▽ Breathe me.

Oui, ce moment était parfait. Oui, une demi-heure c'était pas assez pour en profiter. Mais oui, tu t'en contenterais et oui, tu voulais t'en contenter. Tu te laisses un peu glisser contre l'oreiller pour enfoncer ton dos confortablement et le regardes. Tes yeux pleins de paillettes l'observaient sans chercher à dire quoi que ce soit. Tu étais bien, toi, comme ça, dans tes couvertures flashy, avec lui à côté. Il te fallait un peu de temps pour te réchauffait mais ça viendrait. Tu passes tes bras, tant bien que mal, au-dessus des couvertures, t'ouvrant une des plaies. Une petite plaie, pas de quoi s'inquiéter. Tu ré-ouvres ton carnet, pour qu'il puisse lire.

Je peux encore avoir des bonbons ? Ceux que tu m'as ramené.

Tu le regardes et lui adresses un sourire angélique tandis que tu te retiens une grimace en sentant les douleurs de ton corps s'intensifier. Putain il fallait pas se le mettre à dos, ce connard.

Tout se passait bien. Enfin, presque, vu qu'il y avait une petite goutte de sang sur le bras de Jodie. Garfield soupira. Un rappel qu'elle allait mal, encore. Et qu'il avait un R. à trouver, d'urgence. Il eut du mal à décoller les yeux de la plaie pour regarder le carnet. Au moins, ce qui était écrit dessus le faisait sourire. Il attrapa le paquet de bonbons pour en approcher un de la bouche de Jodie, comme il l'avait fait un peu plus tôt. Curieux comme la situation était revenue au point de départ avec une tornade qui était passée en plein milieu.

« Faudrait que t'arrêtes de bouger, tu vas te faire encore plus mal. Honnêtement hein. Je me suis déjà pété à peu près tous les os, le meilleur moyen de survivre c'est de rester immobile et de dormir. » Son sourire s'agrandit. « D'ailleurs le meilleur moyen de ne pas se blesser c'est de rester immobile et de dormir. »

C'était à peu près sa philosophie de vie en général, d'ailleurs, avec le nombre d'heures de sommeil qu'il grappillait par çi par là dans une journée.

« On t'a déjà dit quand tu pourrais sortir ? »

Il n'avait pas encore demandé, à sa connaissance, et lui, c'était un des premiers trucs qu'il demandait quand il débarquait. Il détestait être coincé à l'infirmerie, parce que contrairement à ce qu'on pourrait croire, c'était l'endroit le moins reposant du château. On dort toujours mieux dans son propre lit, et il faisait plus chaud dans la salle commune.

▽ Breathe me.

Il s'inquiétait vraiment pour toi, alors ? Cette pensait te ravissait. Plus que tout, tu désirais qu'il te regarde, qu'il te prenne dans ses bras, que tu sois unique à ses yeux. Alors qu'il te donne cette attention faisait battre ton cœur un peu plus fort dans ta poitrine tandis que des paillettes s'installèrent dans tes pupilles. Peut-être que ça aurait été plus facile, finalement, si il ne t'avait jamais rien dit à propos de l'autre fille. Mais quelle culpabilité en portait-il, dans ce cas ? Tu baissas doucement les paupières. Tu te rendais compte de l'égoïsme dont tu faisais preuve et ça ne te plaisait pas.

Malgré tout, un tendre sourire vient égayer ton visage avant que tu attrapes le bonbon du bout des dents. Tu le mâches, tranquillement, les joues un peu gonflées par la taille de la sucrerie. Tu avales enfin la gomme avant de serrer un peu les mains contre le cahier. Ces pensées n'avaient aucune raison d'être. Ni pour toi, ni pour lui. Il valait mieux ne pas se prendre la tête avec ça. De toutes façons, tout allait mieux quand tu n'utilisais pas plus que ça tes neurones.

Normalement je passe la nuit ici et puis je peux sortir. Je suis juste tombée dans l'eau, je me suis pas casser d'os.

Tu mimas un rire nerveux. Tu avais zappé tes blessures, sans vraiment te rendre compte de la bêtise de tes dires. Tu souris et le regardes, tes paupières tombant peu à peu. Tu commençais à t'endormir et tu le sentais..

Tu promets de pas m'ignorer, après que tu sois parti ? J'aime pas avoir l'air d'un fantôme..

