Toujours ligoté, Jörgen se tortillait dans tous les sens pour essayer de se défaire des liens tranchants qui l'entravaient. Il gigota tant et tant qu'il finit par perdre l'équilibre et se vautrer lamentablement sur le flanc. Chance insolente ou coup du destin, sa chute correspondit parfaitement au moment exact où Zephyrus lui lança une nouvelle sphère enchantée. La boule passa juste au dessus de lui et alla s'écraser au sol quelques mètres plus loin.

Dans un bruit cinglant de verre brisé, elle produit un grand cercle de glace autour de son point d'impact, figeant par le froid la boue malmenée dans laquelle elle s'était brisée. Jörgen tourna sa tête pour regarder avec surprise le phénomène, heureux de ne pas en avoir été la malheureuse victime.

Sans qu'il ne comprenne pourquoi, il sentit soudainement sa cage de fer disparaître. Le quadrillage de métal sembla perdre en dureté, puis quitta cette réalité rêvée sans un bruit. La magie qui les avait invoqué avait, de toute évidence, cessé.

Enfin libre, le Vaudou se redressa en un saut, mouvement que son corps fatigué n'aurait jamais été capable de reproduire dans le monde réel, puis se saisit à nouveau de son arme peu conventionnelle pour se venger de l'humiliation qu'il avait subi en se faisant saucissonner de la sorte.

Il prit trois aiguilles d'un coup, et les enfonça dans l'idole magique en criant :

- Trop n'est jamais assez ! Je vais te percer, ton corps troué contre ma volonté !

Viridus n'avait pas pensé qu'on puisse se trouver à bout de souffle dans un rêve, et pourtant. Cette araignée était excessivement agaçante, beaucoup trop douée pour esquiver tout ce qu'il lançait sur son chemin. Cela le faisait grincer des dents, il n'était pas habitué à courir ni à devoir réfléchir en même temps ; cette situation était stupide, il aurait mieux aimé pouvoir attaquer à distance, voire établir des plans de bataille depuis l'autre bout du monde.

Il était plutôt loin parmi les tentes lorsque l'araignée changea subitement de direction pour retourner au coeur de l'affrontement et tenter d'achever son compagnon, et il s'accorda une minute pour souffler. Ce n'était pas comme si le vieux était sans défense, ni même qu'il risque de mourir réellement. Il revint vers les autres le plus silencieusement possible, derrière les adversaires. Il pouvait sans doute en immobiliser un des deux, s'il jouait les choses finement. Il étala un peu plus son onirique couche de crasse en s'essuyant le front de sa manche, pestant intérieurement alors qu'il s'approchait à pas de loup.

Décidant que le garçon était un plus grand danger et qu'il pourrait potentiellement lui voler sa stupide télécommande, Viridus tenta de l'embrocher sur sa fourche. Il n'aurait pas si mal que ça, c'était un rêve - et le professeur de Sortilèges en avait déjà assez de tout ce bazar.

La sphère s'écrasa au sol deux bons mètres à la droite de l'inquiétant sorcier. Détournant le regard pour préserver ses yeux du flash de l'explosion, ce dernier se mit à se demander s'il était devenu un champion de l'esquive ou si son adversaire perdait en précision avec la fatigue. Il était vrai que le combat commençait à tirer en longueur : il était temps d'y mettre un terme.

L'amusement initial lié à l'utilisation de l'idole vaudoue s'évanouissait un peu plus à chaque aiguille que Jörgen y plantait. L'objet en lui-même commençait d'ailleurs à ressembler à véritable hérisson. Profitant de la confusion qui suivit la détonation de l'attaque manquée par Zephyrus, le sorcier dénudé entreprit d'enlever les pointes qui transperçaient la poupée pour refaire de la place.

Il s'étonna ensuite de voir les trous disgracieux qu'il avait causé dans l'objet disparaître, se rebouchant d'eux-mêmes. Fasciné par le processus, Jörgen perdit quelque peu conscience qu'il se trouvait au centre d'un affrontement bleusanglant qui demandait pourtant toute son attention.

Voulant tester cette nouvelle fonction inattendue de la poupée enchantée, le sorcier se mit à transpercer encore et encore cette dernière au même endroit dans le but d'observer les matériaux qui la composaient reboucher le trou béant qu'il y creusait à chaque mouvement. Il n'en avait plus vraiment conscience, mais il y avait des chances que cette expérimentation incongrue invoque bien des souffrances chez ses adversaires...