunettes, ou est-ce qu'elle l'avait relevé dans le cadre de la journée relooking ?

- Les lunettes me vont pas, c'est ça ?

Il ne l'avait pas dit avec méchanceté, mais plutôt avec une pointe de déception. L'air de rien, Kalev aimait beaucoup ce qui était confortable, comme une grosse écharpe jaune en hiver ou une épaisse couverture sur le dos la nuit. Les lunettes, c'était exactement pareil. Parce que c'était confortable, il aimait bien ça.