Juste une nuit ? Sans doute qu'elle devait se reposer avant que les blessures ne puissent être soignées. Égoïstement, il aurait préféré ne pas voir ça, il aurait préféré garder l'image de sa peau blanche... Cette image qu'il n'aurait pas dû avoir à la base. Encore un truc du genre. Franchement, ça commençait à faire beaucoup. Mais si le souvenir lui colorait les joues, ce qu'il avait à ce moment-là sous les yeux était plutôt désolant.

« Ouais mais bon, l'eau était froide. »

Il n'allait pas la détromper, elle était de meilleure humeur, mais sa fatigue apparente, sa fragilité, ses coups et ses blessures, ça l'inquiétait autrement plus fort qu'un plongeon dans le lac. Il sourit un peu tristement à la question, d'ailleurs. Parce qu'elle avait l'air d'un fantôme, vraiment, pâle comme ça... Mais il savait bien que ce n'était pas ce qu'elle voulait dire.

« Promis. Je te promets. »

Il pouvait dire ça. Il ne pouvait pas promettre de faire comme avant. De la serrer contre lui, de l'embrasser, d'être agréable, de rire. Il ne pouvait pas non plus promettre de ne pas regarder dans tous les coins si quelqu'un venait. Mais c'était déjà un début.

▽ Breathe me.

Ce n'était pas vraiment l'eau froide, qui dérangeait. C'était surtout que tu savais pas nager, que trop d'eau était rentrée dans tes poumons, que tu étais déjà à bout de forces avant même de tomber. Ça n'avait simplement rien arrangé. Ta mime de rire nerveux se transforma en un doux sourire qui laissait apparaître la blancheur de tes dents. Au moins ça faisait un petit contraste avec ta peau, histoire de pas te dire que tu étais à ce point pâle. Tes yeux fatiguaient et pendant que tu le regardais, tes paupières se fermaient.

Tu étais heureuse. Parce qu'il avait promis. Il avait promis d'aller jouer avec toi dans la neige, il avait promis de ne pas t'ignorer, il promettait de ne pas faire comme si tu n'étais pas là. C'était agréable ? Sans doute, oui. C'était plus que ça. Parce que ça te rendait vivante. Parce que rien que cette pensée te faisait voler sur le coton qu'il y avait dans le ciel, te faisait flotter plus haut que la dernière pousse du haricot magique.

Tu fermes les yeux. Ta conscience s'envole. Ton sourire se grave sur tes lèvres pour le restant de la soirée et sans doute également de la nuit. Tu fais tomber ton carnet à côté de toi, le lâchant en même temps que chacun de tes muscles se détendaient. Malgré toute tes blessures, malgré ta pâleur, tu restais Jodie. C'était ça qui faisait que c'était beau, quand tu t'endormais. Parce que tu avais toujours été belle. Parce que tu avais toujours réussi à trouver une raison de sourire. Cette fois ? C'était Garfield, ta raison de sourire.

Le papier de sa poche avait été arraché de ton carnet et sans le savoir, tu avais modifié les inscriptions. A la place du 'Adieu', il y avait maintenant un joli 'Merci', de la même couleur que tes cheveux.

Elle s'endormait, et Garfield avait l'impression d'avoir gagné une guerre. Tout d'un coup, il était fatigué aussi, cette impression de grande lassitude qu'on a quand on peut relâcher la pression après avoir marché sur des oeufs pendant un moment. Elle était beaucoup plus belle quand elle souriait, décidément, surtout quand ce n'était pas le foutu sourire qu'elle sortait quand elle n'allait pas bien.

Il avait dit qu'il resterait là jusqu'à son cours et il le fit, en silence, assis en tailleur sur sa chaise, sans besoin d'autre occupation que de la regarder. Il avait eu tellement peur que le simple fait de la voir respirer était un spectacle dont il ne se lassait pas. Lorsque Absynthe revint de la Grande Salle, il resta quand même là, après lui avoir fait signe de ne pas faire de bruit ; il aimait bien Absynthe. L'infirmier ne poserait probablement pas de question.

Quand il ne restait plus que cinq minutes avant le début de son cours, il se leva et sortit calmement, pour se mettre à courir dés que la porte fut bien refermée. Il allait probablement être en retard, mais tant pis.

Ce ne fut que le lendemain, quand il fallut envoyer sa robe de sorcier à la lessive, qu'il se rendit compte que le papier froissé au fond de sa poche avait changé. Et, pour la première fois depuis longtemps, il eut l'impression d'avoir fait quelque chose de bien.